Dans quelle langue faut-il vous le dire ?

 

On a beau vous les passer au mégaphone, certaines consignes restent lettre morte. Sans raison particulière puisqu’elles sont formulées dans votre langue. Or, depuis vos chères études, aucune langue – maternelle incluse – ne trouve grâce à vos yeux. N’espérez pas de miracles en mandarin ou en bantou quand vous gâchez déjà les bijoux de famille.

 

En sus d’une forte tête, vous êtes donc une vraie bille. Du reste, ceux qui vous sollicitent n’en mèneraient pas tellement plus large en changeant d’idiome. Leurs rudiments de baragouin ne déclencheraient même pas l’indulgence des populations autochtones.

français

De votre côté, il ne vous reste plus qu’à simuler la bonne volonté, histoire qu’on puisse vous confier des trucs sans avoir l’impression de se soulager dans un stradivarius.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en métropolitain civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Ça ne veut pas rentrer par les oreilles ? Qu’on vous laisse des messages écrits ou dessinés, sans lésiner sur le Stabilo.

 

♦  Sans doute ne bitez-vous jamais un broc du fait que vous n’êtes pas né(e) à la bonne époque. Exigez qu’on s’adresse à vous en ancien françois ou mieux, en français du futur. Rigolade garantie.

 

♦  A la fois poétique et universel, le langage des signes vous permettra de communiquer en tous points du             avec n’importe quel                de votre trempe.

 

♦  Vous avez perdu tous vos points du permis de causer ? Rien de tel qu’un stage de remise à niveau pour réviser dans la bonne humeur l’orthographe du mot mégaphone.

 

♦  Si vous braillez plus fort que celui-ci, tout s’explique : vous êtes encore en âge de téter. Profitez-en bien pour n’en faire qu’à votre tête.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Comment rappeler votre nom à quelqu’un qui ne vous remet pas ?

 

On est parfois plus célèbre qu’on ne croit. D’où cet illustre inconnu peut-il bien vous connaître ? Au point de vous tutoyer qui plus est ? Vous voulez bien être changé(e) en cochon si l’endroit où vous les auriez gardés ensemble vous revenait en mémoire.

Voilà pour l’épisode plaisant. Mais la gloire cèdera bien vite la place à l’anonymat. Ainsi, à peine tombez-vous sur cette vieille branche, cette connaissance du temps jadis, ce long lost friend dans la langue de Shakespeare, que vous décelez dans son œil qui se fige un effort désespéré pour vous remettre. Et toutes les contorsions linguistiques qui vont avec pour éviter de balancer un nom au petit bonheur la chance.

Si l’autre n’a pas plus changé que ça, vous non plus, sans fausse modestie. Du moins vous semble-t-il. Alors quoi ? La vexation le dispute à une désillusion dont l’amertume n’a d’égale que la tendresse que vous lui portiez, à çui-là/cellate.

Vous avez le choix : relativiser en songeant qu’on est bien peu de chose ou, au contraire, réparer l’oubli, histoire de cautériser un peu votre amour-propre.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en fantôme civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Lorsque vous sentez arriver le râteau à retardement (ou « râteaurdement », au risque d’un mot-valise), proposez à l’interlocuteur un blase totalement différent du vôtre. Savourez alors ses ronds de jambe, sachant que les conjectures sur votre identité iront bon train quoi qu’il arrive sitôt que vous aurez pris congé.

 

♦  Œil pour œil, dent pour dent : feignez d’avoir à votre tour son nom sur le bout de la langue.

 

♦  Des scrupules ? Tentez le coup du jumeau caché. Convaincu de n’avoir – et pour cause – aucun souvenir commun avec vous, il n’essayera même plus de vous situer, vous épargnant ainsi qu’à lui-même la comédie des retrouvailles. Une fois la méprise dissipée, libre à vous d’enchaîner sur le curriculum de votre homozygote.

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♦  Portez toujours sur vous un badge nominatif. Si vous travaillez en caisse, comme officier de police ou agent au service secret de Sa Majesté, la force de l’habitude aura raison de la gêne.

 

♦  Réunissez tout le pognon nécessaire et changez votre nom en Machin(e). Et si c’est un peu raide à porter, pourquoi pas un nom composé ? Trucmuche, Machin-chose… Ça arrangera ceux qui détestaient leur prénom et évitera bien des déceptions face à vos oublieux.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Amalgame

 

Les pères la morale et autres gardiens du temple nous le caquètent assez : il faut se défier des amalgames. Ne manque plus que l’écriteau « attention à l’amalgame » pour concurrencer le « chien méchant » au chapitre dissuasion.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Dans la torpeur d’après 11 septembre, cette chasse à l’amalgame semble s’être muée en authentique braconnage. Tout juste prononçait-on le i d’islam qu’un bretteur rompu à la dialectique de plateau vous rabrouait à grand renfort de :

pas d’amalgame !

 

En 2003, Bedos débutait son spectacle par une pique à l’éclairagiste :

Il s’appelle Mouloud mais, vous savez, il est comme nous !

Puis, sans rancune :

Salut Mouloud ! Pas d’amalgame !… On entend ça partout en ce moment mais personne sait ce que ça veut dire.

Dans ces cas-là, Guy, l’étymo nous garde de tout mélanger.

 

En nous rappelant d’entrée combien la langue est cocasse : amalgame est un mot arabe. L’article al lève le voile illico sur cette origine, qu’on retrouve notamment (poilade quand tu nous tiens) dans alcool et alcôve. « Amal al-gamaa » – car c’était lui – signifie à la virgule près « œuvre de l’union charnelle ». C’est pas le jour du Prophète, décidément. Comme on sait, les chimistes s’en sont emparés pour désigner un alliage de métaux, par analogie avec la fusion des corps. Même esprit vicelard derrière les fourneaux, où l’on mêle intimement ses ingrédients (d’où le délicieux verbe d’amalgamer).
Pour nous autres occupés à des métiers normaux, un amalgame combine des éléments souvent hétéroclites.

 

Comment a-t-on pu passer de ce mélange harmonieux à la confusion des genres, au raccourci, au rapprochement douteux ? Luttons contre l’emploi dévoyé d’amalgame ! Fi de l’emporte-pièce ! Sus aux débats auto-tamponneuses ! Qu’une pensée éclairée surpasse la somme de nos certitudes respectives !

A propos, qui vous a fourré dans le cockpit que soixante-et-douze filles aux yeux noirs vous seraient servies sur un plateau nuage ? Mes cochons, si je puis me permettre, vous prenez vos désirs pour des réalités. Pas d’amalgame ! On ne saurait s’amalgamer que sur des matelas en dur.

Merci de votre attention.