Dès qu’une vendeuse en n’importe quoi estime devoir conforter le client sur le choix d’une coupe, d’une couleur, d’une merdouille quelconque, elle lâchera tôt ou tard :
Et puis c’est très tendance.
Argument massue après lequel il ne pourra plus reculer. Notez que, bidouillé en adjectif, le mot lui-même est devenu tendance. Somptueuse mise en abyme apte à dérider les plus pincés au passage.
Mais revenons à nos moutons, moutons.
Tendance est parvenu à démoder mode. Et pourquoi ça, puisque plus synonymes, tu meurs ? Parce que Coco (Chanel) eut le tort de populariser la formule de Cocteau (Jeannot) : « la mode, c’est ce qui se démode ». Balle dans le pied des stylistes ? Vite soignée : il suffisait de décréter que les choses pussent « revenir à la mode » pour assurer un avenir toujours radieux au tiroir-caisse.
Alors que « se détendancer », c’est pas demain la veille qu’il arrivera dans les rayons, çiloui-là.
Car les contours d’une tendance sont flous, par définition. C’est là sa grande force : on ne sait trop où ni quand elle apparaît. Surtout, elle ne disparaît jamais puisqu’à l’inverse de la mode qui se démode, son négatif n’existe pas. On chercherait en vain un cimetière des éléphants des tendances : elles se contentent de passer la tête lorsqu’on les invoque. Comme si l’ensemble des gogos s’amourachait et se lassait comme un seul homme. Dans le genre moutons, avouez que ça se pose là hein.
D’ailleurs, précisez « la tendance du moment », on vous rira au pif en hurlant au pléonasme. Tel le plat du jour, la tendance est toujours « du moment ».
C’est pourquoi, quand les magazines de filles du sexe féminin mettent à la une des
nouvelles tendances
ou claironnent que
l’été sera tendance,
soyez circonspectes.
Pas d’« ancienne tendance » possible, ni de « future ». Ou alors, on tend légèrement à vous bourrer le mou.
Merci de votre attention.