Siècle, sors de ce corps

 

« Il faut vivre avec son temps ». Sous-entendu : « sous peine d’être largué ». Un adage que seuls suivront les moutons de première, parce qu’en réalité, nous nous débattons tels de la crème pâtissière dans des mille-feuilles temporels.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Tout à notre guidon, c’est une chose qu’on relève peu : les trentenaires actuels sont la dernière génération de toute l’humanité à avoir grandi sans le ouèbe. La dernière aussi à pouvoir confronter sa vision du monde (analogique) au nouveau. Schizophrénie comparable à celle qui dut agiter les contemporains du premier téléphone ou les pionniers du moteur qui fait boum.

superposé

Or, à courir plusieurs lièvres à la fois, ne risque-t-on pas de devenir chèvre ? Adeptes de la métaphore animalière, filez.

D’autant que nous le sommes de moins en moins, animaux. L’homme des cavernes avait du poil aux pattes, nous multiplions les épaisseurs de fringues. Les médias nous rencardent sur tout, l’ancêtre partait en éclaireur. Parfois même il virait nomade, sans disposer du moindre début de locomotion actuelle.

Si bien que l’homme des trottoirs ne sent plus rien (et pallie par des expressions bizarres). A part le camion qui le percute de plein fouet ou la vague géante qui l’emporte alors qu’il zieutait un écran quelconque. ‘Tention, un encornage de mammouth pendant les ébats avec madame des cavernes est une mort tout aussi khôn. Mais qui au moins a le mérite d’interrompre un moment de grâce.

 

C’est bien beau de « vivre avec son temps ». Faudrait-il pas au contraire vivre en dehors, ou plutôt privilégier l’intemporel (amour, art, passions humaines) sur les contingences ?
De dieu, ça balaie large aujourd’hui.

 

Si les génies se font rares, au passage, c’est qu’ils sont privés du temps dont ils auraient besoin pour être en avance sur le leur.
Tout va si vite ! Même Léonard plierait boutique.
Il ferait un malheur en peintre rupestre.

Merci de votre attention.

 

Amputation par les ondes

 

Faut-il que la moutonnerie nous mène par le bout du nez pour que nous nous accommodions de cette pratique des programmateurs radio, nulle part inscrite dans le marbre mais systématique : couper la fin d’une chanson par un jingle ou du blabla maison. C’est inepte, scandaleux, et pour tout dire,

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Imaginez qu’au cinéma, l’on vous prive du dernier plan du film en rallumant la salle ? Coït interrompu, frustration, meurtre. Ah ben faudra pas faire les étonnés.
Quelle sombre urgence peut bien pousser l’animateur, en principe respectueux de son public, à reprendre la parole parfois en plein milieu d’un refrain ? Alors quoi ? Serait-on aux pièces ? A supposer que le temps presse, pourquoi ne pas choisir, au dernier moment, une ritournelle plus courte mais en entier, rien qu’une fois ?

 

Si cet ignominieux stratagème nous est infligé à longueur d’antenne, c’est sans doute à l’origine pour éviter qu’un auditeur assez khouillon malintentionné n’enregistre l’œuvre et ne la duplique à des fins mercantiles.
Mais, si tout le début est déjà gâché par de la parlotte (la régie ayant pour consigne d’envoyer le disque annoncé concomitamment au micro), le profiteur en question ne pourra jamais l’écouler, sa copie ! En vertu de quoi, autant laisser pisser jusqu’au terme, non ?

 

Au-delà du foutage de gueule pour celui qui écoute, c’est nier le travail de celui qui écrit. Et dont le bébé, même s’il n’est pas toujours le plus beau, a été conçu pour être ouï de bout en bout (sans compter que tout l’intérêt peut justement résider dans le finale parfois grandiose).
A moins que les instances radiophoniques ici-bas ne diffusent des chansons dans le seul but de meubler ? Allons bon.

Merci de votre attention.