Contrarier

 

Qu’est-ce que contrarier sinon aller a contrario ? Vos vis-à-vis voyant la vie en sens inverse par définition, la compagnie des hommes est une éternelle source de contrariétés. C’est pas Spinoza qui dirait le contraire.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Azioujouôle, c’est à l’orée du XIIe siècle que tout se joue. Fidèle à lui-même, contrarier signifie déjà « s’opposer, se quereller ». On le croise même sous la forme contralier, vite abandonné parce qu’il rappelait trop allié, et que justement non.
C’est qu’il ne fallait pas contrarier le latin contrariare, « contredire », ni l’adjectif contrarius, « en face de, du côté opposé ».

Et que dire de la préposition contre, pour laquelle on a là encore passé contrat avec le latin contra, « en face de » (pas contrariant, le latin) ? D’ailleurs, en comparant contra à intra, extra et consorts, on note qu’il s’agit de la contraction de cum (« avec ») et du suffixe comparatif teros, le tout signifiant « comparé à ».
Le contraire nous eût étonnés. Une rencontre sportive ne permet-elle pas à la foule de « comparer » deux adversaires ?

 

Ci-contre quelques cousins de contre : contraste, contrefait, controverse, à l’encontre, malencontreux, s’en contrefoutreContrôle surprise : formez une phrase avec ces exemples.

 

Pour finir, réhabilitons la locution « par contre », qu’un lobby revanchard tente de supplanter par « en revanche » sous prétexte que ça au moins, c’est français. Maintenant qu’on est familier de toute la petite famille, « par contre » et « par contraste » ne sont-ils pas deux variantes de la même idée ?
Comme ça, vous ne vous laisserez plus contrarier. A charge de revanche.

Merci de votre attention.

 

« Faire le comparatif »

 

Une fièvre étrange nous pousse à vouloir établir un « comparatif » entre toutes choses. Parce que comparaison n’est pas raison ?

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Ce coup-ci, au lieu d’inventer un mot, on l’a fait changer de statut, c’est plus subtil. Vérifiez, comparatif plastronne bel et bien dans tous les dicos dignes de foi. Au rayon adjectifs, les cocos. Si on devait faire un « comparatif », c’est un peu comme si ce dernier piquait son grade à comparaison, ce qui pose un problème de leadership (qui lui non plus ne perd rien pour attendre).

Au nom de quoi « comparatif » prend-il du galon ? Des « études comparatives » et des tableaux du même nom, vraisemblablement. Avouez qu’il n’en faut pas bésef pour passer d’un « tableau comparatif » au « comparatif » proprement dit. Le résultat sans la cuisine interne. Sauf que dénué de tout arrière-plan statistique, « comparatif » est en slip, comparé à comparaison.

 

Maintenant qu’on est habitué, ça n’empêche personne de faire des nuits quasi-complètes. Mais reprenons notre tableau qui, en sus d’être comparatif, a l’avantage d’être synthétique. Passerait-on de la synthèse au « synthétique » sans moufter ?

 

Riez pas. « Comparatif » suit comme son ombre « estimatif » (– tu me feras « un estimatif » ? – y’a peu de chances) et surtout récapitulatif. Qui, lui, a fait son trou, faute de concurrent sérieux (à tel point qu’on lui donne du récap dans l’intimité).
Or, si capituler donne capitulation, pourquoi récapituler ne débouche-t-il jamais sur récapitulation, qui est pourtant le terme officiel (vérifiez vérifiez) ? Toujours mieux que « capitulatif », non ? Le jour où un chef ennemi rendra les armes sous ce nom-là, l’humiliation sera totale.

Récapitulons.
« Faire le comparatif », c’est violer la langue en public. Sans contraceptif.

Merci de votre attention.