Toujours parler de ces deux-là sous le terme générique d’homme, c’est en faire un peu les soldats inconnus du paléolithique. Alors que sous leur air fruste, Cro-Magnon et Néandertal cachaient des personnalités aussi singulières que vous et moi (Brrnô, Gertrude, Jean-Gnoûrf dit JG, pour ne citer qu’eux).
Mais revenons à nos moutons, moutons.
En réalité, tout ça, c’est pour ne pas dire habitant. Voyons les choses comme elles sont, Cro-Magnon et Néandertal ne sont pas les noms des découvreurs mais bien ceux des patelins respectifs.
Et encore, pour Cro-Magnon, c’est un bien grand mot. Nom dur comme les mœurs de l’époque peut-être mais caractéristique de la roche qui en fut témoin.
En occitan, Cròs-Manhon n’est guère que le creux du père Magnon. Dans la généalogie duquel figure un grand gaillard (manhon émanant de magnus) mais aussi l’homme par qui la renommée arrive (dans un bel anachronisme dont tout le monde se fout). Vu la taille au garrot des spécimens retrouvés, c’était le même, avec un peu de chance.
Là-dessus arrive Néandertal.
Outre-Rhin, Neander, c’est du chinois. Ou plutôt du grec : néos, « nouveau » (neu, new, neuf, c’est pas nouveau), pour qualifier andros, « homme » (andropause, misanthrope entre autres).
Quel rapport avec la riante vallée teutonne Tal ? Il se trouve que le sieur Neumann, compositeur de son état, y filait rencart à la muse tout en se rebaptisant Neander pour le plaisir de faire grec. Dieu sait quel blase auraient pris les aïeux si l’inspiration n’avait pas posé un lapin au sieur en question.
Toute l’engeance s’appelle donc ainsi du simple fait que les restes de quelques-uns dormaient là plutôt qu’à trois kilomètres. Un peu facile, non ? Cro-Magnon et Néandertal se répartissaient sur un vaste territoire. Ils étaient donc plus nombreux à ne pas crécher là que l’inverse. D’après nos sources, certains Néandertaliens n’ont même jamais entendu parler de la « vallée de l’homme nouveau ».
C’est dire si Cro-Magnon et Néandertal méritent mieux que cette image d’Epinal. Ne serait-ce que pour l’homo spinalensis à qui l’expression hérisse le poil.
Merci de votre attention.