Volaille

 

Ensemble des volatiles de basse-cour élevés pour leurs œufs et leur chair.

Autrement dit, la volaille ne peut pas voler. Un comble. De là à dire qu’elle ne l’a pas volé, il n’y a qu’un nugget.

Mais revenons à nos couvées, moutons.

C’est vrai quoi. Poularde de Bresse, poulet jaune des Landes, dinde ou chapon de Nawel pour ne pas dire gallus gallus domesticus ont tous un point commun : l’inintérêt de leurs ailes, qui n’a d’égal que la succulence de leurs sot-l’y-laisse.

Car comme le sieur Elmaleh l’a mis en lumière :

Ah petit oiseau, si tu n’as pas d’ailes
Ah tu peux pas voleeeeer.

 

La définition ci-dessus n’a pas toujours été aussi stricte.

Ainsi, la volaille de 1317 désigne encore l’« ensemble des oiseaux ». Evidemment, dans ces conditions, on en trouvera toujours un ou deux pour s’envoler à l’approche d’un prédateur. Par ailleurs, à l’époque, volille, volleille ou vollaille se disent aussi selon l’humeur. Volatils, les aînés.

Deux siècles et demi s’écoulent avant que volaille ne revoie ses ambitions à la baisse : « ensemble des oiseaux qu’on nourrit dans une basse-cour ». Et encore autant avant de pouvoir apprécier la « viande d’un de ces animaux ».

Début XIXe, ça commence à caqueter au figuré : « femme de mauvaise vie », vite supplantée par poule – ce qui n’est guère plus aimable. Sans oublier l’officier de « police » de 1900, vite supplanté par poulet – ce qui ne le rend guère plus aimable.

 

Remake du bas latin volatilia – ça ne vole pas toujours très haut –, tiré de l’adjectif volatilis qui n’appelle pas de traduc, volaille doit tout à volare, formé sur l’indo-européen uel- qui « tourne » dans toutes les langues, de volvo (même sens) à velox (« rapide ») en passant par les deux wheels du vélo.

 

Quant à savoir pourquoi voler signifie à la fois voler et voler, demandez-le aux fauconniers qui dressent leur vilaine bête à piquer le goûter des autres. En volant plus vite que tout le monde, ce qui explique la rareté du faucon à la broche.
Mériteraient d’avoir les officiers de police au croupion.

Merci de votre attention.

 

Basse-cour

 

C’est de la triche, caquetez-vous déjà, l’étymo d’un nom composé, on peut tenir le crachoir trois jours avec ça. Vouliez qu’on s’attaque uniquement à cour ? C’eût été trop court. Qu’à basse ? Absurde : pourquoi justement au féminin ? Pourquoi pas, auraient répondu les blasés du masculin qui l’emporte. Et tout le monde de se bastonner à coups de « théorie du genre ».

Mais revenons à notre basse-cour, moutons.

A notre époque urbanisée, rurbanisée et rerurbanisée, l’idée que nous nous faisons de l’endroit est peu ou prou celui où cohabitent veau, vache, cochon, couvée (pas vous mes moutons, de peu). Plus tout le bestiaire par métonymie. Afin de bien embrasser la notion de basse-cour, si on revenait aux fondamentaux, comme disent les khôns ?

Pour l’architecte, basse-cour est la « cour intérieure d’une forteresse », par définition plus basse que la tour d’enceinte. Ou, pour les non-châtelains, la « cour distincte de la cour principale, où se trouvent les écuries et les dépendances ». Il fut même un temps où basse-courier était un full-time job, comme disent les khôns. L’individu occupant cette noble fonction se voyait confier les soins de la basse-cour – ramasser les fientes d’Edwige, en gros (Edwige étant la poule favorite de Monsieur et Madame). Et Dieu sait si elle en usinait de la chiure, Edwige.

 

Au Xe siècle (vous vexez pas si on accélère un chouïa), cort ou curt désignait l’« espace découvert entouré de murs », partant, la « ferme » (vous l’avez cherché) ainsi que la « résidence d’un souverain et de son entourage » (écrit cour à partir de Louis XIV).
D’où plus tard « faire la court », courtiser (afin de gagner les faveurs de qqn).

Bien plus tôt, on avait formé cohors, « cour de ferme » aussi bien que « troupe » des campements romains (cohorte), sur cum (« avec ») et hortus (« jardin clos »).
Et hop ! Horticulture. Hortensia. Hortense, toujours fourrée avec Edwige.
(Au passage, qu’on regarde à cour ou à jardin, comme disent les metteurs en scène, l’étymo s’en bat l’œil, c’est kif-kif.)

Cohors suit ensuite son cours vers le bas latin curtis.
A ne pas confondre avec le court latin bassus qui, avant de mettre bas bas, est attesté au sens de « gras, obèse ». Baba, qu’on en reste.

 

Basse-courier dut tomber en désuétude quand la confusion avec cette dondon de factrice commençait à devenir embarrassante. Edwige n’eut alors pas d’autre choix que de se torcher toute seule, toute Edwige qu’elle était.

Merci de votre attention.