Gap

 

Quand un pompeux de service parle de « gap générationnel », ça fait un peu cet effet-là :

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Dans notre série « l’anglicisme for itself » (qui est le comble de la loose), il semble qu’on ait de nouveau franchi un gap. Rappelons que c’est pour ne pas dire fossé. Pour se défausser, quoi.

 

But why ?

Sans doute parce que fossé rappelle trop fosse, qu’on associe peu à de radieux souvenirs : fosse commune, fosse septique, fosse à purin ; n’en jetez plus.
Et la fosse d’orchestre alors ? Et les fossettes de votre chéri(e) ?

Le pire, c’est que ce rapprochement est 100 % justifié : fosse et fossé ne font qu’un, depuis le latin fodere, « creuser », foyer de fouir, fouiller, fossile et, en creusant plus profond, profond.

 

Gap s’en écarte en tout point. Cet homonyme du chef-lieu des Hautes-Alpes et d’une marque de frusques a suivi une route plus glorieuse dans la langue de Shakespeare, où il désigne un « espace vide » ou une « brèche », fruit du verbe to gape, « bâiller, béer ».

 

De manière plus terre-à-terre, l’attirance du g de générationnel n’est sans doute pas pour rien dans le succès de gap.

 

D’accord mais is it a reason ?

A ce compte-là, supplantons tous les mots patibulaires par leur équivalent outre-Manche : avoir un hole de mémoire, la bump des maths, un hair dans la main, la crotte au bottom.
Pour generation, heureusement, c’est bonnet white et white bonnet.

Un salut amical aux habitants de Saint-Maur-des-Gaps.

Merci de votre attention.

 

Alpinisme

 

Les « crétins des Alpes » ont fait des émules bien au-delà de leurs vallées encaissées.
Les alpinistes itou, à en juger par le nombre de spécimens se râpant les paumes en ce moment même sur une paroi.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Et méditons sur la plus raide de la semaine : pourquoi appelle-t-on alpinisme une discipline manifestement pas réservée aux Alpes ?

Songe-t-on seulement au pyrénéen de souche qui, non content de se farcir son mont fétiche par la face nord, se voit imposer le nom d’un massif situé à 12h59 (1 274 km) via A1 (12h12 sans circulation) cet itinéraire comprend des péages l’autre bout du pays ?

 

Au pied de l’Himalaya, l’alpiniste fait un peu petite bite, vu comme ça.
Parvenu à l’altitude du Mont-Blanc, c’est-à-dire à mi-parcours, il croira avoir atteint le sommet. Et s’en retournera victorieux, sous les yeux du sherpa incrédule.

yack

Nous serait-il venu à l’idée de baptiser transatlantiques des bateaux en partance pour les mers du sud ? Pianiste un musicien, peu importe son instrument ? Gynéco le type chargé d’ausculter tous les orifices disponibles ? Hein, dites ?

Et encore, sachant qu’alpin et alpestre sont au coude-à-coude, on a bien failli pratiquer l’« alpestrisme », les enfants.

 

Sans tomber dans la familiarité de grimpette, escalade serait-il moins noble qu’alpinisme ? L’anglais a son mountaineer ou climber, au choice. Tout-en-un pour l’allemand Bergsteiger. Même l’italien, pourtant copropriétaire des Alpes, met alpinista et scalatore sur un pied d’égalité.

 

C’est humain, dites-vous. Les colons anglais cédèrent eux aussi à la tentation en nommant New England tout le Nord-Est des Etats-Unis. Idem pour les cartographes zélandais, trop heureux de s’arroger la postérité en même temps que la terre des Maoris.

A propos, saviez-vous que les « Alpes du Sud » étaient la plus grande chaîne montagneuse de Nouvelle-Zélande ? Par beau temps, il paraît qu’on peut entendre le cocorico d’ici.

Merci de votre attention.

 

Coureurs et coureurs

 

Par égard pour le Tour de France qu’on n’arrivera jamais à détester malgré les pharmacopées qui en font et défont la légende, réglons leur compte si vous le voulez bien aux ceusses qui courent à côté des coureurs. Dans le monde du vélo, voilà au moins du sans-gêne incarné au grand jour. Raison de plus pour le pulvériser une fois pour toutes.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Ces khônnards méritent-ils de vivre ? Je ne crois pas.

Signes caractéristiques :

  • invisibles dans la plaine, ne surgissent qu’à la première étape de montagne. Sans doute la raréfaction de l’oxygène a-t-elle raison des derniers neurones en activité ;
  • souvent détenteurs d’une banderole ou d’un fanion de leur cru, qu’ils ne manquent pas de faire flotter au vent comme si leur vie en dépendait ;
  • toujours torse nu, quand ce n’est pas les parties à l’air. Ce qui n’empêche pas – grande nouveauté – les déguisements. « J’ai montré mon cul et tout le monde m’a vu. Mais personne m’a reconnu, j’avais un masque ». Sur leur lit de mort, qui leur enviera cette ultime fierté ?

Détail troublant : cette année, la khônnardise semble toucher des nanas du sexe féminin et même des mômes.
Il est plus que temps d’agir.
Surtout que le khônnard n’est passible d’aucune sanction ! Tout juste une circulaire interministérielle égrène-t-elle ses placides consignes :

Ne courez pas à côté des coureurs. Pour leur sécurité, n’allez pas au devant d’eux, même pour les encourager.
N’aspergez pas les coureurs.
N’agitez pas de banderoles au-dessus des coureurs.

Pondeurs de textes, mégoter de la sorte restera sans effet, je le crains. Puisqu’il n’y a aucun moyen de faire entendre raison au khônnard, et vu la molle indignation des commentateurs de l’épreuve, l’éradication pure et simple s’impose.

 

Ci-après quelques suggestions en ce sens, immédiatement applicables (toute piste sera la bienvenue) :

  • Avec la complicité des ponts et chaussées, provoquer la fonte instantanée du goudron juste sous les semelles khônnardes ;
  • Prévoir un énorme crochet comme au théâtre, qui viendrait de l’arrière faucher le khônnard au démarrage ;
  • Même méthode avec une méduse géante dressée, nourrie exclusivement au khônnard ;
  • Equiper de flash-balls les motards de France Télévisions, les inciter à tirer à vue. Perfectionner l’arme avec un viseur afin d’épargner à coup sûr cyclistes et autres spectateurs.
  • Canarder depuis l’hélicoptère (trop dangereux).
  • Et puisque c’est la promesse d’être vu à la télé qui le fait courir, flouter le visage du khônnard. Avec notre merveilleuse technologie, me dites pas que c’est pas faisable en direct ça, allo, Cognacq-Jay ?

Mais l’objectif ne sera pas atteint sans l’aide de tous.
Je compte donc sur la contribution de chaque acteur du Grand Soir sur la Grande Boucle.

  • Les spectateurs du Tour eux-mêmes, premières victimes des khônnards dont la foulée leur cache les coureurs. Jamais un croche-patte ? Jamais de ceinturage à plusieurs, façon rugby ? Asseyez-vous sur votre éducation, pour une fois. L’anonymat de la foule vous mettrait à l’abri de toutes représailles, pensez-y !
  • Les directeurs sportifs. Khônnards au milieu de la route ? Mais roulez-leur sur les arpions, qu’est-ce qui vous retient au juste ?
  • Quant à vous qui pédalez, l’effort rend évidemment malcommode toute rebuffade. Mais vous êtes aux premières loges, considérez-le comme une chance ! Regard noir. Ecart obligeant à s’empaler dans les gens. Ramponneau. Gourde en pleine gueule. Tout véhément qu’il soit, le khônnard ne vous encourage en aucune manière. Vu son attitude, il n’est probablement jamais monté sur un vélo. Alors un bon geste, pour le bien de tous, n’attendez pas le sommet du col pour lui faire bouffer sa banderole.

Merci de votre attention.