Le pain de mie sans croûte

 

Certains préfèrent leur pain de mie sans croûte. Ni une ni deux, le rayon pains de mie y pourvoit. On se jetterait par les fenêtres, les fabricants de fenêtres ôteraient les montants pour nous faciliter la tâche.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Harry’s se livre à ces amputations depuis 2005, observant que les bambins ont l’habitude de « découper la bande de gras qui entoure la tranche de jambon ou à ôter la croûte du fromage ». On se disait aussi : ce sont les monstres qui poussent à la consommation. Et les géniteurs jouent le jeu, trop heureux de retomber en enfance à l’heure du croque-monsieur. Où gratinent jambon découenné et gruyère pré-râpé, comme de juste.

 

La croûte, si on ne fait pas l’effort de la mâcher, c’est pas pour l’enlever soi-même hein. Heureusement que les zindustriels se plient en quatre. Jusqu’à l’aplatissement complet. De l’offre ou de la demande, on ne sait laquelle est la plus chochotte.
Mais l’indigeste dans l’histoire, c’est moins l’appât du gain que la servilité avec laquelle on suit nos moindres « besoins ». En ôtant sa croûte au pain de mie, le khâpitalisme n’a plus aucune dignité.

Le pain de mie sans croûte est une défaite de la civilisation.

 

Et ça vaut partout. Rose sans épines, raisin sans pépins, paiement sans contact. Tout ce qui nous escagasse, la main du progrès le vire pour nous. A l’heure qu’il est, l’ananas sans piquants doit probablement germer dans l’esprit malade d’un ananassier sans scrupules.

Quant au sexe sans amour vu par les zindustriels, n’importe quel pignouf sait que ça n’a qu’un lointain rapport avec la réalité. Les films porno ne gagneraient-ils pas en profondeur (sic) avec un début de scénario ?

 

A propos, relisons Goscinny.

Si vous demandez à quelqu’un ce qu’il aimerait lire, eh bien, c’est déjà fini puisque vous êtes là pour surprendre le lecteur. S’il connaît l’histoire avant vous, ça ne lui plaira pas.

Conclusion : ne soyez jamais où on vous attend.

Merci de votre attention.

 

Emploi du temps

 

Arrêtons de courir dans tous les sens, surtout si c’est pour en blâmer l’« emploi du temps » :

j’ai un emploi du temps très chargé.

Hors système scolaire, nous employons notre temps comme bon nous semble. L’honnêteté nous obligerait à dire :

j’ai chargé mon temps avec des tas de choses inutiles.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Que vous soyez puissant ou misérable, les heures feront toujours 60 minutes et les journées 24 heures. Le temps est le même pour tout le monde, il n’y a que son emploi qui change.

Relatif et absolu qu’on retrouve en bisbille dans d’autres locutions : saut du lit mais descente de lit. On ne saute (ou on ne descend mollement, vu l’emploi du temps de la semaine) que d’un seul lit, en principe. En revanche, le tapis n’est pas propre à un lit en particulier. Si nous avions tous la même descente de lit, alors là oui, descente du lit serait tout à fait valable. Idem pour table de chevet, housse de couette, etc. Notez que drap du dessus reprend ses droits car il n’y a qu’un seul dessus.

 

Comme on n’a pas prise sur ce temps uniforme, l’emploi du temps permet de tout ramener à soi :

j’ai un emploi du temps de ministre.

L’inverse est vrai aussi :

j’ai un trou dans mon emploi du temps.

Fort bien mais trou du cul ? Ne devrait-on pas dire « trou de cul » puisque personne n’a le même (sauf les siamois, qui l’ont dans l’os) ?
Au lieu de ça :

J’ai un trou du cul très chargé.

Hors système scolaire, nous employons notre cul comme bon nous semble. L’honnêteté nous obligerait à dire :

j’ai chargé mon fion avec des tas de choses inutiles.

Attention,

j’ai un trou du cul de ministre

ne retentira que dans les bouches habilitées, qui se comptent sur les doigts d’une main : le ministre en question (quoiqu’alors on frise le pléonasme) et le président.

Merci de votre attention.

 

Désarroi

 

Même au trente-sixième dessous, personne ne se trouve jamais dans le désarroi. Seuls les journaleux semblent priser ce mot tout fripé dont on se demande en quel honneur il survit encore à son antonyme arroi.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Le désarroi moderne ? Admettons qu’on ne s’esclaffe pas trop grassement : il correspond (en plus grandiloquent) à l’abattement, l’impuissance, la déconfiture avec métastases.

N’en zappons pas pour autant le sens propre en vigueur jusqu’au XIXe siècle :

arrimage, chargement mal fait, objets placés en désordre

dans la langue des marins et, plus globalement,

dérangement, désordre

en parlant d’une situation.

Bref, c’est le Bronx.

Est-ce à dire qu’arroi = « ordre » ? Remettons tout ça dans l’ordre, voulez-vous.

 

Dans les premiers dicos, on trouve encore la bête écrite desarroy. A cause du verbe desarroyer ou desarreier, « mettre en désordre ». Aujourd’hui encore, schisme des popotins oblige, les uns s’assoient, les autres s’asseyent.

Il faut dire que désarroi était moins âpre en bouche que desrei ou desroi (XIIe siècle), déverbal de desreer, sorti du même moule que son compère conreer, plus connu lui aussi sous le nom de corroyer, « assouplir le cuir ».
Conreer, on ne vous la fait pas, est une copie grossière du latin populaire conredare, « préparer », lui-même adapté du gothique garedan, « pourvoir à ».

 

Vient s’ajouter à la confusion le décalque grand-breton de désarroi, disarray. To array, « mettre en ordre, parer », ne pouvait que fricoter avec son cousin ready, « prêt », descendant direct de l’indo-européen red-, « racler, ronger ».

Lequel préparait le terrain à éroder, chez nous. Sans oublier roder, en parlant d’une voiture, étape indispensable avant que la corrosion ne plonge son proprio dans le désarroi.

Merci de votre attention.

 

Film d’auteur

 

D’un bon comédien, on dit qu’il « fait » le film. Au point de le placer, par la grâce de de, derrière la caméra :

un film de Brigitte Bardot,

même quand manifestement le derrière est devant.

Et le réalisateur ? Le grand oublié, avec avec.
brigitte-bardot2

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Voilà un réflexe vieux comme le cinoche, notamment au pluriel :

les films de Fernandel.

Et propre au 7e art. Dans tous les autres, pas d’équivoque possible :

une sculpture de Rodin,
un poème d’Apollinaire,
un disque de x ou y (on ne sait jamais lequel mettre)

sont bien le fait de l’artiste.

Au pire :

un portrait de la Joconde, par Léonard.

Dès que le sujet bouge à 24 images par seconde, celui qui le filme n’a plus qu’à s’écraser, dans un anonymat dont seules le sauvent ses cochonneries avec l’égérie.

 

Les petites ficelles n’intéressent pas le grand public. Ça tombe bien, plus l’œuvre est réussie, moins on les voit. Doit-on pour autant sacrifier l’autel sur l’auteur de l’émotion (ou l’inverse) ?

Idem pour l’art culinaire. « Un plat de nouilles », certes. Mais qui l’a cuisiné ? Elles ne sont pas arrivées al dente par hasard, ces nouilles.

 

Dans le doute, remplacez par « signé ». Attention, contrairement aux nouilles, ne le mettez pas à toutes les sauces. Ainsi est-on dorénavant sommé de s’extasier devant n’importe quel but « signé » Duschmoll.
Dans le cas de Maradona, on parlera plutôt de « la main de Dieu ».

 

Toute ressemblance entre un footeux, Brigitte Bardot et un plat de nouilles serait purement fortuite.

Merci de votre attention.

 

Début

 

Au tout début, personne ne s’en rendait compte, la suite ne s’étant pas encore produite. Où l’on voit qu’un bon début n’est rien sans un milieu et une fin.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Début, débuter, débutant, rien que de très connu dans nos provinces. Les Albionnais, eux, l’utilisent non dilué en parlant du debut album d’un artiste.
Chez eux, le dico avertit même charitablement :

Début can only be pronounced as French, and should not be used by anyone who shrinks from the necessary effort.

And toc.

 

Paradoxe à part, le mot est assez tardif. Débuter fait ses débuts en 1547 au sens de « déplacer, écarter du but la boule d’un autre joueur ». Ce qui a sans conteste le don de lui mettre les boules.
D’où, en 1640 :

jouer un premier coup pour savoir qui commencera la partie.

Autant dire qu’on ne touchera pas au but tant qu’on ne touchera pas au but.

 

Il est assez piquant que but constitue une fin en soi. Ce qui, au début, n’était pas gagné. Fin XIIe, début XIIIe, les chrysalides de but ne laissent quasiment entrevoir que pouic de leur splendeur future : a rebutons, « à tort » ; bute, butée avant l’heure. Celle-ci témoigne, comme arc-bouter entre autres, du joyeux méli-mélo qui règne au sein des familles de but et de bout. Quant à la vieille locution « de but » (« d’emblée, tout de suite »), si elle tient encore debout, c’est sous la forme « de but en blanc ».

 

Anglais toujours, le « cul » local butt, s’il n’est pas nécessairement le but ultime dans la vie, n’en est pas moins un fameux bout.

Moralité : mieux vaut un bleu bite qui débute qu’un bleu butt buté.

Merci de votre attention.

 

Température ressentie

 

Jadis, la météo de papa ne délivrait que la sentence du thermomètre. Nous autres petits veinards avons désormais droit aux températures ressenties, plus volontiers d’ailleurs en cas de glagla. Aussitôt la question se pose : ressenties par qui exactement ?

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Que voilà un concept diantrement intéressant. Et pourquoi pas, à côté du compteur kilométrique, une seconde aiguille indiquant la vitesse ressentie ? Ça commencerait à devenir chouette aux anniversaires : une bougie concordant avec l’état civil, un gâteau en rab pour l’âge que vous auriez l’impression d’avoir.

Car enfin, cette température ressentie, où l’a-t-on relevée ? Certainement pas dans le fion du commun des mortels, à 37,2 °C qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige. Sans compter l’imprudence de se balader comme ça de ce temps-là, t-t-t.

 

Parce que, comme sa consoeur, ladite température est donnée à l’avance par-dessus le marché. Elle n’a pu, par définition, être ressentie par personne. Les météorologues se sont donc accordés pour établir une différence moyenne entre le nombre de degrés du dehors et celui éprouvé dans notre chair. En décidant d’un écart à tel taux d’humidité dans l’air ou au milieu de telle rafale.

Or, pour avoir tous côtoyé des frileux, nous savons par expérience que la température ressentie est d’une subjectivité à faire frémir. Ce mercure intérieur varie du tout au tout d’un individu à l’autre selon son métabolisme, son épiderme, ses épaisseurs, l’abribus…

 

D’ailleurs, si l’on veut savoir précisément à quoi s’en tenir (notamment côté garde-robe), quelle utilité d’avoir deux températures pour le prix d’une ?
Rendre la météo plus fun. Un chiffre impersonnel mais personnalisé. Une précision forcément imprécise. -3 °C ? Oui mais c’est comme s’il faisait –10, voyez comme l’hiver est rude.
On vit sa saison à fond, autrement dit.

 

Les températures ressenties sont censées pimenter le bulletin météo.
Attention cependant, beaucoup de vent à prévoir.

Merci de votre attention.

 

Que faire en cas de panne de PQ ?

 

Allez chez le voisin quémander œufs ou farine, il vous dépannera sans barguigner et à charge de revanche. Que le PQ vienne à manquer par contre et vous ne saurez plus vers qui vous tourner.

Pourtant, le produit n’est pas de consommation moins courante que les denrées comestibles ci-dessus, comme sa plaisante abréviation en témoigne. D’ailleurs la cuisson du cake peut attendre, son démoulage nettement moins.
Nonobstant le caractère d’urgence, votre amour-propre vous interdit formellement de solliciter qui que ce soit ; votre réputation en pâtirait sur le palier et au-delà. Vous préférez peut-être vous promener le slibard souillé plutôt qu’impeccablement torché ?

 

En premier lieu, il vous appartient d’inspecter l’état du stock avant vous être soulagé(e). Faute de quoi vous vous mettrez littéralement dans la merde.

Si le PQ lui-même est en panne (cas rarissime), appelez SOS PQ (0,34 € la minute, prix d’un appel local). Un réparateur agréé interviendra dans la demi-heure et décoincera le rouleau d’une seule main, l’autre lui cachant la vue de vos parties intimes.

 

Si vous êtes toujours en rade malgré ces précautions, il vous faut trouver une solution avant de ne plus pouvoir vous retenir.

PQ2

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en inconséquent civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  En piquer au boulot. Si l’idée ne vous a jamais effleuré, vous êtes une grande âme. Le pays a besoin de chouettes gens comme vous et ça tombe bien, les chiottes élyséennes sont toujours pourvues.
Si les distributeurs de votre lieu de travail ne délivrent qu’une feuille à la fois, autant démissionner.

 

♦  Mouchoirs en papier, essuie-tout, autant d’expédients à éliminer de suite. Quitte à vous râper le scrotum, rabattez-vous sur du papier émeri, qui vous donnera entière satisfaction.

 

♦  Comment faisait-on avant l’invention du papier toilette ? Vous avez tant de peine à l’imaginer que seule la téléportation viendra à votre secours. Si vous vous demandez comment faisait-on avant l’invention de la téléportation, un peu de papier toilette viendra à votre secours.

 

♦  Creusez le concept des toilettes sèches. La sciure de bois se charge de tout nettoyer à la place de l’eau, pourquoi pas votre séant ? En cas de lombricompostage, n’hésitez pas à expérimenter les vers, ils sont là pour ça.

 

♦  L’efficacité des sèche-mains électriques est devenue redoutable. A quand le sèche-cul électrique ? Adieu la pénurie de papier ! N’en profitez pas néanmoins pour vous faire aspirer de trop près, on vous connaît.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Déconner

 

On ne peut pas vivre sans déconner. Dans le respect des choses sacrées toutefois. Comme le dit la fière devise familiale :

Tu déconnes avec ça, tu déconnes avec tout, après.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

On note que le verbe signifie alternativement « plaisanter » (« tu déconnes ? »), « dysfonctionner » (« elle déconne ») et « agir sans discernement » (« il a déconné »). Tempérant ces ardeurs polysémiques, le dico est plus lapidaire, qui le limite au fait de

dire ou faire des conneries.

A ce compte-là, pourquoi déconner et non simplement conner, comme tonne le tonnerre ou donne le donneur ? Pour le dire autrement, sur quel con viennent se greffer dé- et -er ?

Celui-là même. Sans déc !

Avec cet outil-là, je puis, sans me gêner,
Fournir mes douze coups, dont six sans déconner.

(Dictionnaire érotique moderne, 1864). Il faut attendre 1883 pour que déconner sorte du con et aboutisse au sens figuré en vigueur aujourd’hui.

Diantre, ça devient salace. On n’ose refaire l’historique de débiter.

 

Partons donc explorer le con, apparu dans le Roman de Renart à la toute fin du XIIe siècle. On le doit au latin classique cunnus (à la fois « sexe féminin » et « fille du sexe féminin » par métonymie), duquel descendent à l’évidence l’anglais cunt et notre propre cunnilingus.

D’origine obscure (tiens donc), on rattache volontiers cunnus à l’indo-européen kut-nos, issu de (s)keu- (« couvrir, cacher »). Même racine dans le latin cutis (« peau » → cutané), culus (qu’on ne présente plus) et obscurus (pour boucler la boucle). Mais aussi, incroyablement conservé, dans le sky des Grand-bretons…

Comme quoi le septième ciel est à portée de n’importe quel con.

Merci de votre attention.

 

Soyons précis

 

Il semble que sous couvert d’expressions zimagées, nous multipliions les approximations en oubliant la fière devise au fronton* de ce blog : « une erreur répétée n’a jamais fait une vérité ».
* frontispice ?

Mais revenons à nos moutons, moutons.

J’en veux pour preuve le désolant :

avoir un balai dans le cul.

Locution figée qui désigne des personnes dont la raideur est du même tonneau. Pourtant, a-t-on jamais vu dépasser de leur arrière-train la partie brosse ? Est-ce à dire que l’ustensile s’insère dans sa totalité ? On ne peut l’imaginer, même en cas d’orifice particulièrement dilaté. L’hypothèse est donc irrecevable, à moins d’avoir en réalité un simple

manche à balai dans le cul.

Imprécision, mère de malentendus.

 

Autre source de perplexité pour qui prend la peine de s’y arrêter,

avoir un poil dans la main

ou, pire encore,

un baobab dans la main.

Voyez où le bât blesse. Si cette terrible tare s’était avérée en un seul point de la planète, la communauté scientifique aurait accouru comme un seul homme et les photos de l’excroissance s’étaleraient partout. Par cette expression toute faite, on désigne clairement les individus soi-disant malformés comme des têtes de turc – quand bien même ils ne sont pas turcs. Par fainéantise sans doute.

 

Avoir le cœur sur la main

ne s’embarrasse pas plus de vraisemblance. L’opération implique pourtant un thorax assez mutilé pour y plonger une main ou pour qu’à l’inverse l’organe pendouille au-dehors, retenu tant bien que mal par la paume du pauvre bougre fauché par le shrapnel.
Dans tous les cas, on ajoute généreusement à l’aberration anatomique celle du langage. C’est du propre.

 

Et s’il vous arrive régulièrement d’

en avoir ras le bol,

qu’est-ce qui vous empêche de changer de bol ? Ou de casquette, de pif, de baigneur selon la circonstance ?

 

Quant à savoir s’il faut se mettre

en chien de fusil

ou

en chiens de faïence

laissons là ces divagations, non sans y jeter l’œil torve qu’elles méritent.

Merci de votre attention.

 

« Du lard ou du cochon »

 

Désarmé face à un interlocuteur pince-sans-rire, on a tôt fait de se demander « si c’est du lard ou du cochon ». Certains iront puiser dans le contexte ou chercher l’avis d’un tiers, pour mieux lever l’ambiguïté du propos. Ambigu, dites-vous ? Et si nous zieutions l’expression elle-même ?

Mais revenons à nos lardons, cochons.

Ecarquillement, révélation et décontenance : le lard, c’est toujours du cochon, dites donc. Hof oui, au hasard d’une boucherie hallal, kasher, d’un rayon de supermarché, vous trouverez bien des barquettes de « lardons » de volaille ou de canard, voire de saumon fumé ben voyons. Soyez sur vos gardes, c’est pour éviter d’écrire « finement émincé » (on a déjà essayé de vous faire le coup en dénaturant le tiramisù). Or, contrairement à ce qu’on a longtemps cru, le lardon n’est pas le fruit du lardonnier mais un petit bout de lard et le lard c’est dans le cochon, où tout est bon. A quand une AOC pour les lardons ?

Aussi, juger du sérieux ou non d’une assertion en n’ayant pour alternative que lard ou cochon revient à dire « pile, je gagne, face, tu perds » ; on n’est pas plus avancé. Jamais ne vous avait-ce frappé non plus, pendant toutes ces lunes ?

Au rang des absurdités alimentaires se faufile également « vouloir le beurre et l’argent du beurre ». Allez allez, où a-t-on observé qu’une motte de beurre disposait d’une fortune personnelle ? Avait des radis par-devers elle ? Voilà qui ne manquerait pas de sel. A l’inverse de sa voisine du dessus, la formule veut donc clairement dire ce qu’elle veut dire, à savoir désirer une chose parfaitement impossible.
Cholestérol toujours, la question « et mon cul, c’est du poulet ? » risque de rester longtemps en suspens. Le seul qui pourrait à bon droit la poser – le poulet – n’est pas doué de parole. Le serait-il d’ailleurs qu’il n’y aurait pas lieu de s’interroger : oui, son cul, c’est bien du poulet.
Quoique le terme croupion soit plus approprié. Le cul, c’est pour les cochons et ça ne donne pas de lardons, cette affaire.
Au moins un abus de langage que la Grosse Distribution n’osera pas se permettre.

Merci de votre attention.