« Etre speed »

 

On ne prend jamais le temps de rien. Surtout pas de s’arrêter sur cette expression. C’est dire à quel point nous sommes speed.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Bricoler un nom en adjectif devient semble-t-il un sport national. Car selon le théorème de Harrap’s maintes fois vérifié, speed = vitesse. « Etre speed » équivaut donc à « être vitesse », ce qui laisse rêveur.

On vous voit venir avec des contre-exemples savamment fourbis. Et « être colère » ? Etre s’acoquine bien avec un nom. Sauf qu’on est là dans le registre soutenu, quand « être speed » patauge dans l’oralité. Où, c’est bien connu, la grammaire peut aller se faire voir ailleurs. Speed joue donc les épithètes, au même titre qu’absurde.

 

Or, le seul adjectif qui vaille, quoi qu’il en coûte (une syllabe supplémentaire, autant dire la fin du monde), est speedy. On en recense au moins deux cas :

Speedy Gonzales

et le pressant

Vaaaaaaaaaaa donc, va donc chez Speedy (Speedy).

 

 

Voilà pourquoi on ne se risque jamais à « être speedy » ; y’a des limites.

D’ailleurs, un dernier scrupule nous pousse parfois à remettre en selle le substantif. Qui n’a jamais eu un « coup de speed » ?

 

Il y a aussi que nous sommes secrètement jaloux de la perfide Albion et de son verbe to speed, « aller à toute vitesse ». Nous autres en sommes réduits à « speeder » comme des malades. Si c’est pas à pleurer.

 

Est-ce à dire que speed comblerait un manque et qu’on n’aurait pas d’équivalent en french ? Voyons ça.

« Etre rapide », proche de la traduction littérale, ne convient pas. C’est une qualité, non un état de stress.
« Etre pressé » ? En dessous de la vérité : quiconque « est speed » a tendance à l’être toujours.
Pourquoi pas « pas l’temps », véritable sens d’« être speed » ? Ce serait plus correct. Pour ceux qui vous les brisent comme pour la grammaire.

Merci de votre attention.

 

Deux points : la saturation

Retraites : faut-il aligner le public sur le privé ?
Pesticides : les preuves du danger s’accumulent
Bac : comment font les autres pays ?

 

Bien malin qui saurait, du Web ou du jus de rotatives traditionnel, d’où proviennent les gros titres ci-dessus ! « Révolution », ça ? Que les fossoyeurs de la presse écrite feignent d’y croire, passe encore mais vous ?
‘Tention, si c’est une citation d’un gonze au style direct, pas d’alternative : deux points, suivis des guillemets.

Jenifer : « Je ne suis pas une menteuse. »

Pour le reste, le style télégraphique de l’AFP, on commence tout doucettement à en avoir ras le baigneur.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Mot d’accroche / deux points / crachat de pastille. L’inventeur du procédé avait ses raisons. On les comprend, du reste : concision, thème identifié d’emblée, le signe de ponctuation pour l’insoutenable suspense, levé illico par la révélation de la teneur du texte. L’infophage est alpagué à tous les voyages ! Facilité, honte de la profession.
Dans le même esprit, exposer à des fins commerciales le galbe d’une fille du sexe féminin contre celui d’un bolide ne ferait point dégueuler davantage.

Votre œil égrillard, je le vois, réclame de l’effeuillage. Voyez plutôt comment fusent les titres à l’anglo-saxonne :

True cost of Britain’s wind farm industry revealed
Escaped baboon shot dead at safari park

Avalés, les articles. Et on pige 5 sur 5 !

 

Messieurs les clicaillons, s’agit pas seulement de parier sur la nouveauté des supports pour attirer à vous de nouveaux lecteurs. Faudrait voir à pas trop les décourager dès le titre. Quitte à proposer le même brouet que vos confrères de la presse papier, soignez au moins le service.

Merci de votre attention.