« Sur ses deux oreilles »

 

Dans notre série « expressions à dormir debout », soyez sûrs qu’on n’ira pas se coucher avant d’avoir réglé cette histoire de « deux oreilles ».

Mais revenons à nos moutons, moutons.

De bonne foi, un tiers trouve toujours le moyen de lancer, pour vous tranquilliser :

vous pouvez dormir sur vos deux oreilles.

La bienveillance l’égare.

Retournez le problème dans tous les sens : la proéminence de votre occiput exclut formellement cette hypothèse. Comme ça faisait un bon moment qu’on n’avait pas casé occiput, allons-y gaiement : il faudrait déjà que la partie occipitale repose plus bas que le niveau de vos oreilles, dans une cavité aménagée tout exprès, pour leur permettre de toucher le lit simultanément. Même le plus douillet des oreillers ne rendrait pas l’expérience plus probante.

A supposer même qu’on vous retire le cerveau (seule raison d’être de l’occiput, quand on réfléchit), ce qui vous resterait de tête ne reposerait que sur une toute petite partie de vos lobes. Position extrêmement inconfortable, surtout une nuit entière.

occiput

Et encore, ça n’est valable qu’en pionçant sur le dos. Mais le véritable sommeil du juste ne se pratique-t-il pas sur le ventre ou le flanc ? Dans les deux cas, vous ne dormez que sur une oreille.

 

Et puis c’est pénible cet occipitocentrisme à la fin. C’est vrai, pourquoi un mâle ne pourrait-il pas « dormir sur ses deux glaouis » et sa congénère « sur ses deux nibards » ? Ou l’inverse, pour varier les plaisirs ?
La nuit n’en serait pas plus courte et au moins, c’est matériellement possible.

Merci de votre attention.

 

Second

 

Avant toute chose, prononcer « segond » pour éviter moqueries et blagues douteuses à l’endroit du deuxième. Tentation à laquelle, par respect pour Poupou, on ne cèdera pas ici. Remarquez qu’on ne devrait avoir recours à second que lorsqu’il n’y a pas de troisième. Car si ce khôn est second, imaginez ce qu’on dirait du troisième. Quant à ce pauvre bougre de quatrième, il échoue selon l’expression consacrée à « la place du khôn », je vous ferais dire.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

On retrouve cette particularité de l’adjectif second en voiture, où la seule vitesse à ne pas se plier au cycle ordinal première-cinquième est justement la seconde. D’ailleurs, faites l’expérience, quelle est l’injonction revenant le plus souvent derrière un pépé rigoureusement indépassable ?

Passe la secooooooooooooooonde !

 

De tout temps, second a donné du fil à retordre. Il n’y a qu’à voir les graphies successives de la bête.
On relève ainsi secunt en 1119, secund (1140), segont (1160) voire, la même année, le substantif segonz, écrit seconz un siècle plus tard, sans oublier le secont de 1288, les secons et segon de 1375 ainsi que le vieux provençal segunt (XIIe s.). Aux ceusses qui feraient remarquer que ça va p’t-être aller, manquent à l’appel segond, secunz, six-coups, tripou et anxiolytique léger. Alors s’il-vous-plaît, je vous en prie.

 

Comme l’adverbe secundo le rappelle à point nommé, c’est de la faute du latin. Secundus – car c’était lui – signifie « suivant, qui vient après » en vertu de sa racine sequi, « suivre », qu’on retrouve sans trop se fouler dans nos séquence, conséquence, séquelle et obsèques. Et aussi, en déterrant un peu (quoiqu’après obsèques, déconseillé) dans secte, persécution et exécution (noter le crescendo). Autant de mots où rutile le c de second.

 

Fort bien, dites-vous, on comprend alors le verbe seconder mais pourquoi avoir appelé une seconde « seconde », nom de Zeus ?
Tout bêtement parce que c’est la durée qui correspond à la seconde division de l’heure, après la minute. Autrement dit, si les Zanciens avaient décidé de partir de la seconde pour arriver à l’heure, on serait pas rendu, à la minute où je vous parle.
Info à faire suivre.

Merci de votre attention.