Comment tout contrôler ?

 

Vous connaissez l’effet papillon : un battement d’ailes de l’autre côté de la planète et le cours de votre vie bascule. Comme l’a théorisé Leibniz, de hasard, nada. Certains en concluront candidement que « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes ».

Puisque chaque événement est le fruit d’une longue chaîne, il vous suffit d’être au bout de celle-ci pour tout régenter. Un claquement de doigts et tout le reste suit.

 

Seulement, imaginez que quelqu’un d’autre ait la même idée que vous : il voudra à son tour prendre le contrôle, y compris de vos faits et gestes. De quoi perturber le bel équilibre par vous établi. Et comme les critères de ce trouduc n’ont rien de commun avec les vôtres, vous risquez d’aller au clash en moins de temps qu’il n’en faut pour dire lépidoptère.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en démiurge civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Le jusqu’au-boutisme. Chacun campant sur ses positions, l’autre aura beau s’agiter, les incidences finiront bien par s’annuler mutuellement. Vous n’aurez abouti à rien, peut-être, mais lui non plus.

 

♦  Le compromis. Déléguez les décisions liées à la fonte des glaces et à la défense du territoire, auxquelles vous ne pigez rien.

♦  Si vous ne laissez plus rien au hasard, la surprise disparaît avec lui. Dans ce cas, vous risquez fort de vous ennuyer comme un rat mort. Consolez-vous avec le vieil adage conservateur-de-mes-deux : « on sait ce qu’on a, on ne sait pas ce qu’on aura ».

 

♦  Si l’autre kéké se trouve être le dictateur qui vous gouverne (ou qui vous dicte, sachant que le président préside, que le roi règne et que le chancelier fait ce qu’il peut), il dispose déjà de moyens colossaux pour réduire les aléas au maximum. Il ne vous reste plus qu’à partir à la chasse aux papillons. D’autant que c’est quand même pas des ex-chenilles qui vont faire la loi.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Comment (ne pas) poser pour une poignée de main ?

 

Si la désaffection pour la politique gagne du terrain, ce n’est pas tant à cause de la fin des idéologies ou d’un concept du même seau que de la solitude de la poignée de main. Vous accepteriez, vous, de gravir quatre à quatre les marches du pouvoir si c’est pour vous retrouver serrant la pince d’un homologue (aussi embarrassé que vous), trois à quatre fois plus longtemps que nécessaire, sans le regarder, uniquement pour prendre à témoin une horde de Nikon en rut ?

 

Encore faut-il s’entendre sur l’expression « serrer la pince ». Car, pour prévenir toute photo floue et éviter que la torture ne se prolonge d’autant, vous vous contentez de tenir la main de votre hôte, dont la moiteur croissante ne doit pas vous empêcher de sourire. Le comble du pas naturel.

Il ne vous restera plus que la distance du couloir au salon où vous causerez droits de l’homme gros sous pour vous essuyer la paume contre un fémur, un poteau, l’interprète, aussi discrètement que possible. Autant dire que l’entrevue se déroulera dans un climat relativement peu favorable aux accords diplomatiques.

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Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en grand de ce monde civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Prévoyez un nylon palmaire ou du papier buvard couleur chair à usage unique pour chacun. Adieu la gêne, adieu les miasmes.

 

♦  Fournissez à la meute un photomontage de vous et votre vis-à-vis se déclinant en plusieurs versions : costume, tailleur, tunique (pour l’émir), avec pixels interchangeables selon les visages. Toute la presse publiera le même cliché à la une mais ça ne changera pas de d’habitude. Vous pourrez alors accueillir n’importe qui à l’abri des regards.

 

♦  Idem avec les caméras de télévision. Pour leur donner le biscuit voulu, engagez des sosies qui se salueront l’un l’autre à qui mieux mieux. Occasion toute trouvée pour les sosies de dictateurs de sortir enfin de l’ombre.

 

♦  Si le protocole exige des effusions prolongées au sortir de la grosse berline, vous remarquerez que la meute vous lâche la grappe lorsque vous l’y raccompagnez, immortalisant ce qu’elle sait pertinemment ne pas changer le cours de l’Histoire.
Faites donc de la venue de l’invité un non-événement : pas de tapis rouge, pas de frichti somptuaire, pas de poignée de main, c’est plus honnête.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Les despotes sont nos potes

 

Guettez bien. Chaque fois que l’ONU fait les gros yeux à tel ou tel tyran du Moyen-Orient mettant son pays à feu et à sang, on se met illico à l’appeler par son petit nom : qui Bachar, qui Saddam

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Certes, trois fois certes, les types en question sont de gros affreux qui méritent qu’on se réfère à eux comme au mal absolu. Personnages inhumains pour tout dire, que la disparition du patronyme met à distance respectable de nous. Et identifiables d’emblée dans le grand scénar de l’actu. Mais quoi, c’est un peu comme si on les appelait Gargamel, non ?
« On », c’est les journaleux, vous aurez reconnu. Mais pas que.

En scrutant les autochtones au faîte de l’oppression, hurler leur rage face aux caméras zoccidentales, on parvient, sous la traduction, à discerner cette troublante familiarité en VO. Viendrait-ce pas d’une particularité géographique ?
Pas de vouvoiement dans cette région du monde, en effet. Ça n’explique pas bézef le caractère facultatif du nom de famille. Encore moins pourquoi nous reprenons la chose à notre compte de ce côté de la Méditerranée et jusque dans le discours de l’administration Barack ou George Deubeuliou auparavant.

Et Charlemagne ? Et Napoléon ? Quid d’Elizabeth ? On peut parler, nous, avec nos monarques ! Méchants (Ivan le Terrible), gentils (Louis XV le Bien-Aimé), tous à la même enseigne : la gloire tient dans le prénom, puisque le pouvoir est de droit divin.
Justement, l’est un peu derrière nous, ce temps-là. En quel honneur mettrait-on sur un piédestal des « guides » qui ont le « suprême » d’une pintade ratatinée, vu le joug subi par ceux d’en dessous ?

D’ailleurs, ç’a commencé quand, cette histoire ? Pas du temps d’Arafat, en tout cas. On n’a pas souvenir que le moindre envoyé spécial lui ait donné du Yasser et pourtant le drôle faisait bougrement partie des meubles. D’ailleurs, nombre d’entre vous ont longtemps cru que son véritable blase, au Yassé, était Rarafat (je le sais).
babar

Allez, vivement l’Eté arabe, qu’on oublie jusqu’au prénom de ces encombrants.

Merci de votre attention.