Tapisser contre le mur ?

 

Pointez-vous dans n’importe quelle bourgade du globe, vous constaterez – non sans un certain effarement – que le papier peint n’orne jamais les murs extérieurs. Maisons, appartements, mobil homes, guérites, niches, tous logés à la même enseigne.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

C’est ainsi, l’homme de la rue n’est pas autorisé à voir vos lés, aussi beaux soient-ils. A moins d’y avoir été cordialement invité ou de lorgner par la fenêtre comme un forcené, il devra se contenter de la peinture par défaut de la façade. Vous et votre entourage êtes les seuls à profiter pleinement de la tapisserie. C’est dire l’égoïsme.

 

Car si vous faites le compte, l’écrasante majorité de la population n’a de votre doux foyer qu’une image tronquée et impersonnelle (même si vous misez tout sur la boîte aux lettres ou la teinte de vos volets). Vous vous échinez donc à coller cette saloperie en pure perte.

Et sauf perron à colonnes, le mauvais goût ne sautera pas aux yeux du quidam. Sans papier peint en étendard, comment saura-t-il à coup sûr quel seuil éviter ?

 

Les gros blaireaux férus de tuning jettent-ils leur dévolu sur les parois de leur habitacle ? Point, point : ce sont les piétons alentour qu’il s’agit d’éberluer.
Idem pour les discothécaires du week-end, faute de quoi les voilà condamnés à faire tapisserie toute la nuit.

 

Quant à cette soi-disant impossibilité due aux intempéries, la spécialiste Huguette Néné, auteur d’un récent ouvrage sur le sujet *, indique qu’en milieu tempéré, les riverains se gondolent plus vite que le papier peint placé à l’extérieur.

 

Rappelons enfin que tapisser consiste littéralement à disposer des tapis à la verticale. L’incongruité à son faîte.
Si ça se pratique dedans, pourquoi pas dehors, au lieu du crépi ou des briques ?

Merci de votre attention.

 

*Huguette Néné, Un ouvrage sur le sujet, APUF 2016.

 

Bibliothèque

 

Dans notre série « séparation de l’Eglise et de l’Etat, ça va, de la langue c’est pas gagné », démonter une bibliothèque réserve quelques surprises. Pourquoi biblio- plutôt que « libriothèque », sur la base du liber latin, cette « partie vivante de l’écorce » qui nous a donné le livre ? Parce que LE livre, depuis Gutenberg, c’est la Bible. Ainsi soit-il.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Mettons que vos bouquins commencent à s’entasser dangereusement. Vous fonceriez ni une ni deux chez le Suédois zieuter les coranothèques ou les talmudothèques ? C’est pas pire hein ! Soit dit en passant, le meuble serait vite sur pied, avec son unique étage de ça de large. Toujours ça de pris.

On imagine déjà les théologiens et autres exégètes montant sur leurs grands chevaux : « ouiii mais les Ecritures n’ont pris le nom de Bible qu’au début du XIIIe sièèècle, d’après les biblia, « livres sacrés » latins empruntés au grec το ̀βιϐλι ́ον (« papier, lettre, liiivre ») et d’ailleurs le mot désignait avant même l’invention de l’imprimerie un « grand livre » puis un livre tout couuurt et, par analogie, un livre auquel on se réfère souvent (jamais sans ma biiible) et… ».

Levez pas les yeux au ciel. Trop contents d’avoir gaulé un mot aux Athéniens, les Romains, pendant qu’ils y étaient, ont nommé bibliotheca une « salle renfermant des livres » ainsi que l’armoire prévue à cet effet. Laquelle est parvenue sans bouger jusqu’à nous, en dépit de la surcouche chrétienne et des siècles d’autopersuasion de foi qui l’auront vermoulue.

De même, nos semblables en âge de s’emboîter vont en discothèque. Sûrement pas pour admirer la « collection de disques », va. Que de bons bouquins (et de bonne zizique) partis en sueur et en surdité précoce, moïe oïe oïe…

 

Quand Dieu créa le pommier on ne sait plus quel jour (alors ça aussi, s’Il a tout créé, y compris la Nature, les « jours » ne pouvaient Lui préexister rogntûdjû), Il l’appela « arbre de la Connaissance ». En toute logique, aux pots et aux anniversaires, on devrait donc becqueter de la tarte aux connaissances sans que personne y trouve à redire. A part les peine-à-jouir qu’aiment pas la cannelle mais ceci fera l’objet d’un débat ultérieur.

Merci de votre attention.