La laisse parcourt la même distance que le chien.
Idem pour le propriétaire du chien et de la laisse.
L’un d’entre eux ne pourrait-il s’épargner le voyage ?
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« Sécure »
On a un doute sur l’accent aigu. Sur l’existence officielle du mot itou, d’ailleurs. D’où les guillemets, c’est plus « sécure ».
Mais revenons à nos moutons, moutons.
Dans notre série « pas la peine d’inventer des mots, on en a déjà », « sécure » vise le podium. Pendant ce temps-là, personne ne s’occupe de trouver un équivalent à « qui fait l’angle ». Un scandale, ne serait-ce que pour les carrefours.
Bref, bien que génétiquement modifié, « sécure » nous rassure. Nous sécurise plutôt, puisqu’on y entend sécurité. « Ben quoi ? », benquoient déjà les partisans du tout-« sécure ». C’est parce que sécurité n’a pas d’épithète que « sécure » joue des coudes. Z’êtes sûrs de ça ?
On ne s’épargnera pas trois secondes d’étymo, surtout quand il y va du bien-parler-la-France : sûr et « sécure » ne font qu’un, mes moutons. En secouant le chapeau du premier, toutes les lettres du second tombent comme par magie. Pareil chez nos amis anglais : pourquoi croyez-vous qu’ils s’ingénient à chuinter [chioure] ? Oui mais là-bas, sure cohabite avec secure depuis fort pretty lurette. Sans parler de l’hispano-portugais seguro, du roumain sigur, du suédois säker ni de sicher le teuton. Dans ces conditions, pourquoi « sécure » ne ferait-il pas doublon avec sûr ?
La sûreté de l’Etat, c’est bien joli, encore faut-il que les barrières soient « sécures ».
A l’heure où la précaution se mue en principe et où l’insécurité règne, « sécure » nous donne l’illusion du plus sûr que sûr – illusion renforcée par sa consonance anglo-saxonne. Nul doute que la bête parviendra à s’immiscer dans les dicos dans un futur proche.
Quant à savoir si l’usage a toujours raison, rien n’est moins sûr.
Merci de votre attention.

Tout ce qu’il compte
Des fléaux s’abattent discrétos sur une orthographe déjà désastrée (c’est à mi-chemin entre dévastée et sinistrée mais avec la manière). Qu’est-ce qu’il reste ? Un paysage désolé. Savez ce qui vous reste à faire.
Mais revenons à nos moutons, moutons.
Doublonneurs impénitents, feignez-vous d’ignorer que s’
il reste quelque chose,
la chose dont on parle est précisément
ce qui reste ?
Un proooonom, ça s’appelle ; « pour le nom ». Marche avec tous les noms qu’on veut. La vache, qu’est-ce que ce est pratique.
En plus, question pronoms, « ce qui » nous occupe est largement pourvu. Ce, démonstratif, reprend la chose à son compte. Que qui, pronom relatif, se charge d’amener en douceur vers le verbe.
Pour ne plus se planter, remplacer par ça :
Ça reste (à prouver).
Je vous l’accorde, il sait se montrer très affectueuxtueux avec les défectifs, ces verbes mettables uniquement à la 3e personne (« il pleut »). Plus coquet que ça, il se fait logiquement chouchouter. A tel point qu’il laisse ses poils partout, y compris quand apparaît ce, qui n’est que ça en mieux.
Ce qui + il ?
Pompeux, grotesque, aberrant, [couchez ici votre compliment]. Seule circonstance atténuante : une certaine fluidité à l’oral. En particulier au bras d’une voyelle :
Voici ce qu’il advint…
Mais que se passe-t-il en cas de consonne ?
Voici ce qu’il se passa…
Fromage et dessert, et encore, avec chantilly. Est-ce là toute la confiance que vous témoigneriez à ce pauvre qui ?
A toute règle il faut une exception, soyez pas timides, dites-le. En effet, il y a des tours rigoureusement impersonnels : il faut, il y a…, devant lesquels « ce qui » peut aller se rhabiller :
Faut ce qu’il faut.
Je sais ce qu’il y a.
Ça n’est ici d’aucun secours :
Ça faut :
c’est faux.
Ça y a :
ça y’en a pas bon.
« Ça y a » peut donc aller se rhabiller.
Merci de votre attention.

Mascara
Les nanas du sexe féminin s’en peinturlurent les cils depuis la nuit des temps. Il constitue à coup sûr le premier signe d’émancipation des fillettes qui font tout pour leur ressembler. Ajouté au fard à paupières, force est de constater qu’il embellit puissance 10. On se demande bien pourquoi les gars préfèrent jouer du biceps. Khôn comme un mâle.
Mais revenons à nos moutons, moutons.
Que masque le mascara ? Pas grand-chose pour l’espagnol, dont c’est le mot pour… masque. En anglais et en french, le cosmétique naquit mascaro (depuis 1883 chez les Grands-Bretons, vingt ans plus tard sous la plume de Colette). Auparavant, une mascarade a longtemps désigné une nouba masquée avant de devenir le simulacre que l’on sait. L’italien maschera signifiait-il pas « faux visage » dès le XIVe siècle ?
La faute au radical d’avant les langues romanes maska (« noir »). D’où maskara, « tache noire » ayant fait tache d’huile tout autour de la Méditerranée. On finit par rattacher la couleur aux spectres et autres personnages de sorcellerie, regroupés sous la bannière latine masca. Maintenant que vous le dites, rien de tel que de se noircir la caboche pour avancer masqué et avoir l’air méchant.
Ah ben oui au fait, on en oubliait le meschant du XIIe, participe présent de mescheoir (« arriver malheur », littéralement « tomber mal ») et son préfixe qui va bien pour « mal » (mésestimer, méconnaître). Même en anglais (mistake, to miss) ! Autant dire que çiloui-là, l’est passé par le Nord, où on a pu le croiser en missa- (« faux », « rater »). Auparavant, il courait partout en indo-européen déguisé en mei- (« changer », d’où muer, muter) et en mel-, dont la descendance va de malin à mélasse (via le grec mélas, « noir » ben tiens…).
Partant, du mascara sur des cils déjà noirs, permettez que je me gausse. Khôn comme une nénette. (C’est du rimmel que vous mettez ? Au temps pour moi).
En parlant de ça, jamais de raccord mascara qui tienne au volant, rogntûdjû ! Vous risquez juste l’accident bête et méchant. Z’aurez l’air malignes avec votre malus tiens.
Merci de votre attention.

Votez votez pour pour moi moi
Françaises, Français, dans le pli « Urgent Elections » qui vous est personnellement adressé avant chaque scrutin se glisse systématiquement un bulletin de vote par candidat. Il paraît que c’est normal, article R34 du code électoral :
La commission de propagande (…) est chargée d’adresser, au plus tard le mercredi précédant le premier tour de scrutin (…), à tous les électeurs de la circonscription, dans une même enveloppe fermée, une circulaire et un bulletin de vote de chaque candidat.
Celui-là ne passera jamais le rideau de l’isoloir (ou du « kâchipi », comme on dit passé un certain âge dans la tache bleue en haut à droite [sic]). Non, c’est avec son petit jumeau, attendant sur la table du bureau de vote, que vous remplirez votre civique devoir dominical.
On laisse à penser le pognon et la sève qui y passent.
Les frais – encore heureux – sont à la charge des candidats, non des zélecteurs, sauf en cas de référendum où les bulletins ne portent par définition aucun nom. A hauteur de 0,70 € l’exemplaire, on connaît des imprimeurs qui se frottent les mains, au détergent parce qu’avec toute cette encre.
Le législateur peut bien se donner bonne conscience, article R39 :
Le remboursement des frais d’impression (…) n’est effectué (…) que pour les circulaires et les bulletins de vote produits à partir de papier de qualité écologique répondant au moins à l’un des critères suivants :
a) Papier contenant au moins 50 % de fibres recyclées ;
b) Papier bénéficiant d’une certification internationale de gestion durable des forêts.
… un confetti, fût-il en papier recyclé, reste un confetti.
Sans tomber dans le jusqu’au-boutisme écolo, souvenons-nous que la maison brûle.
Un papelard est déjà de trop pour élire les plus têtes à claques. La planète ne mérite certes pas le gâchis de deux.
Merci de votre attention. Vive la République et vive la France.