Comment se faire élire chef des fous ?

 

Cet honneur échoit bien sûr au plus fou d’entre les fous. Et vous l’êtes assurément, car il faut être fou pour penser que les fous auraient besoin d’un chef, désigné dans les règles de l’art qui plus est.

Les fous n’en font qu’à leur tête, n’écoutent que leur folie. Il n’y a pas plus anar que les fous.

 

Et puis reste à voir sur quel programme vous faire élire. Les fous n’attendent pas d’un chef qu’il les ramène à la raison, puisque c’est le chef des fous.

 

Sans parler des irrégularités susceptibles d’entacher le scrutin. Comment tenir compte de ceux qui grimpent aux isoloirs, mangent leur bulletin de vote avec de la moutarde et recrachent le tout dans les cheveux des assesseurs ? Ou, plus fou encore, ne se déplacent pas aux urnes ?

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en candidat civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Pour être sûr d’obtenir le suffrage de tous les fous, promettez-leur des trucs de fous : zéro fou dans la rue avant la fin de l’année, égalité fous/folles et bien sûr, rumba obligatoire avec le personnel soignant.

 

♦  Au diable l’élection. Inspirez-vous des grandes figures historiques et proclamez-vous empereur des fous. On parlera encore de vous dans deux cents ans.

♦  Flattez les bas instincts des fous. Puisqu’il faut toujours un bouc émissaire, déclarez la guerre aux ennemis jurés de votre communauté que sont les sains d’esprit.

 

♦  Les fous n’aspirent qu’à une chose : un asile tout neuf. Agrandissez l’ancien et poussez les murs. Plus on est de fous, plus on rit.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Priorité à droite toute

 

Tout frais du jour : interrogé sur la « préférence nationale » prônée par son groupuscule, un FNeux s’est empressé de répondre en termes de « priorité nationale ». L’acharnement avec lequel il tentait de caser ce nouveau zélément de langage pour faire oublier l’autre n’était rien à côté de celui qu’on mettra à le pulvériser.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Toujours aussi puant, le concept est néanmoins mieux emballé. Dès qu’on ouvrira le paquet en revanche, l’odeur risque de prendre un peu à la gorge. Mieux vaut ne pas revenir là-dessus.

 

Les aminches, il va falloir vous y faire, priorité a désormais priorité sur préférence. On voit un peu pourquoi.

La priorité à droite, ça ne se discute pas, c’est le code de la route. A mille lieues de la subjectivité suintant par tous les pores de préférer.

Avec ce dernier, vous passez ouvertement pour des racistes. De surcroît, une loi estampillée « préférence nationale » serait recta retoquée par le conseil constitutionnel, garant de l’égalité et de la fraternité républicaines. Ce que la chefaillonne du groupuscule, juriste à ses heures perdues, ne sait que trop.

Préférer marginalise. La priorité, au contraire, vous met du côté du droit. Sans elle, ce serait l’anarchie. Elle relève du « bon sens », cher au groupuscule (comme à tous les autres) parce qu’il s’oppose à toute idéologie. Ce qui n’empêchera pas l’affaire de sombrer dans l’anticonstitutionnalité la plus totale.

 

Mais faites gaffe : à force de vouloir gommer tous les mots qui encombrent – jusqu’au nom du groupuscule, devenu simple couleur, il ne va plus rester que du vent. Moins détectable que le zyklon B mais tout aussi volatil.

Merci de votre attention.

 

Diligence

 

Elle jouit d’une polysémie à faire pâlir d’envie chiche et bouquin. Respectivement « soin » puis « célérité, exactitude » apportés à l’exécution d’une tâche (contraire de négligence, nous l’allons voir), diligence désigne aussi une « poursuite, requête » en droit (diligenter une enquête). Sans parler de la Wells Fargo, qui, pour tout bon fan de Lucky Luke, passe toujours.

Mais revenons à nos moutons, Jolly Jumper.

Les différentes acceptions du mot apparaissent d’ailleurs dans cet ordre. Fin XIIe-début XIIIe, « soin, minutie ». Trois siècles plus tard, « hâte, empressement » (« faire diligence » reste à ce jour la manière la plus élégante d’enjoindre autrui à se magner le train). Encore deux siècles et c’est le sens juridique qui pointe son nez dans le Code civil : « à la diligence de » = sur demande [du juge]. Pour finir en fiacre express.

 

Car qui dit diligence dit « rapide ». De nos jours, ç’a l’air évident mais ne confondons pas vitesse et précipitation : le mot signifiait « soin scrupuleux » en latin. Et plus largement « application, empressement, zèle, exactitude, attention, vigilance ; ordre, économie, épargne ; choix, discernement ; amour, affection ». Orgiaque, vous dis-je.

 

Diligentia est donc la fille du participe présent adjectivé diligens (« exact, soigneux »), formé sur diligere (« aimer, estimer, choisir »). Zieutez dilectum, le participe passé. On le connaît par cœur, ce radical : le même que dans prédilection dites donc.

Et lecture ? Affirmatif, diligere = di-legere (« cueillir, choisir, lire »). Pas enquiquinant, le français décline d’ailleurs verbe, adjectif et nom exactement comme la langue latine : élire, éligible, élection…

 

Les descendants se comptent par dizaines : intellegere (= inter-legere, « lire entre », d’où « comprendre »), neglegere (= nec-legere, « ne pas choisir » ou, sous un autre angle, « délaisser »), colligere (« cueillir ensemble », alias collecter). Et, côté substantifs, le fameux legumen qui se « cueille » en toute saison.

C’est pas de l’étymo collector, ça ?

Merci de votre attention.

 

« Abstentionnisme »

 

Un journaliste télévisé (à ne pas confondre avec un confrère de n’importe quel autre média se retrouvant face caméra sur un plateau) soulignait, lors d’une récente soirée électorale (à une heure de grande écoute donc),

l’abstentionnisme

de nos khôncitoyens. Il eût mieux fait de s’abstenir.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Comme ça, dans le feu de l’action, le bougre pouvait difficilement aller à contre-courant d’une profession qui colle du –isme à tout ce qui bouge. Sauf qu’en y réfléchissant un quart de pet, un mot était déjà à sa disposition dites donc : l’abstention. Faut dire qu’à force de pérorer sur son taux, à celle-là, qui s’auto-pulvérise à chaque scrutin, on a fini par causer des abstentionnistes – jusqu’à les étiqueter « premier parti de France » lorsque la khônnerie atteint son summum. Il n’en fallait plus bésef pour qu’abstentionnisme débaroule de tout son long sur le tapis, dans lequel on se prend dorénavant les petons.

C’est pas pour se répandre en diagnostics alarmistes mais on ne donne pas cher de la peau d’abstention, à ce train-là. Et le jour où elle disparaîtra, on ne pourra même pas se réjouir. Merci les journaleux.

 

Esclavagisme est formé sur les mêmes sédiments vaseux. Or esclave → esclavage → esclavagiste… et basta, non ? A moins de causer d’une vision du monde érigée en « doctrine » par les partisans de l’esclavage ? Vilain jusqu’au bout de la chaîne, le vocable.

 

Pour rester dans le sujet, personne ne dénonce l’emploi à bouche que veux-tu du substantif colonisateurs pour parler de colons, par opposition aux colonisés.
Ben mon colonisateur.

Merci de votre attentivité.