Comment sauter à travers un cerceau en feu quand on est une enclume ?

 

Quand bien même vous seriez du sous-genre des enclumes apprivoisées, il est peu probable que vous lisiez ces lignes (l’apprivoisement a ses limites). Vous ne viendrez pas chouiner lorsqu’on vous enjoindra de sauter dans le cerceau. Monde cruel du spectacle, celui-ci aura toutes les chances d’être enflammé.

 

Un coup à y laisser votre peau ? Allons bon, ce ne sont pas trois flammèches, le tracsir ou la menace du fouet qui feraient reculer une grande fille comme vous, génétiquement programmée pour qu’un forgeron vous martèle du métal en fusion sur le râble du matin au soir !
Au hop ! du dresseur, sachez vous en souvenir.

 

D’ailleurs jusqu’à maintenant, vous vous contentiez d’être là où on vous posait, à bout de bras pour vous éviter tout effort ; bref, vous vous empâtiez.

Un bon geste. En l’honneur de vos aïeules.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en enclume civilisée.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Le plus dur n’est pas tant de sauter que de prendre de l’élan. Accélérez progressivement votre course en roulant-boulant sur vos pointes. Pour le reste, il suffit de retomber avec grâce.

enclume

♦  Si Dame Nature vous a dotés d’une paire de pointes justement, ce n’est pas pour la déco. Faites flap-flap de toutes vos forces puis attaquez le trou en piqué.

 

♦  Considérez les autres animaux du cirque comme autant de compagnons d’entraînement. En particulier, n’hésitez pas à foncer à dos d’éléphant, seul capable de supporter votre poids. Seule contrainte : un cerceau de la taille d’une maison.

 

♦  Vu les doses de comburant utilisées par cet imbécile de dresseur, une fois que le chapiteau brûle, terminez de vous distinguer en sauvant la veuve et l’orphelin des flammes. Que vous braverez sans rien sentir, pas même le roussi.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Surpoids

 

Replets, replètes, vous conviendrez qu’on ne s’habitue guère au surpoids. Et pour cause, il n’y a qu’un poids, point. Ou alors il faudrait aussi parler de sous-poids. Les plus inchatouillables physiciens s’en feraient dessus.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Prenez l’obèse du Guinness des records. Il se contente, comme nous tous, de peser son poids, qui est absolu (mais qui est surtout énorme). Tout surpoids ne serait pas homologué. D’ailleurs y’a pas besoin de l’accabler davantage, le gros.

Et taille ? Pas de sur- qui tienne. Mesure-t-on la surtaille du grand schlaqué du Guinness des records ? Non, une fois la toise retirée et l’escabeau replié, on lui fout une paix royale. En l’appelant éventuellement « grand », en signe d’affection.

Et pour l’ascenseur bondé qui ne parvient pas à décoller, n’est-ce pas le surpoids qui est en cause ? Plutôt une « surcharge pondérale », expression à ne surtout pas appliquer à ses occupants, même bien en chair, sous peine de verser dans le surpolitiquement correct.

 

Au même titre que non-voyant, malentendant ou hypernerveux, surpoids est un terme clinique monté de toutes pièces par la gent diététicienne désireuse de vendre son bifteck bio ne froisser personne. L’effet produit est exactement l’inverse.
Pendant ce temps-là, que devient embonpoint ? On le laisse choir comme une demi-crotte, alors qu’il mériterait une étymo à lui tout seul.

 

Must du must, surpoids est toujours introduit par le trop fameux « être en » pour former – défense de rire – « être en surpoids ».
Est-ce à dire qu’« être en poids normal » nous pend au nez ? Ça reste avoir.

 

Patapoufs, patapoufs, relativisez. La prochaine fois que la balance vous renvoie votre surpoids à la figure (en décrivant une courbe au-delà des bourrelets), dites-vous bien qu’elle surpèse.

Merci de votre attention.

 

Obèse

 

Avez-vous remarqué comme tous les mots pour dire l’embonpoint se parent des rondeurs du o ? Gros, lourdaud, énorme, dondon, sumo, [un peu] enveloppé, obèse… Outre qu’il rime avec « pèse », ce dernier est, de surcroît, le seul adjectif au monde à finir en –èse. Ce qui en soi est assez balèse.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

A notre obèse, l’Académie fait une… d… trois places depuis 1878 entre obérer, « faire peser une lourde charge financière sur » (décidément) et obésité, « état d’une personne obèse ». On le voit, aucune échappatoire pour obèse, engoncé dans sa triste condition.

 

La faute à obesus : « bien nourri, gras, replet » et autres concepts du même tonneau.
Or obesus, avant de prendre ses quartiers en tant qu’épithète, n’était autre que le participe passé d’obedere, « ronger »… Allez comprendre !

Découpons le verbe latin en tranches.

•  Edere : on ne connaît que lui, c’est « manger » (songeons à l’anglais to eat, au chleu essen, sans parler de comestible issu de comedere, version longue d’edere) ;

•  Au tour d’ob : « autour ».

Nous y voilà !

Si « ronger » en est le sens littéral, obedere peut aussi signifier, pour les fondus de métaphores, « manger autour » (sous-entendu) « du cadran », soit toute la journée.
Moi je dis : faut pas s’étonner.

 

Selon une étude à peine sortie du four, l’obésité toucherait un tiers de l’humanité. C’est énorme.
Parallèlement, 1 sur 8 d’entre nous ne mange pas à sa faim. C’est là sans doute le plus gros scandale.

Merci de votre attention.