Quand bien même vous seriez du sous-genre des enclumes apprivoisées, il est peu probable que vous lisiez ces lignes (l’apprivoisement a ses limites). Vous ne viendrez pas chouiner lorsqu’on vous enjoindra de sauter dans le cerceau. Monde cruel du spectacle, celui-ci aura toutes les chances d’être enflammé.
Un coup à y laisser votre peau ? Allons bon, ce ne sont pas trois flammèches, le tracsir ou la menace du fouet qui feraient reculer une grande fille comme vous, génétiquement programmée pour qu’un forgeron vous martèle du métal en fusion sur le râble du matin au soir !
Au hop ! du dresseur, sachez vous en souvenir.
D’ailleurs jusqu’à maintenant, vous vous contentiez d’être là où on vous posait, à bout de bras pour vous éviter tout effort ; bref, vous vous empâtiez.
Un bon geste. En l’honneur de vos aïeules.
Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en enclume civilisée.
Plusieurs options s’offrent à vous :
♦ Le plus dur n’est pas tant de sauter que de prendre de l’élan. Accélérez progressivement votre course en roulant-boulant sur vos pointes. Pour le reste, il suffit de retomber avec grâce.
♦ Si Dame Nature vous a dotés d’une paire de pointes justement, ce n’est pas pour la déco. Faites flap-flap de toutes vos forces puis attaquez le trou en piqué.
♦ Considérez les autres animaux du cirque comme autant de compagnons d’entraînement. En particulier, n’hésitez pas à foncer à dos d’éléphant, seul capable de supporter votre poids. Seule contrainte : un cerceau de la taille d’une maison.
♦ Vu les doses de comburant utilisées par cet imbécile de dresseur, une fois que le chapiteau brûle, terminez de vous distinguer en sauvant la veuve et l’orphelin des flammes. Que vous braverez sans rien sentir, pas même le roussi.
Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.