N’y allons pas par quatre chemins qui tous mèneraient à Rome : encore s’est échappé du latin « hinc hora », raccourci vulgaire de « hinc ad horam », « d’ici jusqu’à l’heure » où l’on cause.
Vous préviens, on va soulever le capot, va falloir vous saper en sale.
Mais revenons à nos moutons, moutons.
En scrutant à la loupe le vieux françois, des linguistes forcenés se sont aperçus que les plus fiables copistes, ceux qui ne changeait pas un en en an toutes les deux enluminures, s’accordaient sur la graphie encore. Quelques ancore ont bien vu le jour, qui jouxtaient les non moins patibulaires anfler, comant, randre… N’an jetez plus. Résultat des courses, l’origine parfois invoquée d’un adverbe arborant un a (« hanc ad horam », « anque hora ») ne tient pas la route. Il faut se tourner vers des voisins en e ou i, comme le montre toute l’évolution phonétique du latinou au französisch. Ainsi parvient-on à « hinc hora ».
D’où les frangins morts-nés d’encore : encui, avant la fin de ce jour ; enquenuit, encore dans cette nuit ; encoan, encore dans cette année ; enquiquineur, encore lui, etc. Facétieux, les aînés !
Contenues dans ce sens premier, toutes les subtilités d’encore ont éclos quasi-concomitamment (la belle langue que la nôtre, hé, oh, hein ? quand même). L’adverbe apparaît en plein XIe siècle sous sa forme primitive « uncor » ou « uncore » (influencée par le jamais d’alors, onc). Il indique la répétition (« stop ou encore »), puis accentue une comparaison (« encore mieux »), avant d’introduire une concession (« encore heureux », « et encore ») bientôt précisée par que (« encore faut-il que… »).
Figurez-vous que ces diables d’Alsacos usent et abusent du goulu pléonasme « toujours encore », surtout à la forme interrogative. Que ceux qui n’ont jamais été annexés me jettent la première pierre, elle leur reviendra recta dans la fratz avec, ficelés autour, les redondants « encore et toujours » et « encore maintenant ».
Puisqu’en toutes choses il faut considérer la fin, citons encore La Fontaine :
Un octogénaire plantait ;
Passe encor de bâtir, mais planter à cet âge !
Ou encore :
Chemin faisant, il vit le col du chien pelé.
« Qu’est-ce là ? lui dit-il. – Rien. – Quoi ? rien ? – Peu de chose.
– Mais encor ? – Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause. »
Vous aviez encore oublié les délicieuses élisions du père Jeannot, à ce que je vois. Attendez un peu que les postillons luchiniens viennent vous doucher.
Merci de votre attention.