Comment fêter dignement son anniversaire quand on est une sauterelle ?

 

Vous avez rameuté tout le quartier, prévu des victuailles en nombre, en un mot, pris vos dispositions pour fêter votre anniversaire.

Premier problème : vous êtes une sauterelle verte. La notion d’anniversaire vous est donc parfaitement étrangère, comme du reste celle de calendrier.
Deuxième hic : votre longévité n’excède pas l’été. Dans ces conditions, le terme d’« anniversaire » n’est-il pas un brin galvaudé ?

Justement, la vie belle saison est trop courte pour se priver de chouilles à tout casser.

 

Selon des modalités restant toutefois à définir. Evitez l’anthropomorphisme façon cartoon du pauvre, où chaque convive rirait fort, boirait beaucoup, au son d’une musique déchaînée. En tant que tettigonia, vous êtes sûrement plus maligne que ça.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en orthoptère civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Vous avez tout le jardin pour vous, profitez-en. Prudence tout de même avec le barbecue, la chair de sauterelle grillée s’accommode mal avec les poivrons.

 

♦  Organisez dans l’allée du garage un cricket géant. Rigolade garantie.

♦  Au lieu de singer les bamboulas existantes et jouer à qui vomit le plus loin, défoulez-vous plutôt à échappe-prédateur, avec dame Nature pour seule juge. Rigolade garantie derechef.

 

♦  Si réellement vous êtes une sauterelle, il est peu probable que vous lisiez ces lignes. Encore moins que vous ayez besoin de conseils pour striduler comme il se doit « joyeux anniversaire ».

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Obsolescence progra

 

Mais ?! Eeeeh oui : il va déjà falloir en racheter une autre, de merde. Ne venez pas faire les étonnés, vous aviez acquis celle-là en toute connaissance de cause.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

A l’achat, le vendeur de merdes ne commence-t-il pas par vous proposer une extension de garantie au-delà de la mort présumée de la merde ?
Sa franchise l’honore. C’est tout juste s’il ne vous donne pas rencart pour les obsèques.

 

L’obsolescence d’une merde, à première vue, n’est programmée que pour le juteux bénef qu’engendrera son renouvellement.

Dans ce cas, pourquoi les fabricants de merdes s’arrêtent-ils en si bon chemin ? Rien ne les empêche de pousser la logique. Et de s’arranger pour que la durée de vie d’une merde n’excède pas la semaine prochaine. Chiffre d’affaires multiplié par [censuré].

Au passage, qui dit merdes à refabriquer dit travail pour les niakoués tout le monde. Cet argument vertueux reste heureusement dans les cartons.

 

Car la véritable vertu de l’obsolescence programmée, la voilà : tout ça, c’est pour notre bien.

Si l’écrasante majorité des objets mis sur le marché est en CDD, c’est pour nous rappeler :

  1. que tout va trop vite et qu’il faut profiter pendant qu’il est temps.
  2. que rien n’est jamais acquis. L’objet nous lâche ? En un sens, tant mieux : pas le temps de s’attacher, adieu valeur sentimentale, fini le déchirement causé par sa perte.
  3. qu’il est dans l’ordre des choses que nous survivions aux objets, à une époque où les fantasmes d’immortalité vont bon train. Comme il s’agit là d’une autre forme de religion déguisée (rapport à la finitude qu’on ne peut pas trafiquer [ne peut pas souligné trois fois]), l’obsolescence merdique nous rassure sur notre propre longévité.

Enfin merde, c’est quand même pas les objets qui commandent.

Merci de votre attention.

 

« Les un an »

 

On ose à peine l’écrire. Pourtant, on ne perd jamais une occase de l’annoncer haut et fort (hein ? de « les » annoncer pardon). Il n’est pas jusqu’à la télévision française qui ne revienne sur « les un an » d’existence d’un parti, par exemple. Vous voteriez pour, vous ?

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Fêter les deux ans du petit dernier, les trois ans du blog voire les cinq-cent-vingt-sept ans de mariage de Lucette et Marcel (noces de béton armé, pour ceux que ça intéresse), tout à fait bonnard. Mais de grâce, ne prévoyez rien pour « les un an » de quoi que ce soit, ou la colère divine pourrait s’abattre sur vous.

Evidemment, « le premier anniversaire » a une gueule de premier de la classe, à côté. Plutôt injurier la grammaire qu’aligner des syllabes à n’en plus finir, c’est bien connu.

 

Les tenants des « un an », inarrêtables, étayeront leur ignominie par l’argument suivant : étant donné qu’on a déjà fêté « les six mois », repasser par le singulier ne revient-il pas à prendre le toboggan à contresens ? Remémorez-leur le jour où ils avaient fêté « les un mois », pour rire.

Il faut dire que un est à la fois adjectif cardinal (le premier d’une longue série d’entiers) et article indéfini (au féminin une). D’ailleurs, conviez les poteaux aux une année d’un événement quelconque et observez comme la pilule ne passe déjà plus de la même manière : ils déclineront l’invitation les uns après les autres.

 

Certes, « le + un » pique les yeux. M’enfin quoi, se rabaisser à dire « l’an » ? A la guerre comme à la guerre, « les + un », au moins, augure d’une suite. Et tant qu’y’a de la vie, y’a de l’espoir, c’est bien connu derechef.

Dans la même logique, « les un quart de siècle » n’aura pas lieu de résonner puisque la prochaine étape sera le demi-siècle et non deux quarts tout juste bons à attendrir les matheux pur sucre.

 

Les éphémères, eux, préfèrent clamser sitôt leurs « un jour » passés. On les comprend.

Merci de votre attention.