Comment garder un bout de couette ?

 

Ce n’est pas lorsqu’il se soumet à Dieu, au capital ou au dogme de son choix que l’Homme court à sa perte. Son véritable avilissement, sa servitude volontaire, c’est de se faire piquer sa couette en pleine nuit. Tirer la couverture à soi jusqu’au tréfonds du plumard, voilà ce qui caractérise nos civilisations.

Malgré la résistance héroïque de vos petits bras grêles, c’est toujours au hasard d’un caprice de Mgnmgnmorphée que votre compagnon de page vous dépossède. Malaise sur l’alèse. Le froid subi par votre flanc ainsi découvert n’est rien à côté de celui jeté sur le petit déj à venir.

Les fabricants de couettes eux aussi vous ignorent, puisqu’ils n’ont jamais songé à les faire pendouiller de chaque côté à la longueur idoine.

La théorie de l’espace vital a encore de beaux jours belles nuits devant elle.

couette2Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en annexé civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  L’amputation de votre co-alité.

 

♦  Le célibat le plus forcené.

 

♦  Ou au contraire, le ménage à trois. A condition que vous ronquiez au milieu.

 

♦  Et pourquoi pas chacun sa couette, comme pour l’oreiller ? Les fabricants de couettes n’y ont jamais songé non plus.
Il ne vous paraît pas hautement improbable que les fabricants de couettes soient un peu bas de plafond, finalement.

 

♦  La couette cousue au matelas. Nécessite un matelas de rechange les nuits de canicule.

 

♦  La couette cousue sur vous. Présente l’avantage de ne pas devoir vous habiller le matin.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Comment réserver toute la rangée sans châle digne de ce nom ?

 

Vous arrivez le premier. Mais vous n’êtes pas le premier venu. Et comptez bien le faire savoir au reste de l’auditoire. Puisque rien ne vous l’interdit, vous entreprenez de faire main basse sur toute la rangée de sièges pour vous et votre smala.

En principe, un simple châle suffit à prendre possession des lieux. Ou à défaut, un papier par tête de pipe disposé d’autorité, sur lequel vous aurez griffonné « Réservé ».

Mais dans le cas où vous porteriez une de ces tresses infâmes (celles en franges de tapis) tandis que la bille de votre Bic gèle dans votre poche, de quoi auriez-vous l’air ?

 

Ne déclarez pas forfait pour autant. Qu’iraient penser vos potes s’ils se trouvaient dispersés aux quatre coins de la salle par votre faute ? Ils vous rendraient la pareille à la première occasion et c’en serait fini de votre belle amitié. Tout ça pour une histoire de lainage trop court ?

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Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en éclaireur civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Afin qu’aucune fesse étrangère n’empiète sur vos plates-bandes, déshabillez-vous en laissant traîner vos frusques en évidence (ruse dite de la « strip-travée »). Veillez néanmoins à vous arrêter à temps sous peine de vous faire éconduire par la sécurité.

 

♦  Profitez du contact rapproché avec ces gorilles pour leur subtiliser un talkie-walkie dont, une fois vos places regagnées en douce, vous tirerez l’antenne sur toute la longueur.

 

♦  Marquez littéralement votre territoire en vous soulageant un chouïa sur tous les sièges. Le stratagème incommode vos amis ? Demandez à chacun qu’il vous prépare un petit flacon, soigneusement étiqueté, dont vous prendrez soin de répandre le contenu nominativement.

 

♦  Faites-vous passer au préalable pour un officiel. On s’empressera de vous réserver des places que vous n’occuperez pas pour finir.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Comment faire comprendre aux khôns de derrière que vous n’avez pas fini de poser vos articles sur le tapis ?

 

Pardon pour ce titre dont la véhémence le dispute à la longueur. D’autant qu’un problème si élaboré n’est déjà plus à la portée de ceux qui vous collent à la caisse. Reformulons donc en pesant chaque terme de l’énoncé.

Au terme d’un rodéo plus ou moins épique, vous vous êtes glissé dans une file dont la vitesse de croisière vous laisse pour une fois entrevoir une sortie proche. Votre prédécesseur vous a même gratifié d’un sourire en délimitant ses achats par une frontière en plastique à l’effigie du magasin ou d’une quelconque saloperie en promo. Un merci plus tard, une connivence s’installerait presque. Et dire qu’à votre tour, dans un instant, vous deviendrez cet affable passeur.
Sollicitude mère d’illusion.

Les ploucs dans votre dos vous ramènent au réel en un bip de code-barres. Qu’il faille attendre que vous ayez fini de poser vos articles avant de commencer à poser les leurs leur passe loin au-dessus.

Pourtant, vu l’amoncellement à venir, à moins de procéder par couches superposées, tout le tapis vous sera nécessaire : n’importe qui peut le constater. Sauf vos suivants, qui empiètent sur vos emplettes en niant votre existence.
(Au passage, leurs goûts de chiotte vous font prendre la mesure du monde qui, lui, vous sépare).

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en acheteur civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Déchargez tranquillou puis, tel un rouleau compresseur, poussez tout par terre en arrivant à hauteur de la ligne de front des khouillons. Sifflotez pour vous donner du courage.

 

♦  Technique imparable : disposez vos premiers articles non pas juste après la réglette en plastique mais directement en bout de tapis. Vous pourrez alors combler à loisir la place restante sans avoir à subir les assauts de l’arrière, d’où l’on assistera à cet habile stratagème avec l’impuissance des vaincus.

 

♦  Profitez de ce que la séparation est floue – et pour cause – entre ce qui est à vous et ce qui ne l’est plus pour tout mettre sur la note des envahisseurs (technique dite « du traité de Versailles »).

code-barres

♦  Dès les premières salves ennemies, cherchez cet autre fameux pannonceau : « Dernier client avant fermeture, merci de vous diriger vers une autre caisse » et glissez-le en bonne place, soi-disant à la demande de la caissière. L’exode de pure convenance ainsi créé provoquera un début d’érection ou d’humectage suivant les gonades.

 

♦  Plantez-vous en bordure de caisse, faites rempart de votre corps et manipulez vos affaires à distance à l’aide d’un bras télescopique. Au terme de l’opération, levez l’obstruction, repliez votre arme et rengainez-la soigneusement, non sans avoir soufflé dessus et conclu d’un marmoréen :

It’s the law of the West.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.