Faramineux

 

Si l’adjectif vous évoque un trésor de pharaon, c’est qu’il vous semble l’avoir vu orthographié pharamineux. On préfère prévenir : arrêtez de phantasmer.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

L’Egypte et la royauté n’étant plus ce qu’elles étaient, on hésite quant au sort du drôle. Tantôt familier (« qui semble tenir du prodige »), tantôt péjoratif (« excessif, exorbitant »), faramineux ne s’emploie qu’à propos de ce qui troue vraiment le derche.

Exemple : une remontée faramineuse.

 

En parlant de courir vite, « bête faramine » désignait dans la Bretagne et le Mâconnais du XIVe siècle un animal vorace non identifié.
Le plus fantastique dans cette histoire, c’est le recyclage du latin feramen, « bête sauvage, gibier ». Vu comac, on a du mal à discerner la descendance en français mais zieutez le fera d’origine, raccourci pour fera bestia. Une fois la « bête » dépecée, seul l’adjectif ferus retrousse encore les dents. Ne vous rappelé-ce pas féroce, par hasard ? Y a-t-il toujours des coquets dans la salle pour donner du ph à faramineux ?
D’ailleurs, à ferus, ferus et demi, soit efferus. Soyez pas effarés devant la « bête sauvage » indo-européenne ghwer-, où est passée votre fierté ?

Quant aux Grecs, ils ont bien fait d’attendre l’extinction du dernier théropode préhistorique avant d’organiser leurs parties de thêra en forêt. Non sans un flacon de thériaque dans leur barda en cas de morsure de serpent.

 

Farouche est plus farouche. Au top de la « sauvagerie », certes, mais comme un forasticus, « étranger » latin venu du « dehors » foras, fossilisé dans la vieille préposition fors :

Tout est perdu, fors l’honneur.

Aucun lien avec féroce et encore moins avec faramineux.
Ne vous fourvoyez pas, ça marche pas à tous les coups.

Merci de votre attention.

 

A quoi reconnaître le monstre du loch Ness ?

 

Dans les pantoufles de l’imaginaire, voilà une légende confortablement installée. Comme vous sur votre frêle esquif, parcourant les eaux du loch Ness en quête de sensationnel.

Car pour l’instant, ce monstre est un serpent de mer : vous n’avez encore vu nada.
Oualou.
Pas la queue d’un.

Du reste, à quoi le reconnaîtriez-vous, vous qui seriez à peine capable de décrire un rollmops ?
D’après son profil en tôle ondulée, vous le croiseriez pour de bon qu’il ne ressemblerait en rien à sa photo, de près ou de loin. D’où quiproquo.

 

Comme vous ne pouvez vous fier qu’à des racontars de buveurs de whisky dont les versions – de seconde main – divergent, vous ne savez guère à quoi vous en tenir. Incertitude à laquelle il est grand temps de remédier, car il caille et l’humidité gagne.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en guetteur civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Les monstres, on fait toujours comme s’il n’y en avait qu’un par espèce. Le dernier représentant, en l’occurrence. Dans ce cas, il fut un temps où le loch devait grouiller d’une faune ovovivipare, ce que ne corrobore aucun témoignage, malté ou non. Conclusion : non seulement le monstre est grégaire mais le troupeau reste discret. Si bien qu’une tête qui dépasse, vous ne pouvez pas la louper.

 

♦  Les monstres, on fait toujours comme s’ils étaient incréés. Or, il a bien fallu qu’une monstresse mette bas, aidée par papa monstre du loch Ness. L’âne et le bœuf du loch Ness n’auraient pas manqué de compléter le tableau. Ç’aurait eu de la gueule si les monstres faisaient pleurer dans les chaumières. En voilà un signe de reconnaissance, tiens.

monstre-du-loch-Ness2

♦  Les monstres, on fait toujours comme s’ils étaient de quelque part : la bête du Gévaudan, l’hydre de Lerne, l’andouille de Vire… Or rien ne dit que celui-ci soit sédentaire (contrairement aux curieux dans votre genre). Vu l’hygrométrie, il y a même de fortes chances qu’il se soit carapaté au Tanganyika.

 

♦  Les monstres, on fait toujours comme s’ils étaient éternels. On aurait affaire au même depuis des siècles ? Et sans qu’il se montre ? Allons allons. La peau dure a des limites, votre patience itou.
Pauvre pêcheur, ne l’attendez plus, votre Nessie : il est clamsé depuis longtemps – si tant est qu’il ait jamais existé.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

« Hors sol »

 

Fleurit ces temps-ci, lentement mais sûrement, l’expression « hors sol ». Au point de devenir une facilité de langage elle-même « hors sol ». De derrière les fagots, la mise en abyme.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

On saisit l’intention de départ : signifier en un rien de temps « qui n’a pas les pieds sur terre », « déconnecté des réalités ».

Vous êtes hors sol.

Reproche suprême qui, sous ses faux airs d’objectivité, suinte de la même condescendance que

Vous fantasmez,
Atterrissez,
Vous êtes hors du coup, mon pauvre ami.

Votre interlocuteur espère sans doute clore le débat avec ce bon mot. S’il commençait par choisir les bons mots ? La tournure se veut cinglante mais, tout à la joie de se la lancer à la tronche, on en oublie le sens propre.

 

Ne faisons pas l’injure de rappeler ici le principe de la culture hors sol ou hors-sol (pratique assez ancienne pour mériter le trait d’union).
C’est bien parce que c’est vous.

Hors-sol désigne, au choix :

– un « mode d’élevage où les animaux ne sont pas nourris avec les produits de la même exploitation » (ils ont leurs raisons pour aller brouter chez le voisin, va) ;
– une « culture sans le support du sol » (toits à jardiner) ;
– quelque chose qui d’habitude nécessite de creuser mais là non (piscine gonflable).
Autant de solutions alternatives au sol, voilà la noblesse du hors-sol.

Dans tous les cas, point de bestiaux en apesanteur, ni de végétaux ; nada qui lévite d’une quelconque manière. Autrement dit, ON A TOUJOURS PIED.

 

La prochaine fois, nous étudierons la passionnante question du veau élevé sous la mer.

Merci de votre attention.