Riche

 

Niveau rimes riches, riche n’attire guère que triche, friche, Autriche et bourriche. Autant dire que Hugo, La Fontaine et Barbelivien le snobent en fin de vers. Voire le fuient à toutes jambes.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

La richesse se mesure-t-elle à ses signes extérieurs ? Peut-on tout acheter avec le pognon ? Allons allons tsk tsk. C’est oublier qu’une sauce trop riche est souvent un cache-misère.

 

Et la fortune alors ? D’abord associée à la chance, elle passe aujourd’hui pour un synonyme incontesté d’opulence. « Faire fortune », c’est réussir. Sous-entendu, une « réussite » qui ne serait que matérielle. C’est dire si le concept de richesse est, là aussi, pour le moins réducteur.

 

De toute façon, être riche, c’est moins une histoire de pépettes que de pouvoir, au départ.

Ça se confirme en très vieux françois : le riche de 1050 est « puissant, pourvu de grands biens ». Issu, via le bas francique riki (et non pas riquiqui), du gaulois rix, « roi », dont on connaît la racine indo-européenne reg-, « avancer en ligne droite », par cœur et sur le bout des doigts. Pour s’en convaincre, voyez le latin rex. Et le mâtin Rex, qui à l’appel de son nom file droit vers sa gamelle.

 

S’il n’y a de riches que par opposition aux pauvres, il faut se tourner vers les petits, les sans-grade et plus généralement ceusses qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts et misent tout sur la fortune pour faire fortune au Loto.
Justement, l’indo-européen pou recouvre l’idée de « peu », « petit », comme dans son « enfant » latin puer (→ puéril) et le pullus qui lui sert de « petit animal » (→ poulain). Sans oublier pour finir l’adjectif pauper (→ paupérisation), « produisant peu » littéralement.

Et feignants, avec ça.

 

C’est pourquoi le pauvre qui gagne au Loto ne peut prétendre être riche : il ne produit rien, si ce n’est son ticket.

Merci de votre attention.

 

A pus génériques ?

 

La téléphagie a fait son œuvre et nous subissons sans broncher : le générique est en voie d’extinction. Entendez par là que, devenu simple jingle qu’on étire en longueur, il ne prend plus aux tripes. Le phénomène serait tout juste anecdotique s’il ne couvait un danger à faire virer écarlate Vigipirate (poil aux pattes).

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Il y a encore un tiers de siècle, le PAF consistait en trois chaînes, qu’on appelait affectueusement, par ordre d’apparition, « la Une », « la 2 » et « la 3 ». Un no man’s land, que dis-je ? la tête à Toto, comparé à notre luxuriance numérique. A tel point – je cause aux plus proches parmi vous du berceau – que personne n’avait cru bon d’inventer la télécommande.

Vouss autres acnéiques pourrez vous figurer cette époque en imaginant les gimmicks d’Ardisson avec la pomme, au premier degré et à longueur d’antenne. C’était vert, et mal dégrossi, et criard, et poussif ; les clairechazaux communiquaient avec la régie en décrochant un combiné en bakélite devant vos yeux. Mais les génériques scotchaient le téléspectateur aussi sûrement que la madame vos paquets-cadeaux. Celui des Dossiers de l’écran glaçait le sang quand le travelling nocturne de Téléchat annonçait une féerie par l’absurde. Plus tard, le sax rollinsien de Bouillon de Culture campait l’ambiance bonhomme du plateau de Pivot. Evidemment, ces émissions ont atteint la postérité à force de constance et de qualité. M’enlèverez pas de l’idée que leur générique suffit à déclencher l’effet madeleine à Marcel.

 

Or donc, citez-moi céans (hors fictions) un habillage audio et visuel capable de nos jours de rameuter toutes affaires cessantes la maisonnée autour du poste ? Cherchez bien, mes moutons…………………….………………

Je reviens plus tard si vous voulez ?

Plus bésef pour imprégner l’inconscient collectif, s’pas ? Allez, adjugé, le tambourin de Des paroles et des actes ne manque pas d’allant. Petite pop de salon en regard de la fracassante entrée en matière de L’Heure de vérité !

Bé vouais, les chaînes se pompant allègrement l’une l’autre à mesure qu’elles se multiplient, comment voulez-vous que la moindre nouveauté surnage ? Afin de se dépatouiller d’une si griffue concurrence, les gars devraient se surpasser au contraire ! Paradoxe ? Meuh non sots : ça s’appelle le conformisme. Un remède possible consisterait à nous retirer tout moyen de zapper, obligeant dès lors notre popotin à se mettre en branle pour changer de chaîne. Garanti, au bout du troisième lever, les plus patients éteindraient dans un grommellement plus ou moins inarticulé. Ce qui forcerait les dirlos des programmes à se remuer, à leur tour, l’arrière-train pour proposer une grille qui fasse saliver. Et des génériques assortis.

D’ailleurs, en y regardant de plus près, on ne compte plus les spécimens contemporains zieutant dans le rétroviseur. Après quelques errements, Envoyé spécial a ressorti intacte sa bande-son originelle. Faites entrer l’accusé (ah ! ce « kadannnng, kadannnnnnnng ») appuie délibérément le clin d’œil aux films noirs. Il n’est pas jusqu’à la Française des Jeux qui ne recycle les vieux sauciflards façon moonwolke. Résultat, on n’a jamais autant gratté.

A l’inverse, parce qu’il fallait sans doute justifier le salaire d’une paire de charlatans « créatifs », voyez ce qui reste des Chiffres et des Lettres ? Dix lettres : taxidermie ! La ritournelle arrangée à l’ancienne mettait au moins les neurones de pépé en alerte…

 

Futurs génériqueurs, ne vous découragez pas. Puisque la redevance coûte bonbon, pensez haute couture ! Et souvenez-vous que reconnaissable ne veut pas dire remarquable (toute l’inanité de Ça se discute dans ses tam-tams).

Merci de votre attention.