Comment faire une chouille à tout casser quand on est un radin fini ?

 

Anniversaire, événement marquant, climat barbecuesque, ce ne sont point les occases de festoyer qui manquent.
Seul hic : vous êtes un(e) rapia notoire.
Cela doit-il pour autant vous empêcher de mettre les petits plats dans les grands ?

 

S’il vous reste des amis (car l’amitié a parfois ses mystères), ne lésinez pas sur les moyens et, sans faillir à votre réputation, garantissez-leur une bamboula dont ils garderont un souvenir intact.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en pingre civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Ne prenez pas tout en charge. L’altruisme étant la plus noble des qualités, invitez vos hôtes à participer équitablement aux frais de la nouba. Attendez néanmoins la fin d’icelle pour leur envoyer la note.

 

♦  Un hérisson dans le porte-monnaie ? Sortez-le précautionneusement et installez-le au milieu de la rue. Rigolade assurée au moment où les pneus de vos convives tâcheront d’éviter l’animal.

 

♦  Prévoyez les festivités chez quelqu’un d’autre tout en passant officiellement pour l’organisateur. Vous aurez ainsi l’immense satisfaction de ne pas devoir passer l’aspirateur avant ni après.

♦  Plutôt que d’investir dans des lampions par trop rebattus, lancez-vous dans l’élevage de lucioles. Une fois la fiesta finie, offrez-les au hérisson, juste récompense pour avoir survécu.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

La journée sans rien

 

De même qu’on est toujours le khôn de quelqu’un, il est peu probable qu’aujourd’hui n’ait pas été décrété « journée de [cause quelconque] ». Pour savoir laquelle précisément, se reporter au calendrier qui les recense toutes.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

La plus connue est sans doute celle dédiée aux filles du sexe féminin. Qui occulte un inventaire à la Prévert où la baleine côtoie le scoutisme, l’asthme le scrapbooking et les zones humides les mutilations génitales (aucun lien officiel).
Et quand on est à court d’idées, Blue Monday ou Black Friday de rigueur.

 

Heureusement, pas plus de 365 possibilités sur le papier (366 avec les joies du bissextile). La liste ne peut donc s’allonger indéfiniment. Que vous croyez.

Car sitôt une cause perdue, on arrêtera de se souvenir qu’il ne faut pas l’oublier et sa journée deviendra la journée d’autre chose.

De plus, rien n’interdit de charger une journée à ras bord. Nous sommes tenus, rien que pour le 20 mars, de célébrer le bonheur, le moineau, la santé bucco-dentaire (ça tombe bien, c’est aussi la journée sans viande), le macaron (ça tombe mal, voir ci-contre), la francophonie, le conte et même le début de la semaine internationale pour les alternatives aux pesticides. Faites vos jeux.

 

D’ailleurs, fête-t-on vraiment quoi que ce soit ? Disons qu’on met à l’honneur, ce qui ne mange pas de pain. Et le lendemain, tout le monde se réveille sans plus y penser, nouvelle cause oblige.

 

Et les anniversaires ? La Saint-Valentin ? Purs prétextes à festoyer ou à s’offrir des fleurs. Pour le moins arbitraire, non ? Pourquoi la personne mériterait-elle plus votre attention ce jour-là ? De l’astrologie déguisée, ou on ne s’y connaît plus.

Et que dire de notre calendrier, basé sur les frasques (supposées) d’un porteur de croix (paraît-il) ? Une secte déguisée, ou on ne s’y connaît plus.

Et si le jour J est un jour sans ? Le contrôle continu au bac, l’homologation des résultats sportifs à l’entraînement, voilà qui éviterait bien des injustices.

 

Cherchez pas la journée du mouton : lui, c’est toute l’année.

Merci de votre attention.

 

Comment fêter dignement son anniversaire quand on est une sauterelle ?

 

Vous avez rameuté tout le quartier, prévu des victuailles en nombre, en un mot, pris vos dispositions pour fêter votre anniversaire.

Premier problème : vous êtes une sauterelle verte. La notion d’anniversaire vous est donc parfaitement étrangère, comme du reste celle de calendrier.
Deuxième hic : votre longévité n’excède pas l’été. Dans ces conditions, le terme d’« anniversaire » n’est-il pas un brin galvaudé ?

Justement, la vie belle saison est trop courte pour se priver de chouilles à tout casser.

 

Selon des modalités restant toutefois à définir. Evitez l’anthropomorphisme façon cartoon du pauvre, où chaque convive rirait fort, boirait beaucoup, au son d’une musique déchaînée. En tant que tettigonia, vous êtes sûrement plus maligne que ça.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en orthoptère civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Vous avez tout le jardin pour vous, profitez-en. Prudence tout de même avec le barbecue, la chair de sauterelle grillée s’accommode mal avec les poivrons.

 

♦  Organisez dans l’allée du garage un cricket géant. Rigolade garantie.

♦  Au lieu de singer les bamboulas existantes et jouer à qui vomit le plus loin, défoulez-vous plutôt à échappe-prédateur, avec dame Nature pour seule juge. Rigolade garantie derechef.

 

♦  Si réellement vous êtes une sauterelle, il est peu probable que vous lisiez ces lignes. Encore moins que vous ayez besoin de conseils pour striduler comme il se doit « joyeux anniversaire ».

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Comment ne pas léser Noël à Noël ?

 

Pour changer, pensons un peu à Noël. Le seul, l’unique, le vrai, cet ami proche auquel ses parents n’ont pas fait de cadeau en l’appelant comme ça ah non alors.

Vous rendez-vous compte qu’au milieu de cette dégoulinade de gentillesse, de cette frénésie illuminée, un être souffre en silence ?

 

Parce que le jour J, c’est plus la Noël que l’on célèbre que le saint du même nom. Virage de cuti ajoutant encore à l’humiliation, sans compter les jeux de mots douteux.

Pour couronner le tout, l’oiseau a trouvé le moyen de naître un 25 décembre. Autant dire qu’on ne lui chante jamais « happy birthday to you », à lui, trop occupé qu’on est à entonner l’avènement de l’autre. D’ailleurs, sur la bûche déjà surchargée, impossible de faire tenir la moindre bougie.

Quant à la distribution de paquets, pardon. Non seulement vous n’offrez pas plus de cadeaux à Noël à Noël, mais Noël est tenu de vous en souhaiter un joyeux alors que c’est sa fête et son anniversaire.

Et ainsi chaque année depuis toujours. Pas étonnant qu’il ait les boules, Noël. L’injustice n’a que trop duré.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en pote civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Pour mettre fin à son calvaire, trouvez-lui un autre blase. Privilégiez les noms peu usités du calendrier : Thècle, Zéphyrin, Crépin, Assomption… Vous pouvez être sûr que tout le monde se souviendra de sa fête.

 

♦  Décalez la bamboula d’une semaine en priant pour qu’il vous reste assez d’entrain le premier de l’an.

 

♦  Proposez à Noël d’adopter la nationalité anglaise ou allemande. Ainsi, impossible de le confondre avec Weihnacht ou Christmas.

25-decembre-2

♦  Si ça peut consoler votre ami, rappelez-lui que le père Noël répand lui aussi le bonheur autour de lui en ne demandant rien en retour. Pire, on n’est même pas sûr qu’il existe.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Huppé

 

L’organisateur d’une fiesta huppée ne s’en vantera jamais, du moins pas en ces termes. « Fiesta », c’est bon pour les bouseux, soyons sérieux.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Quel rapport entre la « distinction » et le fait de « porter une huppe » ? Le signe distinctif, justement. Que seuls les oiseaux huppés ont le privilège d’arborer : roitelet, colibri, vanneau, grèbe huppé (le plus grand de tous les grèbes, famille des podicipédidés, alors autant pas le faire chier). Quant à la huppe, on la confond carrément avec son aigrette bigarrée.
(Attention, « aigrette » désigne ici la huppe et non l’oiseau.
Attention, « huppe » désigne ici la huppe et non l’oiseau).

 

Les ornithologues du XIVe siècle qualifient déjà de hupe la « touffe de plumes sur la tête de certains oiseaux ». Mot pompé sur huppe (le piaf), née uppa cinq siècles plus tôt, contraction du latin upupa. Quel est justement le nom scientifique de la huppe fasciée ? Upupa epops. A cause de son cri ? Si oui, les Grecs l’auraient donc ouï epops et les Latins upupa ? Jugez sur pièces :

L’onomatopée a de la ressource. Elle devient puppukis en letton, pupak en persan, hopop en arménien, hoephoep en afrikaans et hoopoe en anglais.

 

Quid alors de houppe, cet

assemblage de brins de laine, de soie, de fils liés ensemble à une extrémité de manière à former une touffe et qui sert d’ornement ?

Le mot éclot vers 1350 du bas francique huppo, « touffe », ayant probablement poussé sur l’indo-européen (s)keup- de même sens. A ce stade, rapprocher huppe et houppe ne serait donc point tiré par les cheveux, la seconde croisant comme un fait exprès le chemin de la première.

 

Hop hop hop, on est passé un peu vite sur cette histoire d’onomatopée tout à l’heure. Car hop ! descend de l’ancien verbe houper, « appeler quelqu’un » (sans doute comme le ferait notre huppe avec un larbinos quelconque à l’heure du déjeuner). On peut en admirer un vestige dans houp-là (un peu plus huppé).

Merci de votre attention.

 

Restaurant

 

« Cocorico », fait le coq avant de finir au vin. Aucun doute : nous sommes le peuple de la gastronomie. C’est bien simple, on ne compte plus les estrangers nous ayant subtilisé le mot restaurant. A commencer par les anglophones ; et, quand on connaît leur bouffe, on conçoit que les drôles aient tout misé sur l’enseigne. « Fast-food » (où l’on mange mal mais vite), « buffet à volonté » (où l’on mange mal mais à volonté) parviennent néanmoins à tirer nombre d’entre nous hors du domicile (où l’on a tout le temps de faire bon et copieux).

Mais revenons à nos moutons, moutons.

A quelques exceptions près, restaurant égale fête. Au demeurant, son étymo est si limpide qu’on ne la voit plus : on y entre, tout sourire, pour se restaurer. Imaginons ces voyageurs harassés d’avant le hamburgé, volontiers ripailleurs, bombançant à coups de « Holà ! Tavernier ! » avant de cuver goûter un sommeil réparateur. Bête comme chou hein ? C’est d’ailleurs dans ce sens que l’on utilise restaurer tout court. Un restaurateur, lorsqu’il ne tient pas un restaurant, est celui chargé de « retaper » des antiquités de tous ordres :

Je me retaperais bien un peu de cette merde.

Précisément, avant que la métonymie eût fait son œuvre, un bon restaurant se trouvait dans l’assiette (« aliment, boisson qui restaure »).
Exactement comme un petit remontant, voui voui.

Le verbe n’a pas bougé d’un poil de pinceau depuis le latin restaurare : « rebâtir, réparer, renouveler ». Et ce radical –staurare ? Mais c’est celui qu’on retrouve dans instaurer. Il ferait même diantrement penser à son grand frère stare (« être debout »).

Statique comme une statue au stand de frites, derrière son taré de frangin.

(C’est pas un jugement, c’est un constat.)

 

Pour la petite histoire, selon Littré, le premier restaurant strico sensu fut ouvert près du Louvre en 1765 par un certain Boulanger. Qui, tel Christophe Colomb, crut jusqu’au bout tenir une boulangerie. Comme la clientèle chinoise s’entêtait à lui réclamer des baguettes, il devint fou et s’en fut, de dépit, engraisser les poissons de la Seine.

Merci de votre attention.