Navré

 

On rencontre objectivement beaucoup moins de navrée que de navré. Et toc Navrés, filles du sexe féminin.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Pour l’avoir tous été un jour ou l’autre (surtout les mâles, v. ci-dessus), on sait ce que veut dire navré. On a pourtant bien du mal à le définir sans passer par la case désolé, participe lui aussi délayé en formule de politesse. A l’infinitif, navrer et désoler reprennent du poil de la bête, l’un surpassant toujours l’autre d’une bonne tête à température et humidité constantes.

 

Zieutons les acceptions successives de navrer :

blesser, transpercer,
attrister profondément,
contrarier, décevoir.

A ce train-là, le verbe devrait

glisser comme sur les plumes d’un canard

de notre vivant.

 

Pourtant, la douleur d’origine était plutôt physique.

Navrer se disait alors nafrer, chez les Normands. Un héritage probable du vieux nordique nafarr, la « tarière », cette « grande vrille pour percer le bois » qui n’en finit pas de nous tarauder.

Une autre hypothèse tient la corde. Elle a intérêt : nafrer ne serait autre que naufragare en raccourci ! Le vieil espagnol navargar (« désoler, détruire ») abonde dans ce sens. Et puisqu’on est en pleine bataille navale, rappelons que naufragus = navifragus, littéralement « l’est tout cassé le navire ».

Entre « transpercé » et « coulé », va falloir se décider, les poteaux.

 

Au moins, avec navrance (« affliction ») et navrure (« blessure » au propre et au figuré), on est loin au-dessus de tout ça.

Merci de votre attention.

 

Chic

 

Il n’est plus du dernier chic mais a su rester chic. C’est un chic mot, chic.

Mais revenons à nos moutons, moutons. Chic chic.

Nom, épithète, interjection, chic est protéiforme sans varier d’un pouce. Certains outrecuidants ont bien tenté d’y mettre des rallonges :

chicard, chicart, chiquart (adj.),
chiquement (adv.),

peine perdue. On ne touche pas à chic sans le dénaturer.

 

Il est vrai que peu de confrères peuvent se targuer d’être aussi inaltérable. Hormis chouette qui lui emprunte les mêmes caractéristiques, notamment s’il est antéposé, pour parler grammairien :

une chouette fille

=

une chic fille.

‘Tention, ça n’en fait pas pour autant

une fille chic.

Coquetterie et beauté intérieure peuvent ne pas aller de pair. Pour ne vexer aucune nénette, chic reste donc unisexe. Dès lors, la graphie chique n’a plus qu’à goûter une désuétude bien méritée.

 

C’est son attitude foncièrement positive qui vaut à chic de jouer les caméléons.
1793, « air dégagé, aisance » (→ « avoir le chic pour »), 1823, « subtilité, finesse », 1835, « élégance ». Le tout, vous allez rire, à cause de l’allemand schicken, « envoyer », au sens propre « faire que quelque chose arrive ». Bientôt arrivent les notions de « préparer, arranger » puis de « convenable ». Sich schicken in : « accepter », « es schickt sich nicht » : « ça ne se fait pas ». Jusqu’au Schick originel, vraisemblablement introduit en Gaule via l’Alsace limitrophe.

 

Autre hypothèse circulant sous le manteau : chic serait issu de chicaner, « chipoter, ergoter », croisement de ricaner et du radical chi- à l’œuvre dans chichi et chiquenaude.
Par ailleurs, la chicane languedocienne désignait un genre de golf (sport de petits coups chichiteux par excellence), d’après le persan chaugan, « bâton recourbé » préfigurant le polo.

 

Et chik alors ? Figurez-vous qu’en tanzanien des hauts plateaux, chikungunya signifie littéralement « qui se recourbe », rapport au dos voûté par ledit virus.
L’étymo n’a pas fini de nous couper la chique.

Merci de votre attention.

Miroir

 

Mettons que la Reine dans Blanche-Neige se soit écriée :

Miroir, mon beau miroir, dis-moi ton étymo,

l’histoire aurait gagné en intérêt. Hé ho hé ho, qui se tape tout le boulot, en attendant ?

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Miroir est plus classe que glace, c’est indubitable. Tous deux renvoient cependant le même reflet. D’ailleurs, pendant que nous nous regardons dans la glace, que fait-on dans le miroir, hormis se marrer ? Se mirer, tiens. Sauf s’il est tout schmiré, hypothèse valable uniquement en Lotharingie septentrionale – et encore, lorsque le matos laisse à désirer.

 

Il était fatal qu’après des siècles passés à se mirer dans le mireoir on en vînt à s’y admirer. Rebaptiser l’objet admiroir tomberait sous le sens, puisque mirer et admirer se le partagent dans un joyeux jeu de miroirs depuis l’origine. Les verbes latins mirari, « s’étonner, être surpris » et admirari, « s’étonner devant [qqch] » ne se sont donc pas privés de faire des petits : miracle, mirifique (aptes à en mettre plein la vue), mirettes (bien pratiques pour la vue) et la fameuse mire qui brouillait la vue (et l’ouïe, à force).
On n’oublie pas l’espagnol mirador (bien pratique pour tirer à vue).

Et Mir ? Dans les années 1920, la marque faisait miroiter les mêmes vertus que les autres détergents à la mode : Miror, Mirabilia, la Miroitine (sic)…

 

Quant à l’adjectif mirus, aussi « étonnant » que ça puisse paraître, il dérive de smeiros, calqué sur l’indo-européen smei-. Une « surprise » digne de ce nom vaudra donc un smile. Partant, tout smiley sera superfétatoire.

 

Restons en terre angloise. Miroir, notre beau miroir, y est devenu mirror par l’enchantement de la phonétique. Les autochtones se gardèrent bien d’en faire autant avec trottoir lorsqu’ils admirent que pour trotter ça marchait pas.
Idem avec tiroir, poussé après emprunt d’un miroir de poche par une fille du sexe féminin en vue de se reluquer dans la rue.

Merci de votre attention.

 

« Petit garçon »

 

Est-il mioche, ce pléonasme. Et si ce calembour laisse lui aussi à désirer, il ne doit pas nous détourner du sujet, toujours occulté du reste : un garçon est déjà un « petit gars », les mecs.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Point n’est besoin de bûcher son étymo en cachette pour piger que garçon est à gars ce que glaçon est à glace, de même que salon descend de salle, mamelon de mamelle et bien sûr, [coller ici votre exemple].

Puisqu’on en est à jacter tétés, donne-t-on du diminutif à fillette ? Bigre non, ce synonyme de « petite fille » est si transparent qu’on s’en contente.

Section félins, chaton, lionceau font eux aussi l’économie de la « petitesse », et pour cause.

 

Un vague scrupule nous pousse bien de temps en temps à remplacer « petit garçon » par garçonnet. On s’acharne. Et pourquoi pas « fillettine » ? Miniaturisation à double fond !
Les mômes, vengez-vous de tous les « vieux adultes » comme ils le méritent.

 

Faut s’entendre sur les mots, commencez-vous à geindre. Gars implique nécessairement du poil aux pattes. Et ne saurait être mis sur le même plan qu’une fille du sexe féminin, autrement dit une femme en devenir. Objection que contrediront tous les épisodes d’Un gars/une fille, mes moutons.

 

Par ailleurs, dire d’une « petite femme » qu’elle est une femmelette ne vous réconciliera pas avec la langue, sauf si l’intéressée se dégonfle. On emploie alors le terme de « petite garce » et on lui tire la langue sans ménagement.

 

En bref, « petit garçon » ne devrait être réservé qu’aux garçons de café courts sur pattes.
A l’autre extrême, laissez tomber « grand garçon », comme il vous laissera tomber lui-même en terrasse – la faute à un appareil auditif trop éloigné du niveau de la mer probablement.

Garçon ne s’accommode pas des épithètes. Laissons-le tranquille.

Merci de votre attention.

 

Fulgurance #95

Meneurs/suiveurs, attaque/défense, ami/ennemi, bourse/vie, fromage/dessert…
Quelles dichotomies absurdes/pertinentes !

Travailler cul nu

 

L’engeance mâle répartie à 52 % sur cette planète souffre d’un trouble auquel personne* ne prête attention : à peine entame-t-elle une activité manuelle (rafistolage, aspirage de voiture, changeage d’ampoule) qu’on lui voit les fesses.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Hein ! On n’invente rien : tandis que l’homme se penche sur l’ouvrage, toutes ses facultés intellectuelles sont mobilisées par cette putain de vis ; pas le temps de se rajuster le falzar, d’ailleurs il n’y songe guère.
(Mâles, on vole à votre secours, là).
Dès lors, ça ne loupe jamais, une force mystérieuse se met en branle, tout se retrousse et le popotin se découvre. Imperceptiblement d’abord, puis la raie apparaît à proportion de l’effort déployé.

A la décharge du pauvre bougre, si cette khônnasse de vis ne tournait pas à vide aussi putain de vérole de va chier de bordel de cul – on y revient.

Et n’allez pas croire que c’est pour épater la ou les nanas zalentour : devant ses semblables aussi bien que dans l’intimité, le phénomène survient quoi qu’il arrive.

 

Il ne peut être sans fondement (si l’on ose dire).
Y aurait-il un défaut dans l’amplitude de chaque vêtement de jambe masculin ?
Allons bon. Dans ce cas, comment expliquer que neuf fois sur dix le sous-vêtement vienne avec ?
Ne s’agit-il pas plutôt d’un plaisir secret, spécifique aux gonzes, consistant à révéler son postérieur à qui de droit pour bien montrer qu’on en chie (si l’on peut s’exprimer rainsi) ?

 

Salopette, combinaison, scaphandre, autant de solutions tout indiquées.
Ou alors le fantasme doit s’accomplir jusqu’au bout : tombez le bas, mecs, ce sera plus séant (décidément). Mais faites gaffe à tout ce qui pendouille, un accident est si vite arrivé.

Merci de votre attention.

 

* personne si ce n’est les 48 % restants de filles du sexe féminin, dont le minois consterné en dit long.