Le play-back

 

Si vous lisiez ce billet en play-back, vous y prendriez moins de plaisir puisque ce serait pour de faux.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

A chaque passage télé, même foutage de gueule : l’artiste chante en play-back en tâchant de faire croire (avec toute la conviction de la main qui ne tient pas le micro) que la performance est en direct.
Mascarade particulièrement flagrante lors d’un fondu (ou fade-out, comme disent les Angliches). Quand le son diminue, il faudrait déjà la mettre en sourdine comme un seul homme jusqu’au silence complet, dans la vraie vie. Au lieu de quoi les zigomars continuent de zigoter devant la caméra.
Simuler l’orgasme à côté mériterait une auréole, et pas le genre d’auréoles auquel on pense de prime abord.

 

La ruse a beau être éventée depuis l’invention de la bande-son, on ne s’en offusque plus. Est-ce à dire que le play-back permet de gagner du temps ? Pas pour les roadies en tout cas, contraints de déplacer l’intégralité du barda pour des nèfles à seule fin d’entretenir l’illusion (excepté les câbles dont, vous ferez gaffe, la moitié n’est pas branchée. Et pour cause).

Certes, la chanson sonne comme sur le disque puisque c’est le disque. Mais songez à l’effort de concentration pour rendre naturel le mouvement des lèvres (ou lip-syncing, comme disent les Angliches). Essayez devant votre glace. L’exécution de la ritournelle à pleine voix ne serait-elle pas plus reposante ?

 

Et d’ailleurs, que n’en fait-on autant sur les planches ? Envoyer la purée des coulisses éviterait les affres du trou de mémoire au moment d’attaquer la tirade de Cyrano ou le monologue d’Hamlet.

 

Le play-back est au spectacle vivant ce que le micro-ondes est à la cuisine : du prêt-à-consommer.

Merci de votre attention.

 

A qui revendre votre papamobile ?

 

Voilà un problème qui ne se posait pas jusqu’à XVI Soupapes. C’est vrai ça, avant lui, tous les big bosses de la chrétienté se refilaient la tire à peine achevé leur petit tour sur terre. Le plus fidèle serviteur de Dieu aurait d’ailleurs très bien pu faire valoir ses droits à la retraite sans bousculer cette tradition-là : carte grise biffée, clé au pote François et hop, marché concla… conclu. Manque de bol, ce dernier ne l’utilise guère, prise peu le blindage et préfère les transports en commun ou la marche.

Alors hein ? Hein ? Mettez-vous à la place du Benoît, avec sa bagnole sur les bras.

Pis faut voir l’engin. Même plus cotée à l’argus, ingarable, aucune reprise. Et pour cause, jamais allée sur l’autoroute ! Disons-le tout net, c’est un veau. Et salissante avec ça. Seul avantage : elle pollue peu, avec sa fumée blanche.
Autant dire que les acquéreurs potentiels risquent de ne pas se bousculer au portillon, a fortiori flanqué de gardes suisses.

papamobile

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en papamobiliste civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Cédez votre chignole au premier dictateur venu, toujours désireux de se refaire une virginité.

 

♦  Puisqu’elle ne dépasse pas le 12 à l’heure, refourguez-la à des parents dont la progéniture réclamerait à cor et à cri des leçons de conduite avant l’âge légal. Véhicule école sans aucun danger, à condition de ne la rouler que dans l’allée.

 

♦  Faites-en don à une association de quartier pour son corso fleuri, ou au musée océanographique pour y caser les murènes (jusque-là serrées comme des sardines). Ou mieux encore, au parc d’attractions du Vatican : grâce à la vision panoramique qu’offre le toit ouvrant, toute la famille pourra s’y entasser dans la joie en chantant « Plus près de toi mon Dieu ».

 

♦  Nul doute qu’un nartiste contemporain paiera le prix fort pour y ajouter une merdouille de son cru (savamment décalée). Et la remettre en vente avec un zéro de plus.

 

♦  Vous pourrez, à défaut, tirer un prix (trans)substantiel des pièces détachées : c’est bien le diable si les saintes jantes, le saint vilebrequin, les saintes courroies et le saint arbre à cames ne trouvent pas preneur.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Silence minuté

 

Au chapitre des « compressions temporelles », ce qui suit devrait tous nous soulever le cœur parce que tu déconnes avec ça, tu déconnes avec tout : la minute de silence qui ne dure pas une minute. A titre personnel, dorénavant, dès qu’un gus s’avance et déclare : « nous allons respecter une minute de silence », on se marre ostensiblement, nonobstant l’assemblée éplorée.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Une paire d’exemples comme ils viennent :

(moins de 50 secondes)

(42 secondes)

Et la pile est neuve.

Le drame, c’est qu’on sait, au moment de l’attaquer, qu’on ne l’atteindra jamais, la minute. En conséquence de quoi c’est pas la peine de tirer une tronche pareille.

 

Bien sûr, l’expérience de la minute de silence tient du rite initiatique. Qui ne se souvient de ses premiers recueillements collectifs lorsque la solution pour ne pas pouffer sous les dix secondes consistait à fixer ses chaussures (tout en s’efforçant de rester sourd au rire nerveux du voisin et insensible aux éternuements) ? Est-ce en souvenir de cette torture – dont la portée nous échappait alors – qu’à l’âge adulte, nous levons la punition largement avant la fin du sablier ? Soi-disant ni vu ni connu ?

Sur ces entrefaites, on objectera que la minute en question a surtout valeur de symbole. Oooh ben ça change tout, excusez, point n’y étions-nous. Mais alors, symbolique pour symbolique, pourquoi ne pas écourter drastiquement, mettons à 25 secondes ? Vu que, tout bien pesé, on n’a quand même pas que ça à foutre ?

 

Mais n’allez pas croire que nous aurions perdu les notions de respect et d’hommage. Il arrive encore qu’une personnalité tout juste disparue ait droit à 3 jours, pleins et entiers, eux, de deuil national.
Non, c’est juste qu’au-delà de 50 secondes, nous sommes physiologiquement constitués pour redevenir mesquins.

Merci de votre attention.