Les humoristes tueraient père et mère pour un bon mot. Nous autres voyons rarement l’intérêt de se fatiguer autant. Entre ambivalent et ambigu par exemple, on décide à plouf plouf.
Mais revenons à nos moutons, moutons.
Si on se le permet, c’est que ces deux-là sont synonymes, non ? Ça nous arrangerait bien. Avec le même radical ? A d’autres. Où a-t-on vu jouer que photocopie et photographie, trisomie et trilogie ou même, tiens, équivalent et équilibré se recoupaient pile poil ?
Si nous nous sommes cassé la nénette à fabriquer deux termes différents, peut-être y avait-il matière.
En parlant de tuer père et mère, c’est Freud qui dès 1912 popularise ambivalent. Le pote Sigmund entend par là :
qui comporte deux composantes opposées.
Hors divan, par extension :
qui a un caractère double.
Ambi-, « tous les deux », valere, « valoir ». Soit deux valeurs égales que tout oppose, scotchées au double face.
Ambigu est plus ambigu :
dont le caractère n’est pas nettement tranché ; flou, équivoque,
à cause du latin ambiguus, « douteux, incertain ». Entre deux choses ou plus, puisque le verbe d’origine ambigere s’épluche en agere, « pousser » et ambi-, « autour ». Regardez ambition et ambiance, qui n’hésitent pas à ratisser large.
Autrement dit : ambivalent, frontière étanche, ambigu, frontière poreuse.
Généralement, ceux qui tchatchent à tort et à travers préfèrent le premier, pour son look scientifique. Ils peuvent ainsi donner l’impression de savoir de quoi ils causent : une « proposition » ou une « attitude ambivalente », sans jugement de valeur (pour le coup). Comme ils pensent en fait ambigu (en toute subjectivité), ils se mentent à eux-mêmes. Et l’ambiguïté finit par le disputer à l’ambivalence.
Merci de votre attention.