On ne daigne jamais vous donner l’étymo de daigner. Quel dédain.
Mais revenons à nos moutons, moutons.
Ce petit verbe épatant résume pourtant à lui seul le fait de « bien vouloir, avoir la bonté de » et, disons-le franchement, « s’abaisser à ».
Condescendance qu’on retrouve à l’état brut dans dédaigner qui, quoi qu’il s’en défende, est le grand pote de daigner.
Depuis 881 (deignier), début XIIe (desdeinanz, participe présent), le duo infernal promène sa morgue par monts et par vaux. Avant de signifier « mépriser », dédaigner, c’est « s’indigner ». Ce qui est une autre façon de rester digne, droit dans ses bottes, au-dessus de la mêlée. Le latin dignus lui-même accouche de dignare (dignari chez les lettrés) : « juger digne ». Où l’on voit que daigner n’a pas eu grand mérite d’exister – on le reconnaît bien là.
A condition qu’on daigne remonter encore plus loin, on tombe sur l’indo-européen dek-no-, construit sur le radical dek-, « accepter, prendre ». L’anglais take en est un décalque probable. Ainsi que c’est vrai on n’y pense pas : discipline, décent (« approprié ») et même décor (« convenance » au sens premier). Sans zoublier les grecs dogme et paradoxe (« à l’encontre de l’opinion communément admise »).
De mépris à méprise, il n’y a qu’un pas : attention à ne pas confondre daigner et dénier. Si ce dernier laisse dans son sillage dénégation et déni, daigner ne daigne même pas faire « dain ». Or, non seulement dédaigner donne dédain mais celui-ci a même son muscle, dit « muscle dédaigneux » chez les anatomistes. Muscle carré du menton, si vous voulez tout savoir, « tendu de la ligne oblique externe du maxillaire inférieur à la lèvre inférieure qu’il abaisse ».
Notez enfin que l’anagramme de daigner est gardien. Ce qui, tant que condescendre n’est pas l’anagramme de goal, ne veut pas dire grand-chose.
Merci de votre attention.