Qui de droit

 

Y a-t-il pire tic* que celui consistant à se plaindre (ce qui est déjà passablement pète-khôuilles) à la mauvaise personne (ce qui rend l’affaire 100% stérile) ? On ne se plaint pas, on constate.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Faut-il que le moulin à plaintes ploie sous le faix de ses malheurs pour s’en délester sur le premier venu – c’est-à-dire vous, et votre bol légendaire. Comme si vous en pouviez mais, d’une part, et lui étiez d’un quelconque secours de l’autre.

Inutile de vous répandre en

je n’en puis mais,

sa litanie repartira de plus belle. Ne vous exposez pas aux relances (notamment au sujet de vos tournures) et ne faites pas semblant d’écouter, surtout. Motus, quoi.

 

Ce que voyant, le moulin à plaintes s’en remettra au chat, au sophrologue, au psy voire, comble de l’inefficace, au dieu le plus proche. Ce que voyant, son représentant sur terre, toujours prompt à exploiter le filon en prout-proutant le message, dira :

Aide-toi et le Ciel t’aidera.

Rien du tout.

Aide-toi et le boulot sera fait.

bureau-des-pleurs

Aussi pète-khôuilles que soit le moulin à plaintes, pardonnez-le. Non parce qu’il ne saurait pas ce qu’il fait (faudrait voir à pas trop pousser grand-moman dans les orties, surtout si elle est en short). Mais parce que lui seul détient la solution, attendu que dès l’instant où les jupes de moman ne seyent plus au chouinage, on ne peut compter que sur soi-même.

Se rangeant à votre avis, il ira tout requinqué encombrer la blogosphère. Ses exercices de style pèteront toujours les khôuilles de ses lecteurs mais ils lui permettront au moins de savoir ce qu’il pense.

Merci de votre attention.

 

* Jatil Pirtic, auteur d’une Anthologie du javelot (inachevée).

Diçneuf

 

Il est 20h ou quasi. L’un ou l’autre sujet de l’actualité du jour vous titille dont vous tenez à suivre les derniers développements. Fidèle à la grand-messe, vous buvez la sainte parole pujadassienne.

Quand soudain, tout bascule :

Hein ! Votre sang n’a fait qu’un tour à l’évocation de ces « soixante-dix-neuf ans » malproprement prononcés [sn].
La grande dame peut bien clamser, toute votre attention est désormais happée par cette sifflante incongrue.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Quiconque a joué à cache-cache engloutira à vie les phonèmes qui le ralentissent :

vin-n-deux, vin-n-trois…

voire, passé 61 :

ssan-n-cinq, ssan-n-six…

De même pour 19, où nous tous glissons du dix au neuf d’un [z] qui veut dire zou-ou.
M’est avis que le gars David s’est toujours débrouillé pour courir se planquer. Résultat : [disnøf].

Les esprits forts rétorqueront qu’en tant que fondu d’infos, votre serviteur écoute les tranches matinales du 6-9 [sisnøf] sans guère s’en étrangler. A mon tour de vous rembarrer : voici qui se justifie pleinement. Quand le trait d’union de dix-neuf définit une entité (la somme de 10 et 9), celui de 6-9 tient au contraire du slash pur et simple.
Deux bornes horaires bien distinctes, prononciation à l’avenant.

 

On ne devrait pas s’acharner ainsi sur 19. Dois-je rappeler que cet inestimable joyau est notre seul entier compris entre 18 et 20 ? Non mais y’a qu’à continuer, y’a qu’à continuer. Devenons la risée de toute la francophonie rassemblée, optons ti suite pour « dix-huit » [disɥit] !

Restez sur le qui-vive. On n’est pas à l’abri d’un « dix-neuf cent soixante-dix-neuf » surarticulé.

Merci de votre attention.

 

« Spéciale dédicace »

Il vous semble chelou que votre serviteur stigmatise toujours les mêmes champions des anglicismes francisés à la va-comme-je-te-pousse qui, faute de tourner sept fois leur langue dans leur bouche sertie d’or, érigent des « spéciale dédicace » au rang de formules consacrées. Avé l’accent « chpéchiale djédjicache », sinon ça vaut pas.
On se répète : c’est à la téci qu’on doit cette bancale tournure, relevant autant de la plus pitoyable frime que d’une méconnaissance crasse des langues vivantes. Et qui va, pour le coup, vraiment de pair avec la dentition pourrie plaquée or.
C’pour ça, quoi.
Zonards, n’allons pas par quatre chemins : ce que vous couchez sur bande ou sur mur reflète le summum de vos talents, soit. Mais la tête de ma maman, soignez au moins la périphérie. Autrement dit, pas de « spéciale dédicace » qui tienne ou ce sera la politique de la voiture brûlée. Ah ben fallait pas commencer.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Evacuons d’emblée l’épithète spéciale aussi inversée que la casquette, qui fondamentalement ne change que pouic au problème. Parce que c’est vous, on fermera les yeux sur le pléonasme, la honte se chargera de vous liquéfier au moment où vous pigerez qu’une dédicace est toujours spéciale.

Une fois l’expression lâchée, l’auditoire est censé être pris à témoin que ce qui va suivre sera dédié à quelqu’un. Voilà qui est bien urbain. Mais bougres de bougres, d’après vous, qu’est-ce au juste qu’une dédicace ? Ouvrez grand les échauguettes (non, pas les « échaufourrées ») : une dédicace désigne le petit mot qu’un auteur inscrit sous sa signature pour un lecteur à qui cha fait plaijir. Point barre. Un autographe personnalisé, en somme. C’est comac, c’est le français, y’a pas moyen de moyenner.
Par exemple :

A M., avec toute mon amitié.

Les éditeurs les plus avisés organisent même des « séances de dédicaces » où les fans de l’auteur défilent à sa table jusqu’à plus soif et tout le monde repart comblé.

C’est maintenant qu’arrive la subtilité. Quand notre écrivaillon dédie son œuvre à quelqu’un qu’il connaît déjà, de telle sorte qu’on puisse lire, dans chaque exemplaire :

A mon grand-père, sans qui…

… il n’est rien censé dédicacer du tout. Tant que le stylo n’aura pas physiquement appuyé sur la page de garde (insistons parce que les mauvaises habitudes tu peux y aller), le mot dédicace s’avèrera aussi incongru que ravioli, basket ou gothique flamboyant.

 

Eh Bobby, si un jour une foule hostile portant dico en bandoulière te tombe sur le râble, faudra pas jouer les ébaubis : ils verront bien que tu t’es payé leur tetê avec une « spéciale dédicace » non écrite. Et qui ne s’adressait à personne en particulier.

Ce à quoi tu pourras plaider la circonstance atténuante suivante : en fait, à la base, tch’ois, c’est parti d’un décalque de l’anglais to dedicate qui signifie dédier. Alors que « dédicacer [un livre] » se traduira en toute logique par « to inscribe [a book] ». En revanche, une dédicace se dira… dedication. Hein qu’ils sont perfides.

Il n’en fallait pas plus pour passer de :

J’voudrais djédjier cette chanson…

à :

Chpéchiale djédjicache

… et nombre d’entre vous ont d’ores et déjà franchi le mur du çon avec :

J’voudrais djédjicacher cette chanson…

C’est des coups à aller brûler les estafettes de MTV, non ?

Merchi d’votre atchenchion.