Les oreilles de lapin

 

Après le chewing-gum dans les cheveux, certains passent aux oreilles de lapin sur les photos. Vocation qui perdure ensuite chez les spammeurs professionnels.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Il suffit qu’un groupe projette de se faire tirer le portrait pour qu’en sévisse un des membres. Or, une fois emplafonné le coupable, quelles raisons invoquera-t-il pour expliquer son geste ? Aucune, si ce n’est la satisfaction d’avoir ruiné le cliché et attiré l’attention. Sur lui, plus que sur sa soi-disant victime.
Autant dire que personne ne connaît l’origine d’une pratique aussi obscure.

 

Oreilles de lapin, déshonneur ultime ? Pas qu’on sache. (Cas particulier : les bunnies de certain magazine).
Rappelons qu’un lapin de garenne dans la force de l’âge perçoit non seulement le moindre pet de carotte à la ronde mais se thermorégule grâce auxdites. Selon certaines sources non vérifiées, elles feraient aussi couchette et mini-bar.

 

Cette paire de fausses oreilles est d’autant plus absurde qu’on distingue toujours les vraies dans le prolongement des tempes du sujet. (Cas particulier : les bunnies de certain magazine, dont d’autres types de paires sont scrutées. C’est dire si les oreilles sont une zone érogène mésestimée).

A moins qu’il ne s’agisse en fait d’un bonnet d’âne ? Allons bon. En regardant bien, on est plus proche du V de la victoire que du baudet ou du lagomorphe. Là encore, l’attaque est contre-productive.

 

Non, cette histoire d’oreilles de lapin, ça ne fait rire que l’autre emplafonné, ça retarde le photographe, et ça s’efface sous Photoshop. Moyennant finances, il est même probable qu’un filtre les bannisse déjà automatiquement sur le mode anti-yeux rouges.

Note : si un lapin a les yeux rouges, c’est qu’il est atteint de myxomatose. Mieux vaut alors cesser de le prendre en photo et l’emmener au plus vite chez le vétérinaire, dont la table basse manque singulièrement de Playboy.

Merci de votre attention.

 

Conspuer

 

Un malheur n’arrivant jamais seul, les mots qui contiennent des gros mots traînent un sens négatif. Concupiscence, nyctalope, salopette : tous plus effroyables les uns que les autres. Règle à laquelle conspuer ne fait pas exception.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Conspuer a beau être le chef de famille :

exprimer bruyamment et publiquement, généralement en groupe, de l’hostilité envers quelqu’un,

c’est à huer qu’on pense en premier dès qu’il s’agit de

pousser des cris, des vociférations contre quelqu’un pour manifester son hostilité ou sa réprobation.

Pourtant, leur synonymie frise la consanguinité. Impression renforcée par la finale commune.

Conspuer semble en imposer malgré tout. S’il n’a pas de substantif type huée, c’est parce qu’il se suffit à lui-même. D’ailleurs, l’adverbe qu’on est tenté de flanquer à huer (« copieusement », le plus souvent) s’efface toujours devant les biscottos de conspuer.

 

Et puis huer vient de l’épiderme (houuuuuuuuuuuuu houuuuuuuuuuuuu houibon). Conspuer le cérébral se serait donc construit à la force du poignet ?

C’est oublier que le latin conspuere, « salir de crachats, mépriser », s’il englobe son sujet (con-), imite lui aussi le bruit du crachat (-spuere). Exactement comme le grec ptuein et l’anglais spit. Ce dernier, toujours zenclin à plaquer des verbes sur des onomatopées, se contente d’ailleurs de boo (booooooooooooooo boooooooooooooo booandsoon) lorsqu’il conspue son prochain.

Dans la même veine, « couvrir de tomates » a failli devenir consprotcher, et « jeter des œufs » conpritcher (la déflagration est plus circonscrite). Pourquoi ces verbes si évocateurs n’ont-ils jamais vu le jour ? Parce que tomates et œufs s’accompagnent quoi qu’il arrive du fait de conspuer.
Ou de mayonnaise (facultative).

 

Après tout ça, n’oubliez pas de vous laver les dents car conspuer le lavabo est une activité saine.

Merci de votre attention.

 

Déontologie

 

Le premier réflexe d’un journaleux pris en défaut sera de se draper dans sa déontologie. Comme celle-ci apparaît deux fois en tout et pour tout dans la charte d’éthique de la profession, ce n’est qu’un mot, en somme. Chouette alors, c’est lui qui nous intéresse.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Théorie des devoirs,

voilà la définition qu’en donnent le dictionnaire et les mots fléchés (en mal d’astuce sur ce coup-là et comme on les comprend).

Par extension :

Ensemble des règles morales qui régissent l’exercice d’une profession.

Ajoutez à ça de faux airs de divinité vers la gauche, déontologie est de la race de ceux qui en imposent.

 

Depuis peu : 1825, date de l’Essai sur la nomenclature et la classification des principales branches d’Art et Science par le sieur Jeremy Bentham. Lequel forme tout exprès deontology sur le grec deon(t)-, « ce qu’il convient de faire » et -logia, « discours, doctrine ».

Déontons les panneaux un par un pour reponçage. Non non, dé pas honte.

 

Déon- : en vieux grec, « nécessaire, correct », participe passé adjectivé de deî (« il faut »), issu de déô (« lier »), apparenté à dyo (« deux »). Soit le nombre exact d’occurrences du mot qui nous occupe dans la charte susnommée. C’est pas pour crier au complot mais ça vaut son pesant de « tiens donc ».

-Logia vient en plus droite ligne du verbe legein, à l’origine « rassembler, cueillir, choisir » (élection, diligence et toute la panoplie des Lego, mes moutons) puis « compter », ce qui entraînait nécessairement de « parler, dire » (dialogue, alléguer)… A propos de tout et de rien d’ailleurs : biologie, criminologie, oto-rhino-laryngologie

 

Autant de domaines dotés d’une solide déontologie. On l’espère, il le faut.

Merci de votre attention.

 

Doit-on sortir de chez le coiffeur avec une tête de khôn ?

 

Une étrange fatalité pèse sur l’humanité du berceau à la tombe ou quasi (écrivez-nous si vous y échappez) : celle dite de la « tête de khôn » consécutive à un séjour chez le coiffeur.
Et si l’allitération fait « con-con », vous l’aurez bien cherché.
C’est ainsi ; dès lors que vous confiez votre cuir chevelu à une tierce personne (bizutage auto-infligé pour des raisons purement anatomiques, notez bien), le résultat vous glace le sang. Effroi qu’il faut en prime dissimuler derrière des sourires à l’intention du bourreau qui, de suite après son office, ne réserve rien qu’à vous la tête qu’il vient de couper.
C’est le rituel qui veut ça.

Le plus grand péril consiste maintenant à affronter la foule en gardant une dégaine naturelle, malgré l’impression très nette de ressembler à un portrait-robot.
Urgence absolue : vous mettre à l’abri des regards.

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en scalpé civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  N’importe quel couvre-chef vous tirera de ce mauvais pas. A condition de ne pas devoir saluer une connaissance qui passait par là, auquel cas le changement de trottoir reste la seule échappatoire. Si après cette ultime manœuvre une seconde tête connue vous interpelle, prétextez une chimio.

 

♦  Dans la mesure du possible, habitez au-dessus du salon de coiffure (à moins d’être allergique au bruit du sèche-cheveux ou aux odeurs de shampooing). Veillez tout de même à raser les murs en remontant, un voisin de palier peut toujours surgir.

 

♦  Laissez pousser. Cro-Magnon n’avait pas ces problèmes.

coiffeur2

♦  A l’opposé, mobilisez les cerveaux les plus éminents du pays pour la mise au point d’une lotion qui arrêterait la pousse des cheveux au moment opportun. Les finances vous retiennent ? Gardez à l’esprit ce qui suit : plus de coupe-tifs pour la vie. Vous pouvez commencer l’appel aux dons.

 

♦  Faites comme ces équipes de cinéma qui, pour les besoins du film, louent la rue le temps du tournage. La circulation étant bloquée, vous ne pourrez croiser personne dont la présence ne soit autorisée dans le périmètre. Tant qu’à faire, profitez de l’occasion pour engager des figurants sortant eux aussi de chez le coiffeur.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.