Ustensile

 

Pourquoi cantonner l’ustensile à la cuisine et l’instrument à la musique ? Dans l’absolu, les deux sont interchangeables. Notamment pour ce qui est de la batterie.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Déjà, utiliser un ustensile, c’est se jeter dans la gueule du pléonasme. Son utilité, l’ustensile le porte dans sa chair : fin XIVe, son pluriel utencilles constitue l’« ensemble des objets servant à l’usage domestique ». Ou « à l’exercice d’un métier », auquel cas on dira plus volontiers outils, anciennement ustilz. Et pour cause : c’est le même mot.

 

Déballons tout ça soigneusement.

Sans penser à lui rendre, nous avons piqué au latin ses utensilia, pluriel d’utensilis, « dont on peut faire usage », façonné sur le verbe uti (hein ! même la phonétique nous le sert sur un plateau) : « user, se servir de ». Inutile de préciser qu’utile sort du même moule.

Quant à outil, il est établi qu’il descend du bas latin usitilium, singulier d’usitilia, version d’occase d’utensilia.

Z’aurez beau faire, tout ce qu’on utilise finit par s’user. Pour nous épargner cette peine, l’industrie dans sa grande bonté a mis au point l’obsolescence programmée.
Merdes Grâces lui en soient rendues.

 

Observez maintenant comme l’ustensile anglais (utensil), italien (utensile) et espagnol (utensilio) ressemble furieusement à l’utensilis original. Chez les Allemands, dont les us nous échappent, il ressemble furieusement à rien du tout (Gerät).

Le mot est si follement bath qu’il donne lieu à ustensilage (synonyme : outillage), ustensiler (synonyme : outiller), ustensilier (ancêtre de l’accessoiriste) et même ustensilité en philo :

caractère de ce qui est utile ou utilisable potentiellement, considéré sous un aspect purement pragmatique,

en d’autres termes l’utilitarisme.

 

Il y a toujours un cousin d’ustensile pour lui voler la vedette.

Merci de votre attention.

 

Contondant

 

Il est un fait qu’entendant contondant, l’homme de la rue hésitera affreusement sur la manière dont on a zigouillé la victime. En tapant comme un sourd ou en l’attaquant au surin ? Certainement pas avec le dos de la cuiller, en tout cas.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Le terme contondant (et c’est pour ça que les légistes embrassent leur métier) ne retentit que dans le cadre d’une autopsie. Suite à quoi les enquêteurs jaloux le reprennent à leur compte. Il faut dire que contondant se fait rare en nos contrées puisqu’il n’est accolé qu’à instrument. Jamais de « bouquet contondant » pour la fête des mères, ni de « médicament contondant » en pharmacie, encore moins d’« idylle contondante », même celles qui tardent à cicatriser.

Rendons-nous à l’évidence : seule l’étymo lèvera le voile sur les mystères de contondant.

 

Avec sa finale typique, l’adjectif serait-il pas un participe présent déguisé ? Tout juste : celui de l’ancien verbe contondre, en vigueur jusqu’au XVIIIe siècle. A première vue, contondre fait songer à tondre ; contondant trancherait-il alors comme une lame de rasoir ? Certes non. Ce tondre-là, arrivé à la racine, est la V.F. de tundere, latin pour « battre ».

D’où contusion, qu’on ne peut confondre avec confusion car son sens est foutrement plus clair que celui de contondant.

Issu de l’indo-européen (s)teu(d)- (toujours « battre », pendant que nous sommes chauds), le radical (s)tud- a essaimé partout, donnant naissance à tudes, « marteau », tudicula, « meule », d’où tudiculare (« broyer les olives ») devenu touiller. Mais aussi tussis, « toux », qui en effet cogne pas mal dans son genre surtout si elle est sèche.

Comme quoi, ça vaut toujours le coup de faire l’« effort » d’étudier. Y compris dans un studio riquiqui mais prévu à cet effet.

 

Quant à l’instrument contondant de tantôt, il

blesse sans couper ni percer.

Content de l’apprendre.

Merci de votre attention.