Profitons de ce que le touriste a la vue basse et une ouïe lamentable pour lui tirer dessus à boulets bien rouges. Après le coup de la lecture à voix haute, le complément de lieu précédé du verbe « faire » :
On a fait la côte d’Opale.
Y’a rien à faire, tout le monde la fait, celle-là.
Mais revenons à nos moutons, moutons.
Poser ses valises, repartir une poignée de jours plus tard et prétendre avoir « fait » le tour de la question paraît en effet pour le moins présomptueux. Aurait-on un train à prendre ? Et des cases à cocher ? Voyez avec quel malin plaisir, dès notre retour, nous claironnons à l’intention des ceusses restés au bercail (ou ayant « fait » autre part) :
Ça, c’est fait.
Littéralement.
C’est dire le peu de cas que nous faisons des lieux visités, considérés non sous l’angle du dépaysement ou de l’ouverture mais comme des trophées. Meuh qu’est-ce que c’est que cette mentalité de colon ! Si les voyages forment la jeunesse, ceux qui les font pour les « faire » sont des vieux khôns.
Bien que nul en langues étrangères, le touriste est suffisamment au fait des choses de son propre sabir pour sentir que cet usage du verbe n’est pas le même que dans
Rome ne s’est pas faite en un jour.
En revendiquant avoir
fait la côte d’Opale,
point ne se prend-il pour un démiurge. Plutôt pour un casanova de la bourlingue, collectionnant les destinations comme il accumulerait les conquêtes.
Oui mais c’est pas ça l’amour hein.
Touriste, au lieu de « faire » qui est le plus banal, le plus fourre-tout, le plus Marie-couche-toi-là des verbes, va, visite, parcours. Un peu d’humilité, tant qu’à faire.
Merci de ton attention.