Envoyé de

 

Si au bas d’un courriel figure la mention : « envoyé de mon [bidule] », pas besoin d’aller le crier sur les toits, le bidule s’en charge tout seul.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Que vous le vouliez ou non, un bidule aura toujours le dernier mot sur vous. On n’arrête pas l’autosatisfaction le progrès.

Pour quelle valeur ajoutée ? Aucune. Le courriel aurait été strictement identique « envoyé de » n’importe quel autre bidule.

L’info doit pourtant revêtir une importance quelconque. Mais pour qui ? Pas pour l’expéditeur, forcément au courant. Le destinataire alors ? Et que peut bien lui chaloir de connaître le modèle du joujou à l’autre bout ?

En d’autres temps, quand votre correspondant appelait d’une cabine, lui serait-il venu à l’idée de préciser laquelle ? La référence du stylo, le nom du pigeon voyageur, lorsqu’il vous écrivait ?

envoye-2

Gluante comme le plus gluant des mopsrolls*, la pub s’insinue décidément partout : au dos des tickets de caisse, de ciné, en surimpression sur la pelouse des stades, avant et après un programme télé, y compris à l’heure où elle est censée faire dodo… Guettez guettez : un, deux voire trois sponsors violent systématiquement le couvre-feu. Souvent sans rapport aucun avec la choucroute ni même avec une marque :

avec le film [Truc-muche].

Sans doute parce que le chef-d’œuvre en question comporte du placement de produit et renvoie l’ascenseur bien gentiment au susnommé. Dans le genre mopsroll qui se mord la queue, hein.

 

« Envoyé de » est aussi là pour faire croire que le message importe moins que son point de départ. Numérique, s’entend. Parce que géographiquement, les bidules nous suivent partout.
Jusque dans notre signature.

Merci de votre attention.

 

* c’est comme une pub, en moins visqueux.

Gauches pluriels

 

L’Homme de ce siècle est réputé faire 26 avec l’orthographe. C’est un minimum. Parlons pas bien sûr des èquçepsions ou de vocabulaire pur, prétextes à bisbilles voire à échauffourées entre bêtes à concours. Loin de cette agitation aristocratique, c’est dans les artères les plus fréquentées de la langue qu’éclate au grand jour notre folie meurtrière.
é/er, bah/ben et d’autres gueules cassées ayant déjà fait l’objet d’interventions en urgence, les premiers secours seront portés au pluriel.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Me suis mal fait comprendre : remballez vos spaghettis, vos faire-part et autres choux, genoux (orange bien sûr, couleur Betadine à cause des cailloux). Et jetez plutôt un œil à ceci :

travaux d’intérêts généraux

Vous avais prévenus, c’est pas beau à voir. Ça ornait pourtant il y a peu le fronton d’un article « fraîchement pressé » sur votre hébergeur chéri. Vu la vitesse à laquelle mute le virus du pluriel fou, si aucun vaccin n’est trouvé, toute la population sera infectée d’ici deux ans. En attendant, quelques mesures de précaution :

–         demander au malade ce qu’il entend au juste par « intérêts généraux » ;

–         vérifier ensuite que la notion d’« intérêt général », sur laquelle s’appuie toute démocratie digne de ce nom, lui rappelle vaguement quelque chose (phase dite du « nez dans le caca ») ;

–         si les troubles persistent, collez-le donc à des travaux d’intérêt général, ça guérit pas mais ça soulage.

 

Gnangnan comme à leur habitude, les âmes charitables imploreront le pardon sur l’air du « c’est des fautes de M. Tout-le-monde ».
Ce qui les rend d’autant plus graves.
Au point de contaminer des professionnels de la langue. Ainsi de la récente autobiographie de Mark Twain en VF, pullulant de l’ignominie suivante :

un homme des plus grand

(et comme ça avec chaque épithète qui passe).

Certes, le boulot du traducteur est des plus périlleux. Mais au cul de la tournure « des plus », quelle logique peut bien présider à l’accord de l’adjectif au singulier ? Singulier, non ?

Non mais oh ? Plus personne n’y bite plus rien, au pluriel ? Vais pleurer, moi :

Un homme des plus respectables,

me dites pas que ça ne coule pas de source. On parle bien d’un seul gus, mais on le classe parmi les plus respectables. Sans doute parce qu’il accorde ses pluriels sans se poser de question(s?).

Merci de votre attention.