Bulldozer

 

Composite subliminal de bulldog et de Godzilla, bulldozer est l’Attila des temps modernes : derrière lui, rien ne repousse. Si ce n’est un bâtiment tout neuf.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

D’où le brave tractopelle tire-t-il ce blase si évocateur ? S’agit-il d’une marque déposée devenue nom commun ? Même pas. Observez comme tout son pouvoir de destruction est contenu dans son suffixe. En Anglo-Américanie, -er indique en effet un objet ou un individu dévoué à sa fonction : mixer, toaster, sweet little rock’n’roller.

Aux dires de ceux qui ont enquêté, bulldozer entame sa course folle en 1927 mais sa première percée date du siècle précédent. Faisant concurrence au Ku Klux Klan, une escouade de racistes blancs s’autoproclament ainsi bulldozers lors de la campagne présidentielle de 1876. But du jeu : intimider et brutaliser les Noirs du sud des Etats-Unis. Parce qu’ils sont d’une couleur différente, certes, mais surtout parce que to bulldoze (ou bulldose) signifie précisément « intimider, menacer, violenter ».

Vous avez deux minutes ? Voyons ça.

Le verbe ne serait rien sans le nom : bulldose, littéralement « dose de taureau » (car chacun sait qu’on n’est pas trop de plusieurs trouducs pour venir à bout de la bête). D’où le sens ultime de « tout péter sur son passage ».

 

Si Sitting Bull reste le bull le plus célèbre, les étymologues s’écharpent encore quant à l’origine du mot : un radical germanique exprimant le « mugissement » ou un autre issu de l’indo-européen bhel-, « gonfler ». Celui-là même auquel on doit d’avoir les boules, incidemment.

Pour dose, on peut encore dire merci aux Grecs, dont le verbe didonai (« donner ») donna dosis (« portion »).

 

Quant aux Caterpillar qui sillonnent les chantiers, devinerez jamais : c’est à cause des chenilles. Bestioles que l’ancien français nommait caterpilose (ou chatepelose), alias « chat poilu ». Devenu « petit chien » donc. Retour à la case bouledogue.

Merci de votre attention.

 

Lyncher

 

Vu l’exotisme du y et la préexistence de pendaison sommaire en français, lynchage/lyncher viendraient du nom d’un lointain parent de David Lynch que les bras ne nous en tomberaient pas plus que ça.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Permettez d’abord que l’on reprécise le sens du mot. Dans Lucky Luke,

Qu’on le lynche !

équivaut davantage à

Qu’on le pende haut et court

qu’au goudron et aux plumes. Si la ferveur de la vindicte amerloque nous rappelle que lyncher signifie « laisser pour mort » sans autre forme de procès, on incline par chez nous au sens figuré :

un lynchage médiatique.

 

C’est pourtant une authentique (quoique non écrite) loi de Lynch qui dès 1835 flatte les bas instincts de la foule. Les historiens sont d’ailleurs prêts à s’entrelyncher quant au Lynch auquel on doit ces us de toc-toc. S’agit-il de William Lynch (1742-1820), capitaine de Virginie ? Ou de Charles Lynch (1736-1796), juge de Virginie lui aussi, dont les méthodes expéditives furent couvertes par la Cour suprême ?
Et qui est cette Virginie dont on se dispute les faveurs ?

Ne nous laissons pas distraire : Lynch est la version anglicisée du nom irlandais Loingseach (« marin »), prononcé Lengsha. Le vieux gaélique articule comme il peut.

 

Heureusement, les mœurs se sont apaisées. Plus question de loingseachage mais de bashing, dont aucun Mr. Bash ne peut être tenu pour responsable.

 

Puisque l’heure est au défoulement, petit jeu : parmi les noms suivants, un seul n’a pas été à l’origine incarné pour de bon. Saurez-vous trouver l’intrus ?

Bronx / montgolfière / pasteurisation / hachis Parmentier / poubelle / christianisme

Merci de votre attention.