Ça va Saint-Remy-en-Bouzemont-Saint-Genest-et-Issoooon ?

 

Le ridicule tient moins à la longueur du toponyme qu’à la question elle-même. Lancée au public telle une banane par l’artiste qui se prend pour un bateleur (ou vice versa), cette entrée en matière en dit généralement long sur son degré de fumisterie.
Ça va toujouuuuurs ?

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Demander au public si « ça vaaaaaa » lui permet de s’époumoner à peu de frais. C’est le but principal de la manœuvre. D’ailleurs la variante la plus connue recommande de « faire du bruiiiiiiiiiiiiiiiiiiit ».

– Ça va Saint-Remy-en-Bouzemont-Saint-Genest-et-Issoooon ?
– Ouaiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiis !

Précédée de « Comment », la question cesse d’être rhétorique et n’appelle plus d’autre réponse qu’un râle indistinct.

Car toute la salle ne peut par définition s’accorder sur un oui unanime – a fortiori sans savoir qui est le voisin de derrière. Au cas par cas, il se trouverait toujours des pris du nez pour renifler qu’en ce moment, c’est pas la grande forme.

C’est pourquoi le démagogue évite de prendre des nouvelles de chaque spectateur. L’effet ne serait pas le même.
Il ne s’inquiète donc pas vraiment de l’état de santé de son auditoire mais il a gagné trois secondes.

 

D’ailleurs, s’adresse-t-il à la salle ? Non : à Saint-Remy-en-Bouzemont-Saint-Genest-et-Isson tout entier. Ce qui est encore moins honnête.
Comme si 1) toute la ville était dans la salle, 2) toute la salle était de Saint-Remy-en-Bouzemont-Saint-Genest-et-Isson. Ça n’empêche point les non natifs, venus parfois de fort loin, de répondre au même volume que les autres. La lâcheté de la foule est contagieuse ; on préfère ne pas contrarier la vedette.

 

Elle est donc sûre de faire mouche, avec sa pseudo-question. Soyons moins prévisibles. Hurlons-lui « noooooooooon » comme un seul homme. Ou « viens-en au fait, évidemment que ça va, on a payé pour te voir, pauvre taaaaache ».

 

Une prochaine fois, nous traiterons des cas d’humoristes-grattouillant-et-pianotant-un-tiers-du-spectacle-au-lieu-de-faire-rire.

Merci de votre attention.

 

Couard

 

Soyons honnêtes, le charme de couard est avant tout phonétique. Les synonymes sont au même tarif : veule, pleutre, pusillanime… Seules poule mouillée et couille molle échappent à cette règle. Pour qu’on ne les accable pas davantage sans doute.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Les plus observateurs relèveront que couarde est pour ainsi dire inusité. Si les filles du sexe féminin ont, de fait, moins froid aux yeux que leurs congénères, comment leur balancer des [kwaʁd] à tire-larigot ? Heureusement, il nous reste [kwaʁdiz].

 

En parlant de ça, vous doutiez-vous que couard cachait une histoire de queue ? ‘Tention, c’est pas ce que vous croyez.

Coue, cüe et cöe, versions d’essai de notre queue, ont poussé sur le latin coda, bien connue des musicos pour indiquer la fin d’un morceau, variante de cauda, bien connue des pêcheurs et poissonniers manipulant la nageoire caudale de la bête.

Un suffixe péjoratif pour emballer le tout et en voilà un « qui porte la queue basse », signe de soumission s’il en est.

Les premiers dicos l’écrivent d’ailleurs quouard tout en mentionnant qu’

on escrit coüard.

Faudrait savoir. Quels couards, ces zacadémiciens.

Coi c’il en soit, le petit chéri s’exporte bien : les Espagnols ont leur cobarde quand les Anglais y vont de leur coward. Se faisant d’autant moins prier que queue existe aussi chez eux, si elle est leu leu.

 

En cherchant bien dans le registre littéraire, on peut aussi dénicher couardement et couarder. Puisque tout est permis, proposons dans la même veine couarderaie, couardissimo, quetzalcouard et recouard (couard devenu courageux avant de replonger).
Couard est si lâche qu’on peut le triturer sans crainte.

Merci de votre attention.