Un signe du chef et « on bouge ». L’expression n’a pas toujours existé. Avec un peu de chance, elle finira par bouger comme elle était venue.
Mais revenons à nos moutons, moutons.
« On y va », « on s’en va », « on décolle », « on dégage », « on met les bouts », « on se tire », « on s’arrache », autant de formules de congé sur l’air de « qui m’aime me suive ». L’impatience du départ s’y exprime avec une intensité qu’on ne retrouve guère que dans « tchanner la latte ».
Rien de tout cela dans bouger.
« On bouge » sans préciser où ; l’essentiel est de bouger. Quid alors de partir ? Parti sans laisser d’adresse. Or, si l’on ne peut s’en aller qu’en quittant la pièce, on peut très bien bouger sur place.
Bouger est partisan du moindre effort. Pourquoi pas se déplacer ou se mouvoir, pendant qu’on y est ? « On s’meut », ça aurait de la gueule.
D’une manière ou d’une autre, on est tout le temps en mouvement. Au « on ne bouge plus » du photographe, impossible de respecter l’ordre à la lettre. Et que dire de l’IRM qui cartographie vos méninges ? La moindre photo floue vous vaut les foudres des blouses blanches. Même en ronquant comme un loir, le simple fait de respirer équivaut à bouger. Le jour où vous ne bougez plus du tout, c’est que vous êtes mort.
D’ailleurs, n’allez point vous enquérir :
tu pars en vacances ?
mais :
tu bouges un peu pendant les vacances ?
L’interlocuteur pigera à demi-mot ; la destination importe moins que le fait de bouger.
Ce curieux usage semble dater de Bouge de là, rappé par MC Solaar à tue-tetê. Jusque-là, on disait plutôt :
ôte-toi d’là que j’m’y mette,
ce qui groove sensiblement dans les mêmes proportions.
Depuis, on nous recommande de manger/bouger. L’un n’allant pas sans l’autre, d’ici quelques lunes, on pourra sortir de table en lançant « on mangebouge ».
Merci de votre attention.