Miroir

 

Mettons que la Reine dans Blanche-Neige se soit écriée :

Miroir, mon beau miroir, dis-moi ton étymo,

l’histoire aurait gagné en intérêt. Hé ho hé ho, qui se tape tout le boulot, en attendant ?

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Miroir est plus classe que glace, c’est indubitable. Tous deux renvoient cependant le même reflet. D’ailleurs, pendant que nous nous regardons dans la glace, que fait-on dans le miroir, hormis se marrer ? Se mirer, tiens. Sauf s’il est tout schmiré, hypothèse valable uniquement en Lotharingie septentrionale – et encore, lorsque le matos laisse à désirer.

 

Il était fatal qu’après des siècles passés à se mirer dans le mireoir on en vînt à s’y admirer. Rebaptiser l’objet admiroir tomberait sous le sens, puisque mirer et admirer se le partagent dans un joyeux jeu de miroirs depuis l’origine. Les verbes latins mirari, « s’étonner, être surpris » et admirari, « s’étonner devant [qqch] » ne se sont donc pas privés de faire des petits : miracle, mirifique (aptes à en mettre plein la vue), mirettes (bien pratiques pour la vue) et la fameuse mire qui brouillait la vue (et l’ouïe, à force).
On n’oublie pas l’espagnol mirador (bien pratique pour tirer à vue).

Et Mir ? Dans les années 1920, la marque faisait miroiter les mêmes vertus que les autres détergents à la mode : Miror, Mirabilia, la Miroitine (sic)…

 

Quant à l’adjectif mirus, aussi « étonnant » que ça puisse paraître, il dérive de smeiros, calqué sur l’indo-européen smei-. Une « surprise » digne de ce nom vaudra donc un smile. Partant, tout smiley sera superfétatoire.

 

Restons en terre angloise. Miroir, notre beau miroir, y est devenu mirror par l’enchantement de la phonétique. Les autochtones se gardèrent bien d’en faire autant avec trottoir lorsqu’ils admirent que pour trotter ça marchait pas.
Idem avec tiroir, poussé après emprunt d’un miroir de poche par une fille du sexe féminin en vue de se reluquer dans la rue.

Merci de votre attention.

 

A qui appartient la tour Eiffel ?

 

Alors comme ça, la tour Eiffel serait à tout le monde sous prétexte qu’elle est dans nos cœurs et autres envolées lyriques de trois cents mètres de haut ? Fini de rire, parlons droit et propriété.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Elle fait partie des meubles. Et quand bien même : les meubles n’ont pas toujours été là. A l’instar de l’armoire lorraine, du deux-corps et du bahut de grand-mère, il faut bien que cette tour appartienne à quelqu’un. Mais à qui ?

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Est-elle inscrite au patrimoine mondial de l’humanité ? Allez roucouler ça aux pigeons qui s’y soulagent.

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Les sociétés privées qui y font leur beurre, restaurants, boutiques de souvenirs, stations météo, antennes radio et télé ? Chacune n’a droit qu’à un bout de la belle.

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L’exposition universelle ? C’était sans doute valable en 1889, année de son érection (c’est dire le respect qui lui est dû). Rappelons qu’au début du XXe siècle, une fois la nouveauté retombée, on a bien failli la démonter. Les ouvriers ont eu chaud aux fesses.

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Revient-elle à la ville de Paris, alors ? C’était le cas jusqu’en 1980, avant que la capitale ne lâche du lest dans une société d’économie mixte.

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Bah, ça vaut mieux comme ça.
Imaginez qu’elle devienne la propriété d’un descendant du père Gustave (et Dieu sait qu’un Eiffel bien décidé ne se laisse pas déboulonner). Si l’envie lui prenait, rien ne l’empêcherait de la déménager dans le jardin, à côté du quetschier. Et personne ne pourrait rien dire : l’arrière-arrière-arrière-petit-ingénieur aurait le droit de son côté.

Rassurez-vous, vu les déplacements de foule que ça créerait, il n’en ferait rien. Pour l’amour des questches.

Merci de votre attention.

 

« Les Conti »

 

Rigoler n’empêche pas d’en appeler hic et nunc à une prise de conscience : après lecture de ce billet, sprintez prêcher la bonne parole. Il ne sera pas dit qu’on n’ait rien tenté pour inverser la vapeur médiatique, ne serait-ce qu’un quart de chouïa : « les Conti », on ne veut plus entendre ça.
Perso, qu’un tuyau d’infos crachotte « les x » à propos des salariés d’une usine qui ferme et c’est le boycott instantané.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Il ne vous aura pas échappé qu’à mesure que se multiplient ce qu’il est convenu d’appeler – autre hérésie – les plans sociaux, les médias dans leur ensemble ont tout récemment fabriqué cette expression qui claque. Article défini suivi du nom de la boîte, en l’espèce tassé par acopope, on ne fait pas plus court. Des vrais Jivaros, ces journaleux.
De fait, « les Conti » prend de vitesse « les salariés de Continental », l’empathie en prime. On devrait du moins l’entendre comme tel puisque cet élagage s’est imposé, comble de l’horreur, comme le titre d’un documentaire pourtant bienveillant consacré aux gens en question.

Car c’est bien de gens dont il s’agit, si si si si. Mangeant, riant et, jusqu’à un passé proche, trimant au moins autant que les scribouillards ayant cru bon de les étiqueter selon leur lieu de travail. Au nom du gain de temps, paresse qui ne dit pas son nom, inversons les rôles et permettons-nous « les TF1 » ! « Les France 2 » ! Pour venger « les Fralib » : « Les Libé », allez hop !
Quel que soit leur degré de serrage de coudes ou d’attachement à l’entreprise, sentez pas ce qu’il y a de réducteur et de saugrenu à désigner les gens par paquets ?

Il y a du vrai, dites-vous, mais voilà une analyse qu’elle est biaisée à senestre. Persistance et signature : si l’expression gêne aux entournures, c’est parce qu’elle ne s’applique qu’aux prolos, signe d’un paternalisme larvé. La preuve ? « Les Conti » pullulent mais pas « les Sanofi » (domaine de pointe, plus noble que le pneu sans doute).
On vous voit venir avec la banane et une paire de contre-exemples inouïs :
« les Candia »
et
« les Mittal ».
La précipitation JTeuse n’a pas eu totalement raison de la décence la plus élémentaire. Mais si les faits nous faisaient mentir, tels qu’on les connaît, les gars de Florange verraient rouge.
[début de l’Internationale]

Merci de votre attentian.