Lyncher

 

Vu l’exotisme du y et la préexistence de pendaison sommaire en français, lynchage/lyncher viendraient du nom d’un lointain parent de David Lynch que les bras ne nous en tomberaient pas plus que ça.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Permettez d’abord que l’on reprécise le sens du mot. Dans Lucky Luke,

Qu’on le lynche !

équivaut davantage à

Qu’on le pende haut et court

qu’au goudron et aux plumes. Si la ferveur de la vindicte amerloque nous rappelle que lyncher signifie « laisser pour mort » sans autre forme de procès, on incline par chez nous au sens figuré :

un lynchage médiatique.

 

C’est pourtant une authentique (quoique non écrite) loi de Lynch qui dès 1835 flatte les bas instincts de la foule. Les historiens sont d’ailleurs prêts à s’entrelyncher quant au Lynch auquel on doit ces us de toc-toc. S’agit-il de William Lynch (1742-1820), capitaine de Virginie ? Ou de Charles Lynch (1736-1796), juge de Virginie lui aussi, dont les méthodes expéditives furent couvertes par la Cour suprême ?
Et qui est cette Virginie dont on se dispute les faveurs ?

Ne nous laissons pas distraire : Lynch est la version anglicisée du nom irlandais Loingseach (« marin »), prononcé Lengsha. Le vieux gaélique articule comme il peut.

 

Heureusement, les mœurs se sont apaisées. Plus question de loingseachage mais de bashing, dont aucun Mr. Bash ne peut être tenu pour responsable.

 

Puisque l’heure est au défoulement, petit jeu : parmi les noms suivants, un seul n’a pas été à l’origine incarné pour de bon. Saurez-vous trouver l’intrus ?

Bronx / montgolfière / pasteurisation / hachis Parmentier / poubelle / christianisme

Merci de votre attention.

 

Diligence

 

Elle jouit d’une polysémie à faire pâlir d’envie chiche et bouquin. Respectivement « soin » puis « célérité, exactitude » apportés à l’exécution d’une tâche (contraire de négligence, nous l’allons voir), diligence désigne aussi une « poursuite, requête » en droit (diligenter une enquête). Sans parler de la Wells Fargo, qui, pour tout bon fan de Lucky Luke, passe toujours.

Mais revenons à nos moutons, Jolly Jumper.

Les différentes acceptions du mot apparaissent d’ailleurs dans cet ordre. Fin XIIe-début XIIIe, « soin, minutie ». Trois siècles plus tard, « hâte, empressement » (« faire diligence » reste à ce jour la manière la plus élégante d’enjoindre autrui à se magner le train). Encore deux siècles et c’est le sens juridique qui pointe son nez dans le Code civil : « à la diligence de » = sur demande [du juge]. Pour finir en fiacre express.

 

Car qui dit diligence dit « rapide ». De nos jours, ç’a l’air évident mais ne confondons pas vitesse et précipitation : le mot signifiait « soin scrupuleux » en latin. Et plus largement « application, empressement, zèle, exactitude, attention, vigilance ; ordre, économie, épargne ; choix, discernement ; amour, affection ». Orgiaque, vous dis-je.

 

Diligentia est donc la fille du participe présent adjectivé diligens (« exact, soigneux »), formé sur diligere (« aimer, estimer, choisir »). Zieutez dilectum, le participe passé. On le connaît par cœur, ce radical : le même que dans prédilection dites donc.

Et lecture ? Affirmatif, diligere = di-legere (« cueillir, choisir, lire »). Pas enquiquinant, le français décline d’ailleurs verbe, adjectif et nom exactement comme la langue latine : élire, éligible, élection…

 

Les descendants se comptent par dizaines : intellegere (= inter-legere, « lire entre », d’où « comprendre »), neglegere (= nec-legere, « ne pas choisir » ou, sous un autre angle, « délaisser »), colligere (« cueillir ensemble », alias collecter). Et, côté substantifs, le fameux legumen qui se « cueille » en toute saison.

C’est pas de l’étymo collector, ça ?

Merci de votre attention.