Déménager

 

Une fois qu’on a compris que déménager ne consiste qu’à « changer de ménage », on rechigne moins à emménager.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Du point de vue de la ménagère (scruté à la loupe par les directeurs de programmes, non pour sa pertinence mais parce que la ménagère occupe littéralement le pays), le ménage est l’

ensemble des tâches domestiques (notamment organisation du budget, entretien du logement, du linge, préparation des repas) se rapportant à l’entretien d’une famille.

Gestion au cordeau qui donne lieu à l’expression « faire bon ménage ». Quant à « faire le ménage », n’allez pas croire que cela revient à « faire la poussière » (ce qui serait réducteur) mais à la faire dans toute la casa. D’aucunes s’en font même une profession : « femme de ménage ». A domicile mais aussi pour des boîtes privées, allez comprendre.

Au fait, lorsqu’il y a du remue-ménage, les acariens ont beau en prendre pour leur grade, c’est plutôt la vaisselle qui tremble.

 

Le ménage à travers les âges : maisnage, milieu du XIIe siècle ; mainage, début XIIIe ; mesnage, fin XVe. Comme on voit, la façade a été peu ravalée.

Squatters et occupants de chambres de bonne, figurez-vous que maisnage première manière dérive de l’ancien français manoir (880), qui n’est encore qu’un verbe signifiant « demeurer », sous l’influence du latin maison mansio.
On reconnaît icelui dans mansarde, manant (au sens propre « habitant ») mais aussi, quasiment à l’état pur, dans l’angliche mansion, « résidence d’un seigneur ». Le tout bâti sur le participe passé de manere, « demeurer » (→ permanent, to remain cher aux anti-Brexit), reposant sur des fondations indo-européennes parce qu’elles ont le monopole des chantiers (men-, de même sens).

 

Ainsi, dans tous les Mesnil de France et de Navarre, y compris à Ménilmontant, on peut faire appel à des déménageurs. Histoire de se ménager les lombaires.

Merci de votre attention.

 

Mitoyen

 

Pouvez chercher, la seule rime riche à citoyen est mitoyen. C’est pourquoi on entend si peu de poèmes vibrants en politique.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Sous ses dehors terre-à-terre, mitoyen reste une énigme. Seul autre exemple où l’on se sert de mit- comme d’un fer à souder : concomitant. En même temps, si mitoyen était construit comme citoyen, il viendrait de « mité ». Celle-ci n’ayant droit de cité dans aucun dico, ça doit être une erreur.

 

Changeons de point de vue.

Deux maisons ne peuvent être mitoyennes que si elles ont un mur mitoyen. Et où est-il, çiloui-là ? Au milieu, par définition.
Désolé de vous couper la chique mais la contiguïté qui caractérise mitoyen n’est rien à côté de sa situation géographique, soit pile à la moitié.

On le voit mieux dans le mittoen de 1355 : « qui est au centre, entre deux éléments ». Déformation, avec le préfixe mi, de moitoien. Les efforts de l’ancien français pour pondre un adjectif sur moitié sont d’autant plus touchants que c’était pas la peine : moyen existait déjà.

 

Moyen, moitié, mitoyen et consorts descendent du latin medius, aux poutres apparentes dans médiateur, médian, médium et média (moyens d’information et de communication), médiéval (qui touche au Moyen-Age), médiocre (dans la moyenne), immédiat (sans intermédiaire) et bien sûr dans le doigt du même nom (n’y voyez rien de personnel). Middle anglais, Mittel allemand, les voisins font rien qu’à copier, c’est bien connu.

Retour à la maison, que mitoyen se partage avec la cousine mezzanine, coincée entre deux étages.

 

Libre à vous de former une contrepèterie sur

Mes chers concitoyens.

Merci de votre attention.

 

Immeuble

 

De ce côté-ci de l’Atlantique, les buildings d’en face sont source d’infinies railleries. Mais ceux qui vivent dans ces constructions (littéralement) pourraient à bon droit se gausser de notre accent fécal. Building prononcé comme bulldozer ? Allons donc. Et build alors ? Et d’abord, nous sommes-nous seulement regardés, avec nos immeubles ?

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Bien que ceux-ci ne s’étirent guère que sur deux étages (plus rez-de-chaussée), les seuls complexes à avoir ce jour seront d’ordre étymologique. Il suffit d’inspecter les fondations d’immeuble pour piger que ça urge.

 

Avant de rouler des mécaniques en tant que

bâtiment urbain à nombre plus ou moins important de niveaux destiné à abriter des appartements, des installations professionnelles ou des bureaux,

est immeuble

ce qui ne se meut pas.

A ce compte-là, une statue, une maison, Michel Drucker est un immeuble.
Pas le terrier, creusé par définition dans de la terre meuble.
Quant au déplacement de meubles cher aux voisins du dessus, il termine de rappeler l’étroit cousinage de meuble avec mobile.

C’est d’ailleurs immoble qui sort de terre vers 1200. Evidemment, il ne tient pas en place et devient immeuble en 1319, escamotant pour le coup mobilis, contraction latine de movibilis, tiré du verbe movere auquel on doit mouvement, amovible, émouvoir et, de l’autre côté de l’Atlantique, move et remove.

Dans le feu de l’action, movere s’est mué en movitare, lequel a muté en mutare. Movere a aussi mis bas le fréquentatif motare, qui n’en finit pas d’exploser.

 

Comme les prix de l’immobilier du reste.

Merci de votre attention.

 

Fulgurance #67

Ne laissez pas les contrariétés vous monter à la tête. Voir Obama : premier président noir des Etats-Unis tout blanc.

obama