Bouclier

 

Anti-missiles, thermique, fiscal, le bouclier n’a jamais cessé de s’éloigner du champ de bataille. Par égard pour les morts, ne vaudrait-il pas mieux que nous la bouclions ?

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Arme défensive que l’on tient devant soi pour se protéger,

le bouclier, on l’a oublié, ne tient qu’à une boucle.

Jusqu’au milieu du XIXe siècle, on l’écrivait encore boucler ou bouclet sans crainte de se faire boucler pour outrage à l’orthographe. Rappelons qu’au tout début était l’escut bucler, « écu garni d’une boucle » (1100).

Car la triste vérité, la voilà : le bouclier a usurpé l’écu, au nez et à la barbe des écuyers.

Orné d’un écusson, notre écu a tôt fait de donner son blase à la monnaie frappée des mêmes motifs. A telle enseigne que l’euro a bien failli s’appeler comac. Et que l’escudo a toujours cours de l’autre côté des Pyrénées.

 

Ne vous en déplaise, « bouclier » se dit écu depuis le latin scutum (dont l’anglais tire son propre shield), taillé dans l’indo-européen skoito-, « morceau de bois » provenant lui-même de skei-, « couper, séparer ». Ce qui nous ramène tout droit au chalet. La boucle est bouclée.

 

Sauf qu’on n’était pas venu pour ça : boucle découle du latin des rues buccula, « petite bucca », littéralement « joue » ou « bouche » figurant la bosse du bouclier. Concept ayant probablement gonflé sur l’onomatopée bu-. Encore maintenant, une bonne hygiène bucco-dentaire est indispensable, surtout si on partage son écuelle.

 

Sans faire la fine bouche, quitte à provoquer une levée de boucliers, ce qu’on entend à l’heure actuelle par bouclier ne « protège » donc que dalle.
On se tue à vous le dire : faites l’amour, pas la guerre.

Merci de votre attention.