Coordonnées

 

Faites bien gaffe à qui vous laissez vos coordonnées. D’aucuns seraient capables de vous retrouver.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Naguère latitude et longitude, qu’entend-on de nos jours par coordonnées ? Numéro de téléphone, adresse postale et, depuis la fin du siècle dernier (notez, futurs historiens), électronique. Depuis qu’on envoie des courriels par-delà les océans, plus personne n’a le pied marin.

 

Avec un sextant, pas le choix : on n’obtient un point sur la carte qu’en recoupant deux coordonnées. Dans un répertoire, le terme se galvaude à la vitesse d’un drone au galop. Une seule coordonnée suffit à vous mettre le grappin dessus.

Car co-, quoiqu’il aille avec tout, n’est pas là pour la déco. Un bateau perdu en mer qui n’indiquerait que sa position longitudinale ne risque pas de revoir sa Normandie. Les secours y réfléchiraient à deux fois avant d’embarquer pour un tour du monde.

 

Définition du cours de maths, parce qu’on n’y coupera pas :

distance à l’origine de la projection d’un point sur des axes de référence.

L’abscisse et l’ordonnée, pour ne pas les nommer. Pourquoi la première vit-elle sous le patriarcat de l’autre ? Le couple aurait très bien pu s’appeler coabscisses, si toutefois ç’avait été facile à écrire.

 

Mais alors, que mettre en abscisse ? L’adresse ? Et en ordonnée ? Ça ne tient pas. Encore une fois, on peut vous localiser par n’importe quel moyen. Contrairement au téléphone fixe qui vous assignait à résidence (z’allez de révélation en révélation, futurs historiens), le portable vous accompagne hors de vos pénates. On n’est plus chez soi.

Quant aux « coordonnées bancaires », elles ne sont qu’une série de codes chiffrés. Nada qui ressemble à un quelconque croisement sur nos deux axes chéris.

 

Comment Maître dico justifie-t-il ce piratage de coordonnées ?

Par extension et familier.

Sauf son respect, il rame un peu sur ce coup-là.

Merci de votre attention.

Sémaphore

 

Parmi les langages codés tombés en désuétude, le morse nous bottait bien. Mais, celui-ci devant son nom à Samuel Morse, l’étymo aurait tourné court, sauf à remonter tout l’arbre généalogique du drôle. Pas de Jean-Michel Sémaphore en vue, rabattons-nous donc sur sémaphore.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

On l’oublie mais sémaphore désigne avant tout le poste côtier (tour ou mât) d’où partent les signaux concernant la météo, la marée, l’angine du petit dernier… Tout est bon pourvu qu’on ait encore l’usage de ses deux bras et de ses deux jambes. C’est pourquoi les paraplégiques ne peuvent communiquer en sémaphore qu’à moitié. Dffcl d s fr cmprndr ds cs cndtns, ffctvmnt – ms ps mpssbl.

Le code sémaphorique requiert de gesticuler dans tous les sens. Peu recommandé aux personnes sujettes au mal de mer, il est en revanche très prisé des marins, tout comme le morse qui reste toujours dans notre cœur (pour des raisons liées davantage à sa viande).

Sur les rails, le sémaphore est également un « signal d’arrêt à signalisation mécanique (bras et palette rouge) ou lumineuse (feu rouge) ». Nous, pauvres mortels, dirions plutôt « barrière » ou « passage à niveau » mais la subtilité du distinguo doit nous échapper.

 

Le mot est adopté par l’Académie en 1835. En pleine vogue hellénisante, nous le fignolâmes comme suit :

♦  Sema-, « signe » (d’où plus tard sémantique). Venu du lointain indo-européen dheie-, « voir, regarder » qui en passant par le sanskrit dhyana (« méditation ») a trouvé le zen (cool, n’est-il pas ?).

♦  –phore, « qui porte ».

Il parle phore
= Il a une voix qui porte.

Pareil pour phosphore (« qui apporte la lumière »), amphore (« qu’on porte par deux côtés »), doryphore (« qui porte une lance [pour mieux piquer les patates] ») and so phorth.
La faute au verbe pherein de même sens. S’il était correct, le Grec dirait « sémafaute » mais il préfère nous préserver du calembour foireux. On ne l’en blâmera pas.

Merci de votre attention.