Tapisser contre le mur ?

 

Pointez-vous dans n’importe quelle bourgade du globe, vous constaterez – non sans un certain effarement – que le papier peint n’orne jamais les murs extérieurs. Maisons, appartements, mobil homes, guérites, niches, tous logés à la même enseigne.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

C’est ainsi, l’homme de la rue n’est pas autorisé à voir vos lés, aussi beaux soient-ils. A moins d’y avoir été cordialement invité ou de lorgner par la fenêtre comme un forcené, il devra se contenter de la peinture par défaut de la façade. Vous et votre entourage êtes les seuls à profiter pleinement de la tapisserie. C’est dire l’égoïsme.

 

Car si vous faites le compte, l’écrasante majorité de la population n’a de votre doux foyer qu’une image tronquée et impersonnelle (même si vous misez tout sur la boîte aux lettres ou la teinte de vos volets). Vous vous échinez donc à coller cette saloperie en pure perte.

Et sauf perron à colonnes, le mauvais goût ne sautera pas aux yeux du quidam. Sans papier peint en étendard, comment saura-t-il à coup sûr quel seuil éviter ?

 

Les gros blaireaux férus de tuning jettent-ils leur dévolu sur les parois de leur habitacle ? Point, point : ce sont les piétons alentour qu’il s’agit d’éberluer.
Idem pour les discothécaires du week-end, faute de quoi les voilà condamnés à faire tapisserie toute la nuit.

 

Quant à cette soi-disant impossibilité due aux intempéries, la spécialiste Huguette Néné, auteur d’un récent ouvrage sur le sujet *, indique qu’en milieu tempéré, les riverains se gondolent plus vite que le papier peint placé à l’extérieur.

 

Rappelons enfin que tapisser consiste littéralement à disposer des tapis à la verticale. L’incongruité à son faîte.
Si ça se pratique dedans, pourquoi pas dehors, au lieu du crépi ou des briques ?

Merci de votre attention.

 

*Huguette Néné, Un ouvrage sur le sujet, APUF 2016.

 

Rouflaquette

 

Vous autres zobsédés au vocabulaire croupi voyez sans doute en rouflaquette un équivalent exotique de khoûille. Vous confondez avec roupette et roubignole. A votre décharge, bande de digoulasses, ces pattes sculptées au gré de l’inspiration sont bien l’apanage des mecs du sexe masculin. Rappelons qu’en un point indéterminé de cette broussaille, le cheveu se mue en poil. Transsubstantiation qui vaut son pesant d’alléluia.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Ce Triangle des Bermudes capillo-pileux semble connaître son apogée au tournant des XIXe et XXe siècles. Du gentleman au proxo, oncque mâle qui n’arbore ses rouflaquettes en gage de virilité, comme l’atteste une iconographie fournie comme une tignasse. A croire que les glabres font alors figure de parias. Riez, riez, on voit bien que vous ne tâtâtes jamais du tranchant des lames de l’époque. Le Bic uneu lame le orénge, à côté ? Une caresse.

Petit échantillon à travers les âges :

roufla1

Années 60-70, le tif libéré :

roufla2

Par la suite, la rouflaquette périclite inexorablement. Sorti de la corporation des routiers et des vieux hardos nostalgiques, on ne trouve plus guère que notre Maxime Médard national pour l’assumer sur les terrains de rugby :

maxime-medard

Pour ainsi dire, la chose remonte au rasoir mécanique. Mais le mot ?

Sans conviction, les lexicographes s’en remettent aux dialectes. Rouffles (« jabot, garniture de chemise »), roufle (« gifle »), sans oublier l’expression normande « faire le roufle » : « prendre un air arrogant, se pavaner ». A ce compte-là, les bricolos ressortiront maroufler, aux racines tout aussi enchevêtrées : associer ce « vaurien » de maroufle à la colle forte, pas moins tiré par les cheveux que la joue comme dénominateur commun de roufle et rouflaquette

Pronostic tout personnel : ronflant et flanquer sont tapis dans l’ombre (rouffler, ancienne variante de ronfler !). Après tout, les rouflaquettes mangent le visage de qui veut se donner de l’importance. Un suffixe affectueux (dit-on point favoris pour les mentons rasés ?) et emballé c’est pesé !

Tandis que nous crawlons dans le secret, l’anglais tire ses sideburns du nom du général nordiste Ambrose Burnside, Ambrose-Burnsidemis cul par-dessus tête pour mieux épouser l’idée (side = côté).
Ça vous défrise, doesn’t it ?

Merci de votre attention.