Quiconque se pointe à la bourrette invoquera pour sa défense une « panne d’oreiller ». Si le zig escompte vous endormir avec ça, c’est raté. Il faudrait se lever tôt pour gober un truc pareil.
Mais revenons à nos moutons, moutons.
J’ai eu une panne d’oreiller.
L’oreiller n’ayant rien de mécanique dans sa conception, celui-ci ne saurait tomber en panne. D’où guillemets, clins d’œil et air entendu.
Mais pourquoi blâmer spécialement l’oreiller ? Serait-ce lui qui vous sort du lit lorsqu’il est censé « fonctionner » ? Il semble qu’au contraire son moelleux donne effrontément dans le reviens-y. D’ailleurs pendant ce temps-là, personne ne remet en cause la fiabilité de l’édredon, ni n’évoque la fourberie de la couette (pourtant maintes fois avérée). Quant au matelas, il n’est certainement pas tout blanc, dans l’histoire.
Si le coupable ne s’est pas réveillé, ne le doit-il pas plutôt à une panne de réveil ?
Notez que les guillemets disparaissent sur-le-champ. A tort : là encore, est-ce bien la peine de s’en prendre à ce fidèle compagnon de nuitée ?
Cuisiné comme il faut, votre retardataire reformulera : « le réveil n’a pas sonné ». S’il soulageait totalement sa conscience, il reconnaîtrait l’avoir mal réglé la veille. Ou pire, indiquerait que l’engin a bien retenti (car comment pourrait-il tomber en panne ?) mais que, n’en faisant qu’à sa tête (dans le derche donc), votre homme s’est rendormi comme une masse.
Cette pénible pirouette lui évite en réalité d’admettre qu’affronter votre tronche (particulièrement ce matin) était au-dessus de ses forces.
Pourtant, vu son faciès enfariné, « panne de cafetière » aurait constitué une explication plus plausible. Ou à défaut, « panne d’escalator », « panne d’ascenseur », « panne de voiture », « panne de transports en commun »…
Au prochain coup de la panne, vérifiez que ce n’est pas encore une histoire à dormir debout.
Merci de votre attention.