Comme disait le poète, « la vie n’est pas une course » et autres allégories à base de combustion par les deux bouts.
Il est vrai qu’invariablement, nous piquons sprint sur sprint comme si notre vie en dépendait. Rares sont ceux qui enchaînent les foulées sans ce sentiment d’urgence collé aux basques. Ivres de vitesse pure, ces privilégiés ne rompent-ils point inconsciemment avec l’instinct de survie de leurs aïeux, contraints de fuir le fulminant prédateur ou, au contraire, d’avoir le meilleur sur l’impala bondissant ?
Qu’ils se détrompent, d’autres motifs de courir naissent tous les jours des nécessités modernes.
Ainsi, le but du marathonien est le dépassement, non des autres participants (dont le respect mutuel grandit avec la distance, doit y avoir un axiome à méditer là-dessous) mais de soi-même. Idem si, bille en tête, vous courez le cachet : 507 heures ne seront pas de trop pour irradier de tout votre talent, surtout s’il est très enfoui.
A défaut d’une telle endurance, vous pourrez commencer à courir sur le haricot de vos plus fervents soutiens, belle manière là aussi de peser dans l’existence.
« Que vous sert de courir ? », s’enquerra le poète décidément en verve. Demandez-vous plutôt que courir.
Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en coureur civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :
♦ Enfilez vos meilleures tennis afin de disputer le mythique marathon. « Disputer » est bien le mot : rappelons qu’une semelle sur deux doit toujours toucher la terre ferme. Sans quoi les commissaires de « course » se feront un plaisir de vous disqualifier tout en vous rappelant leur devise : « y’a pas à tortiller ». 42 bornes et des brouettes sans pouvoir accélérer, libre à vous.
♦ Bornez-vous à courir le cacheton. Là encore, attention à ne pas confondre vitesse et précipitation : un faux pas est si vite arrivé ! Communément appelé « plan foireux », celui-ci vous fera certes bénéficier du statut tant convoité mais plombera paradoxalement votre carrière. L’estime de soi peut-elle fonctionner par intermittence ?
♦ N’hésitez pas à courir sur le haricot de votre prochain. Bien entraîné(e), vous n’éprouverez même plus la sensation d’effort (vu la circonférence de la légumineuse) et deviendrez rapidement imbattable. Au point que lorsque vous suggérerez qu’on fasse un bout de chemin avec vous, vous pourrez toujours courir.
Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.