Comment détecter la petite cuiller restée dans le fond de l’évier ?

 

Rire sardonique des propriétaires de lave-vaisselle. Voilà typiquement le genre de problèmes qui ne les concerne pas : tout est sagement restitué par l’engin en bout de course. Vous qui frottez la vaisselle à l’ancienne (that’s to say à l’huile de coude) aurez beau jeu de railler en retour les verres dépolis qui ne croisent jamais un torchon.

Le schisme de l’évier.

Il n’en reste pas moins que dans le vôtre, une petite cuiller parvient toujours à se terrer sous la mousse. Vous ne la découvrez qu’en débouchant la bonde, après des dizaines de plongées dans le bac, d’écartements subaquatiques façon Moïse et autres sondages bredouilles. Par on ne sait quel sombre théorème, le couvert récalcitrant (notamment le spécimen à moka) n’apparaît bien souvent qu’une fois la dernière bulle de mousse évacuée.

Pas question de reporter le dégraissage à une prochaine vaisselle : il faut en prendre son parti. Et y aller d’une nouvelle lichette de liquide, tout exprès pour la tire-au-flanc. Sans parler du rinçage supplémentaire que nécessite l’opération ; c’est du propre.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en laveur civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Tenez une comptabilité en deux colonnes pour l’entrée et la sortie du bac. La moindre petite cuiller manquant à l’appel sera immédiatement repérée.

 

♦  Un détecteur de métaux (modèle amphibie à visée inframousse) formera un remous pour l’inox, deux pour l’argent du service de grand-maman.

poulpe

♦  100% naturel, un poulpe de compagnie rattrapera les fuyardes au vol. Si l’animal est convenablement dressé, il fera en sus des miracles avec quatre éponges.

 

♦  Dans l’emballement du pique-nique dominical, la petite cuiller peut aussi rester dans le fond du ravin. Dans ce cas, quoi qu’il vous en coûte sur le plan sentimental, le mieux est encore de l’y laisser.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

« A la clé »

 

Soupir liminaire : plus personne n’écrit clef avec un f au motif que ça fait une lettre de plus. On commence comme ça et on finit par changer la serredure en serrure, le pesne en pêne et le chambramlle… Je ne vous le fais pas dire.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Embringués sur cette pente fatale, c’est à pêne si nous sursautons quand un sombre delahousse dresse le bilan d’un attentat en ces termes :

à la clé 31 morts,

fin de citation.

C’est déjà extrêmement ballot de finir éparpillé façon puzzle sans avoir été consulté. Si « à la clé » on chahute le repos de votre âme … Car quoi ? la locution présage plutôt une issue heureuse, une récompense à venir, quoique certains dicos la tiennent pour « généralement péjorative ». On n’est pas forcé d’acquiescer.

Tout ça, c’est de la faute des musiciens qui, eux, l’emploient au sens littéral : dièses ou bémols à la clé indiquent la tonalité du morceau. Faites-le-leur cracher, tiens : la première chose qu’ils zieuteront au déchiffrage, c’est la clé (de sol, de fa ou d’utre-tombe selon l’instrument), ainsi que l’armature y afférente. 47 bémols à la clé = cauchemar assuré. Heureusement, on n’a droit qu’à 7. Idem pour les dièses, voui voui voui. Tout bêtement parce qu’après do, , mi, fa, sol, la, si, c’est le bout des terres. Et dire qu’avec cette maigre ration, d’aucuns arrivent encore à nous pondre du lancinant dont on se demande où ils vont le chercher.

Je m’égare et vous dites rien.

« A la clé », donc, exprime à sa manière l’idée d’une « carotte » ; c’est une promesse. Rapportée à la boucherie citée plus haut, avouez qu’il y a des expressions plus heureuses :

Le bilan fait état de…
On dénombre…
On recense…

pour ne citer que celles-là. « A la clé », c’est un peu comme si le présentateur revendiquait la chose en jouant à compatir. Que si ça se trouve, la voiture, c’est lui qui l’a piégée pour revenir annoncer lui-même le nombre de victimes à l’antenne. D’autant plus impardonnable que, déontologiquement (« Tu ne tueras point »), on a droit à 0 dans ces cas-là.

 

Et pour les fausses notes, l’oreille, y’a qu’ça d’vrai.

Merci de votre attention.

 

Ces noms, ces noms

 

On ne choisit pas son nom. S’appeler Robert Redford, Moïse ou Mata-Hari n’est pas donné à tout le monde et tient à peu de chose, une vétille, un concours de circonstances, un battement d’ailes de papillon. A croire que nous ne sommes que les jouets du destin. Voyons à quelles cruelles fantaisies se livrent parfois les dieux de l’état civil.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, Eugène Poubelle est bien sûr préservé des quolibets posthumes, au moins autant par son action de salubrité publique que par sa qualité de mâle. Car qui mesure aujourd’hui la disgrâce ayant frappé sa chère et tendre ? Imaginez les réceptions où l’on annonçait « le préfet Poubelle et Madame ».

Morceaux choisis parmi la populace :

Tiens, il a sorti la Poubelle ;

Cette Poubelle, qu’est-ce qu’elle cocotte.

Pauvre femme. Espérons au moins que son martyr ne perdurait pas dans l’intimité avec de désobligeants

Elle est pleine, ma Poubelle

après que le père Eugène l’eût mise enceinte ou

Allons donc, encore déchirée !

après qu’il l’eût fait boire. Ou l’inverse.

Vieux cochon, va !

 

Tous aux abris, le patron de Rock & Folk s’essaye au créneau avec sa décapotab’. Philippe Manœuvre, d’accord, mais observez-le : c’est délicat quand on n’a pas de cou, la tête directement posée sur les épaules. Heureusement que les titines de maintenant se garent toutes seules. Merci la technologie de pointe !
(Un programme baptisé « Moonwolke » est d’ailleurs à l’étude, qui vise à retirer sans ablation des cordes vocales l’accent des français parlant anglais. C’est beau la science).

 

Et Léonard ? Il se trouve que Vinci était le nom de son bled. Mais un détail comme çiloui-là, non maîtrisé, peut facilement vous plomber une carrière ! Le génie lui-même trouvait que l’appellation complète faisait un peu « les auditeurs ont la parole » et, en se mettant dans ses sandales, on peut difficilement lui donner tort. Au fait, aurait-il peint la Joconde si, au lieu de convoler avec son riche marchand d’étoffes, celle-ci avait tapiné dans les bouges de Florence ? « La Puttana » sous verre blindé au Louvre, voilà ce à quoi nous avons échappé, les enfants.

 

Restons dans l’Italie de la Renaissance : songez aux conséquences pour l’humanité, si maman Vespucci avait appelé son fiston Kevin ou Jean-Mi plutôt qu’Amerigo.
Au passage, avoir un continent à son nom, ça vous a quand même une autre gueule que de le découvrir en croyant jusqu’au bout que c’est pas çui-là. Comme quoi Christophe Colomb a jamais eu de bol. Vespucci ayant tout raflé, quel os lui a-t-on laissé, au chien ? L’ère « pré-colombienne ». Dites-moi que vous aussi, jusqu’à un âge sérieusement avancé, ne pigiez guère le rapport entre les Aztèques ou les Mayas et la Colombie, qui vivait sous son nom de jeune fille bien avant l’arrivée des caravelles ? Et encore, le Christophe peut s’estimer heureux d’une telle postérité. C’était ça ou la colombienne. Snif.

 

Antipodes toujours, une simple inflexion dans la bouche des autochtones de Bikini et les filles du sexe féminin n’auraient plus de scrupules à aller monokunu.

D’ailleurs, s’il avait plu à notre éminent Jacques Monod d’inventer la stéréo – car c’était dans ses cordes – que n’aurait-on entendu !

 

Et dans notre série « ils l’ont bien cherché », avec la page Berlusconi qui se tourne, on peut déclarer Gianfranco Fini une bonne fois pour toutes. Pas fâchés.

 

On ne s’attardera guère sur ces illustres Martin ou Durand que sont Romain Bouteille, Vanessa Paradis, M, Paul Personne, Tom Novembre et Charlélie Couture, qui n’ont jamais besoin d’épeler lorsqu’ils réservent une table au restaurant.
Ils ne connaissent pas leur bonheur, comparés à l’ex-voix du rugby Pierre Albaladejo. Qui du coup préfère pique-niquer, quitte à opposer l’origine occitane de son patronyme aux railleurs, toujours prêts à lui tendre de l’alu couvert de Jo gravés au couteau de poche…

 

Pour finir (car l’heure tourne), ne dites pas :

Carla Bruni

mais

Carla bronze

ou

Carla bronsse

si vous imitez le mari (qui, lui, ne peut bronsser qu’à l’ombre).

A la rigueur, on admettra

Karl a bruni

puisque l’intéressé ne fait jamais rien comme tout le monde et que « bronzer ? du n’y penzes pas, mais z’est d’la merde, za, ma jérie ».

Si l’occasion se présente de voir Michel Galabru vociférer sur les planches :

Noooooooon ! Noooooooon ! Mais nooooooooon hein !,

on peut même aller jusqu’à affirmer : « Galabru nie ». A ses risques et périls.

Merci de votre attention.