Comment s’arracher les cheveux qui manquent ?

 

Les absurdités du quotidien sont autant d’occasions de vous arracher les cheveux. A condition d’en disposer en nombre suffisant pour pouvoir donner libre cours à votre fureur.

Ainsi, le nourrisson baignant dans la béatitude n’est pas concerné. S’il n’a pas de poil sur le caillou, c’est tout simplement qu’il n’en a pas besoin, toute contrariété étant écartée dans l’instant par ses géniteurs. La nature est bien faite.

Mais comment font les chauves ? Ils ne vont certainement pas s’en prendre aux mèches de leur voisin. En outre, le souci supplémentaire causé par la frustration ne ferait qu’accélérer la chute des tifs.

Sans parler des vieilles dames dégarnies. Ou des patients sortant d’une chimio, contraints de ronger leur frein en attendant que ça repousse.

Enfin, si vous êtes sur le point de vous faire scalper, sachez que Grand Sachem ne rigole pas et qu’il vaudrait mieux détaler plutôt que de gémir sur l’inconfort de la situation. Autrement dit, ne vous arrachez pas les cheveux ou l’on pourrait s’en charger pour vous.

 

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en défrisé civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Vous arracher les cheveux de la moumoute. Attention, si vous ne maintenez pas fermement cette dernière, les rares qui ne se doutaient de rien découvriront le pot aux roses.

 

♦  Vous arracher les poils du nez. Jusqu’à preuve du contraire, on n’est jamais chauve du nez. Un peu douloureux certes mais vous aurez au moins résolu ce disgracieux problème.

 

♦  Vous arracher les poils du kiki. A quoi servent-ils de toute façon, ceux-là ? Filles du sexe féminin, vous économiserez en plus le coût du maillot.

epilation

♦  Vous arracher les poils des jambes. A quoi servent-ils de toute façon, ceux-là ? Filles du sexe féminin, vous économiserez en plus le coût de l’épilation. Cyclistes, rabattez-vous sur les poils du casque.

 

♦  Vous arracher tout court et laisser votre pilosité tranquille.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.

 

Jean-Louis Fournier

 

Il fustige l’absurdité de la vie, les guillemets et les humoristes pas drôles, Jean-Louis Fournier est un frère d’armes. Si vous n’aimez rien tant que les feulements ordinaires magnifiés par l’écriture, foncez lire Ça m’agace !, son petit dernier. Identification maximale pour les moutons contrariés comme vous et moi !

Si vous préférez l’ouïr en interview (prononcé viouve car Jean-Louis Fournier n’est « plus un perdreau du jour » selon son expression), on peut dire que vous tombez bien : Rebecca Manzoni lui a récemment brossé le portrait. C’était dans Eclectik, émission de service et d’utilité publics par la seule présence du grain manzonien (épaisseur et espièglerie, LA femme faite voix, si j’ai une fille elle s’appellera Rebecca, sa maman aussi mais m’en fous). L’auteur y parle surtout de Mon dernier cheveu noir, sous-titré avec quelques conseils aux anciens jeunes, qu’il défend himself sur les planches. Impossible de citer un chapitre in extenso, ça vous priverait du plaisir de la découverte pis M’sieu Copyright ferait ses gros yeux. Impossible aussi d’amputer la moindre virgule. En guise de pis-aller, l’incipit, juste pour donner le ton :

De Radiguet, écrivain mort à vingt ans, Cocteau a dit :
« La première fois que je l’ai vu, j’ai compris qu’il nous était prêté et qu’il allait falloir le rendre. »

De moi, on pourra dire :
« La première fois qu’on l’a vu, on a tout de suite compris qu’on ne pourrait pas le rendre et qu’il allait falloir se le garder un bon moment. »

 

Jean-Louis Fournier écrit dans un style simple et sec (il « déteste parce que », je cite toujours) des trucs d’une intelligence sans bornes, d’un cynisme parfois impitoyable mêlé de poésie. Il atteint d’autant mieux son but que le format est court.
La minute nécessaire de M. Cyclopède, vous vous souvenez ? Le gars qui filmait Desproges s’appelait Jean-Louis Fournier et non, c’étions pas un homonyme.
(Même l’horloge, c’était la sienne).

Ça vous pose un bonhomme, non ?