Hors anatomie faciale, nous ne surnommons guère que nos membres les plus éminents : mains, pieds, … (oui bon). Rien pour le coude, pas davantage pour le tibia. Et en remontant, tandis que mirettes, portugaises, tifs et pif vont bon train, sourcil n’a jamais droit à son sobriquet, pas plus que menton.
Mais revenons à nos mentons, moutons.
Pourquoi pif, nom d’un chien ? Une onomatopée au pif ? Allons bon. On ne vous la fait pas, l’argot est trop malin pour ça, qui jette son dévolu sur notre appareil nasal. Y’a qu’à voir l’afflux des dérivés de pif :
– « Au pifomètre » :
extension plaisante de « au pif » qu’on traduira soit par « au hasard » soit par « au feeling », ce qui ne revient pas du tout au même comme le hurlent du fond de la salle des zélateurs de Jacques Monod donnons-leur donc le micro qu’on les entende en stéréo ;
– le bourre-pif cher à Audiard :
Non mais t’as déjà vu ça ? En pleine paix ! Y chante et pis crac, un bourre-pif !
(Raoul Volfoni, Les Tontons flingueurs) ;
– et enfin le succulent piffer, sans lequel la langue ne serait pas tout à fait ce qu’elle est. Pour atténuer son emploi toujours négatif :
ne pas pouvoir piffer qqn,
certains l’altèrent en piffrer. L’influence d’empiffrer ? Renvoi d’ascenseur plutôt : l’ancien français piffrer préfigure bel et bien empiffrer.
Vous noterez au passage que « ne pas blairer », « ne pas sentir qqn » sont eux aussi situés dans la sphère ORL.
Et ce, depuis 1821, date à laquelle « avoir qqn dans le pif » fait son entrée fracassante. Il faut poireauter jusqu’au milieu du XXe siècle pour qu’un sens positif (« flair ») fasse un peu oublier le « gros nez » du piffard, aujourd’hui passé de mode.
Car le pif de 1888 est autrement plus connoté que le nôtre :
Nez et principalement nez bien en chair et haut en couleur, nez d’ivrogne.
Pour évoquer la grosseur, on a donc été chercher pif à l’instar de pouf pour pouffiasse et patapouf…
Oto-rhinos, laissez-vous aller à dire pif dans l’intimité, ça détendra tout le monde.
Merci de votre attention.