Canapé

 

De même que le lion est le roi des animaux, le canapé règne en maître incontesté sur le living, ne craignant ni fauteuils, ni sofas, ni chauffeuses en tous genres. Soulevons-lui les coussins avec précaution.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Le monde culinaire, lui, n’a pas hésité à descendre canapé de son piédestal pour le réduire à l’état de

tranche de pain de mie taillée en rectangle, frite ou grillée, dont l’épaisseur et la grandeur varient suivant le mets qu’elle doit supporter.

Toujours riquiqui, toujours au pluriel.

Remarquez qu’on n’a pas eu plus d’égards pour le lit, cet autre suzerain déchu.

 

Le dénigrement du canapé date du temps où il désignait encore un

groupe très restreint de personnes soucieuses de demeurer entre elles.

Un club, pour rester dans la famille sandwich.

C’est en -300 avant Ikéa qu’apparaissent les premiers canapés. Ces spécimens de « large siège à dossier où peuvent s’asseoir plusieurs personnes » ont déjà évolué depuis le conopé « rideau de lit » de 1180.
Début XVIe, on peut aussi croiser canope au sens de « moustiquaire ». Ne vous rappelé-ce pas canopée, cette couverture feuillue qui plonge la forêt dans la semi-pénombre ?

C’est que conopé n’est qu’un recyclage de la « moustiquaire » latine conopeum, gaulée au grec kônôpeîon. Et qui dit moustiquaire dit kônôps, zzz’aurez beau faire. Si ce khônnaud de moustique est conoïde, normal : c’est précisément son kônos (« cône ») qui lui permet de pomper, pompé sur l’indo-européen ko ou ku- exprimant l’idée d’« aiguisé », déguisée en coin.

 

Au prochain moustique, plutôt que de le regarder en coin, planquez-vous sous le canapé.

Merci de votre attention.

 

« Piqûre de rappel »

 

Seule expression de toute la langue à base de piqûre, figurez-vous. « Piqûre de moustique » n’a pas de sens figuré. Elle ne prête donc pas à rire. Pas plus que « piqûre d’abeille » qui n’a pas de sens du tout, car cette fière héroïne pollinisatrice se pique de ne pas piquer l’homme. « Piqûre d’héroïne » relève donc de la poudre aux yeux.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

« Piqûre de rappel » constitue en sus une excellente « piqûre de rappel » concernant l’orthographe de piqûre. Seul mot de toute la langue avec un u portant chapeau après q, figurez-vous. C’est pourquoi la variante « picouze de rappel » n’offre pas grand intérêt.

 

« Piqûre de rappel » est une mise en abyme top fraîcheur. C’est là son seul mérite.

Car celle-ci occasionne une gêne persistante. Est-ce à dire qu’on y injecte du « rappel » ? Ne serait-ce pas plutôt la « piqûre » elle-même qui servirait à « rappeler » quelque chose ? Ce serait une révolution dans le monde de la piqûre. Qui, jusque-là, se contentait de soigner (si c’est une infirmière) ou de pomper le sang (si c’est un moustique femelle on n’y peut rien c’est la nature, filles du sexe féminin).

 

Et depuis quand un « rappel » s’inocule-t-il en intraveineuse ?

Ah pis alors, rien à voir avec le « rappel » du vaccin. Auquel cas c’est le vacciné qu’on « rappelle » lorsque les premières piqûres cessent de faire effet. D’ailleurs, si le « rappel » vaccinait contre l’oubli, il devrait exister des rappels de « rappel ». Or, on n’en voit jamais la couleur. Tout juste de nouvelles « piqûres de rappel », de plus en plus humiliantes.

 

En apparence anodine, une « piqûre de rappel » peut, on le voit, entraîner un état de grande confusion. Mieux vaut donc l’éviter.

 

La semaine prochaine, nous procéderons à l’examen de « délai de rigueur ».

Merci de votre attention.

 

« Démoustiqueur »

 

Voilà un nom de super-héros comme on les aime. S’il ne garantit pas que l’héroïne succombe aux charmes de celui qui le porte, du moins son évocation suffit-elle à épouvanter les pompe-globules à trois rocades à la ronde.
Ce qui vaut déjà son pesant de gloire.

Mais revenons à nos moutons, moutons.

C’est évidemment sur les bidons de liquide lave-glace que l’on voit fleurir la mention « démoustiqueur », surtout à la belle saison. Une enquête est en cours pour déterminer à quelle époque elle a bien pu apparaître. A fortiori sans que quiconque ne s’en offusque.
Est-ce à dire que, jusque-là, ces gros benêts de lave-glace ordinaires se contentaient d’évacuer à grandes eaux les cochoncetés de votre pare-brise sauf les moustiques ?

 

Considérons la fin tragique du moustique s’échouant à grande vitesse sur le plexiglas. Après l’acte de décès en bonne et due forme, vous conviendrez que n’importe quelle solution vendue sous le nom de « lave-glace » balaye tripes, boyaux et le reste du saint-frusquin en un temps record ?

 

La Grosse Distribution escompterait-elle nous faire croire qu’il y aurait sur le marché des lave-glace « démoustiqueurs » et d’autres non ? Ou nous prend-elle par les sentiments avec ce « démoustiquage », néologisme rageur s’il en est, jouant sur le principe du « ça va mieux en le disant » ?

Vivement les aspis « anti-acariens », qu’on se marre de plus belle.

Merci de votre attention.