Immeuble

 

De ce côté-ci de l’Atlantique, les buildings d’en face sont source d’infinies railleries. Mais ceux qui vivent dans ces constructions (littéralement) pourraient à bon droit se gausser de notre accent fécal. Building prononcé comme bulldozer ? Allons donc. Et build alors ? Et d’abord, nous sommes-nous seulement regardés, avec nos immeubles ?

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Bien que ceux-ci ne s’étirent guère que sur deux étages (plus rez-de-chaussée), les seuls complexes à avoir ce jour seront d’ordre étymologique. Il suffit d’inspecter les fondations d’immeuble pour piger que ça urge.

 

Avant de rouler des mécaniques en tant que

bâtiment urbain à nombre plus ou moins important de niveaux destiné à abriter des appartements, des installations professionnelles ou des bureaux,

est immeuble

ce qui ne se meut pas.

A ce compte-là, une statue, une maison, Michel Drucker est un immeuble.
Pas le terrier, creusé par définition dans de la terre meuble.
Quant au déplacement de meubles cher aux voisins du dessus, il termine de rappeler l’étroit cousinage de meuble avec mobile.

C’est d’ailleurs immoble qui sort de terre vers 1200. Evidemment, il ne tient pas en place et devient immeuble en 1319, escamotant pour le coup mobilis, contraction latine de movibilis, tiré du verbe movere auquel on doit mouvement, amovible, émouvoir et, de l’autre côté de l’Atlantique, move et remove.

Dans le feu de l’action, movere s’est mué en movitare, lequel a muté en mutare. Movere a aussi mis bas le fréquentatif motare, qui n’en finit pas d’exploser.

 

Comme les prix de l’immobilier du reste.

Merci de votre attention.

 

Que faire lorsqu’on vous reçoit télé allumée, son coupé ?

 

Aussi longtemps que vos pieds vous portent, ils fouleront le seuil d’individus chez lesquels votre présence, apparemment bienvenue, fait néanmoins concurrence au téléviseur resté allumé. Peut alors se former une boule de vexation dans l’abdomen. Réaction tempérée par votre cerveau, qui détecte que le son, lui, est coupé. Ce qui permet au moins d’entendre quel bon vent vous amène. L’un de vos hôtes aura eu le tact d’appuyer sur le bouton mute de la télécommande en repérant votre arrivée. Vous faites donc contre mauvaise fortune bon cœur. Pour un peu, la boule désenflerait. Mais ça ne tient pas. Personne n’a pu assister à votre créneau sous les fenêtres puisque, comme d’hab, y’a jamais de place pour se garer, dans cette rue de merde.

C’est donc que l’audio était déjà désactivé auparavant. On jurerait un problème de réception.

mute

Or donc, quelle attitude adopter ?
Réagissez en convive civilisé.
Plusieurs options s’offrent à vous :

 

♦  Klaxonnez deux cents mètres au moins avant la maison ou, si celle-ci est sise dans la rue de merde susmentionnée, faites coucou bien fort d’en bas. Ce sera le signal pour éteignez.
Evitez cependant les samedis en milieu d’après-midi où, dans le sillage d’un mariage, personne ne vous distinguerait des autres blaireaux invités rameutant tout le quartier avec leur avertisseur (de merde, lui aussi).

♦  Vous débarquez rarement à l’improviste. Ces gens, des proches généralement, sont donc au courant de votre visite et s’en réjouissent, on l’a dit. Si à leurs yeux le doux ronron de la télé vaut bien celui de votre conversation, repassez plus tard. Convenez d’une heure où l’image de leur émission favorite viendra tout juste de céder la place au tout-venant. Le charme agira encore à votre retour, qui les mettra dans d’excellentes dispositions à votre égard.

♦  Ayez toujours sur vous une zappette universelle. Lorsqu’on vous priera, selon la formule consacrée, de « faire comme chez vous », installez-vous tranquillement face au poste. D’un geste sûr, coupez-lui le sifflet à travers la poche de votre veste avant qu’on n’ait proposé de vous en débarrasser. Votre magnétisme naturel éclatera au grand jour et on ne s’apercevra même pas de la manœuvre. Car qui la regardait jusque-là, cette télé muette ?

♦  En cas de soirée déguisée, profitez-en pour vous grimer en speakerine ou en animateur et jouez vous-mêmes les pubs en incarnant alternativement tous les personnages, vache Milka incluse. On se souviendra de vous comme du clou de la soirée, au point que l’original paraîtra bien fade à l’écran.
N’oubliez pas de ruer dans les brancards une fois ou deux, afin que toute la maisonnée admire votre parfaite immersion dans le rôle.

 

Flegme et dignité, montrez de quel bois vous vous chauffez.