Les journalistes d’investigation à qui on ne la fait pas – comment dire ? – font parfois semblant d’hésiter dans leur commentaire :
une explication – comment dire ? – plutôt embarrassée.
Le procédé, à la longue, est – comment dire ? – un rien gonflant.
Mais revenons à nos moutons, moutons.
Le journaleux, lui, est – comment dire ? – tout fiérot de se mettre ainsi en scène. Ça lui permet – comment dire ? – de se ménager un suspense pour mieux coller au ton de la confidence, où chaque mot est pesé pour faire sentir que – comment dire ? – c’est du lourd. Sans compter l’occasion, une fois n’est pas coutume, de laisser sa neutralité au placard.
Mais (il faut bien que quelqu’un lui dise) « comment dire ? » établit – comment dire ? – une fausse connivence. Le journaleux sait très bien « comment dire » puisque la suite de sa phrase est déjà écrite. Peu nous chaut de savoir combien de fois il aura tourné sa langue dans sa bouche avant de cracher sa pastille.
Sous couvert de « nous on sait, et on ne vous prend pas pour des billes », c’est – comment dire ? – le contraire qui se passe.
Ce petit effet est aussi censé – comment dire ? – appuyer le propos. Là encore, c’est – comment dire ? – raté. Si le journaleux conclut sa formule par un mot édulcoré, il ne dit pas tout à fait ce qu’il pense.
Si bien qu’en réalité, « comment dire » est un excellent moyen de ne pas le dire, sans le dire.
On avait déjà l’habitude d’arrondir les angles avec « disons ». Même degré de diplomatie dans « pourrait-on dire », bientôt suivi d’« on va dire » (qui ne veut rien dire s’il n’est pas antéposé).
« Comment dire ? » passe à la vitesse supérieure ; on pourrait presque ajouter « pour ne froisser personne tout en montrant qu’on n’en pense pas moins ». Mais ça, – comment dire ? – on ne peut pas le dire.
Détenteurs de carte de presse, à quoi sert-ce de découvrir des pots aux roses si c’est pour tout gâcher par des « comment dire » ?
Merci de votre attention.