Dès lors qu’un ouistiti ne peut plus se faire élire, nous évoquons presto son « inégibilité ». C’est dire si on ne prend plus le temps de rien – comme le prouve cette autre tournure grammaticalement cavalière. Un li réglerait sans doute le problème.
Mais revenons à nos moutons, moutons.
Et à élire donc.
Ayant le droit d’être élu : éligible. Fait d’être éligible : éligibilité. Contraire de ce qui précède : « inégibilité » ?
Ach ! si les Zallemands nous voyaient. Eux se jouent des vocables à rallonge en gobant les compléments du nom depuis leur plus tendre Kindheit. On inspire un bon coup :
Rindfleischetikettierungsüberwachungsaufgabenübertragungsgesetz
(« loi sur le transfert des obligations de surveillance de l’étiquetage de la viande bovine » ; même l’acronyme est incomestible).
De ce côté-ci de la ligne Maginot, au-delà de six syllabes, c’est le bout du monde.
Inéligibilité : orgie de i, d’accord. Est-ce là ce qui nous pousse à en sauter un ? Hypothèse séduisante – en partie seulement : le record est détenu par un autre mot. « Inégibilité » fait surface ? Pensez à indivisibilité ! Guérison instantanée.
En réalité, si l’on pratique l’aphérèse sans le savoir, c’est avant tout une histoire de scansion.
Les poteaux, nous butons parce que nous décomposons
iné-gibi-lité
en 2-2-2, sur le même rythme qu’éligibilité. Alors qu’on ne bavera jamais « indisibilité » (sauf cas désespérés).
De surcroît, dans ce découpage binaire, le dernier binôme répond phonétiquement au premier, gardant au chaud les deux i médians côte à côte.
Mais pensez par groupes de 3 et la rime vous fera la courte échelle :
inéli-gibili-(té).
Si on se le récitait comme une comptine ? Après tout,
inéli, gibili
et
ocello cello ouistiti,
même combat.
Merci de votre attention.