Pelote

 

Tout à la joie d’observer le chat jouer avec sa pelote (il s’amuse d’un rien), on oublie totalement la parenté de celle-ci avec peloter, peloton et se pelotonner. Au moins trois cousins qu’on ne voit jamais (et elle non plus).

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Ça ne se discute plus depuis le début du XIIe siècle, une pelute est une

boule formée par l’enroulement de fils,

généralement de laine.

Rondeur sur laquelle joue aussi peloter, le vilain.

D’ailleurs, « avoir les nerfs en pelote » est fort proche d’« avoir les boules ».

 

Ceci posé, un peloton n’est jamais qu’une « petite pelote » ; comme quoi, faut jamais se laisser impressionner. Et par extension, « petit amas compact » ou « petit groupe de personnes ». Tandis qu’on dévide la pelote, le peloton déroule (sur les routes du Tour) ou défouraille (s’il s’agit du peloton d’exécution).

Dans le fond de la salle, les cinéphiles se souviennent de Platoon, anglicisation de l’inoffensif peloton ; comme quoi, faut jamais se laisser impressionner.

 

Se pelotonner, c’est donc « se mettre en peloton », autrement dit « en boule ».
La faute au bas latin pilotta, diminutif de pila, « balle », dont le prototype était sans doute en « poils » (pilus).

Rapporté à notre pelote et à notre greffier du début, il est assez fendard (on s’amuse d’un rien) qu’une boule de poils poursuive une autre boule de poils.

 

Mais alors, pilule ? Tout juste, « petite boule » qui guérit depuis le latin pilula, un autre diminutif de pila.
Pelouse ? Du vieux provençal, voui voui, tiré de pelous, « garni de poils ».
Et peler ? Pile poil, enlever les poils et la peau. Mais ne refaisons pas le film, les cinéphiles crieraient au complot, de l’ancien verbe compeloter, « rouler en boule » ; comme quoi, faut jamais se laisser impressionner.

Merci de votre attention.

 

Herbe

 

Imaginez le nombre de brins d’herbe à la surface du globe : de l’herbe à perte de vue. C’est vrai ça, devant votre gazon ou votre pelouse, z’aurez beau faire le malin, c’est toujours de l’herbe que vous admirez. Tout se passe comme si celle-ci était la reine du monde végétal. D’ailleurs c’est souvent son nom qui vient au sujet d’une tout autre plante : mauvaises herbes, herbes de Provence, « herbe » vendue sous le manteau…

Mais revenons à nos moutons, moutons.

Ubiquité en vigueur depuis l’herba latine, qui saute allègrement de l’herbe proprement dite aux « mauvaises herbes » en passant par « jeunes pousses » et, autant y aller à fond, « plante en général ».

Herba pousse d’abord en erbe (« plante à tige non ligneuse ») dans le françois du XIIe siècle, avant de récupérer ce h sans lequel elle faisait un peu toute nue faut bien le dire. Ces copieurs d’Anglais l’adoptent à leur tour vers 1300 pour désigner une « non-woody plant ».

Un herboriste ne vendra donc pas d’arbres (ni d’herbe d’ailleurs, ce serait très khôn de sa part, y’a qu’à se baisser) mais de la parapharmacie naturelle, des plantes aromatiques et autres huiles essentielles.

 

Herba doit tout au radical indo-européen -ghre recouvrant l’idée de « verdir, pousser », bien visible dans grass, green, grow (rapport à tout ce qui est photosynthèse).

Idem en allemand, en néerlandais ainsi que dans toute la Scandinavie.

Quant à l’arabe, herbe s’y dit hachich ; hallucinant, non ?

 

Jetons enfin pour le plaisir un coup d’œil non exhaustif sur le panorama des herbes médicinales, classifiées par des zanciens à l’imagination débordante : herbe à bouteille, herbe à calalou, herbe à crapauds, herbe à éternuer, herbe à la coupasse, herbe à la cuiller, herbe à la femme battue, herbe à la taupe, herbe à l’ambassadeur (alias le tabac), herbe à l’archamboucher, herbe à l’esquinancie, herbe aux cent goûts, herbe aux dents de chevaux, herbe aux patagons, herbe aux sorcières, herbe à lunettes, herbe à sept têtes, herbe à mille trous, herbe d’amour et bien sûr, herbe à mouton.

Merci de votre attention.