Plus on aime quelqu’un, plus on incline à l’appeler par son petit nom, à savoir son prénom. Voilà encore une idée reçue qui mérite d’être balayée avec force boââh.
Mais revenons à nos moutons, moutons.
On a déjà évoqué nos rapports tendres avec les tyrans lointains. A l’inverse, nous désignons les ceusses dignes d’admiration comme un caporal-chef ses troufions.
Les peintres illustrent comme personne ce paradoxe. Kandinsky, Watteau, Turner, Picasso, Soutine, les deux gars Manet et Monet (toujours confondus, c’est malin)…
La postérité ne retient du maître que son patronyme, qui déteint sur ses œuvres : un Rembrandt, un Boticelli. S’il y a des exceptions (Léonard, Vinci n’étant que le nom du bled), elles confirment la règle : qui se souvient du prénom de Vermeer ?
D’ailleurs Van Gogh signait Vincent. Résultat, il a fini avec un tournesol au plafond.
En sport, idem. Quand les joueurs se distribuent le ballon, le commentaire ne cite jamais leur prénom, par lequel pourtant tout le monde se hèle sur le terrain. S’il y a des exceptions (Zizou, qui n’en fait qu’à sa tête), elles confirment la règle : aucun footeux ne se souvient du prénom de Vermeer.
Imaginez que vous soyez sur la pelouse. Ne vous paraîtrait-ce pas étrange qu’on omette la moitié de votre état civil ?
Et n’allez pas croire que toutes les têtes connues soient à la même enseigne. Ou on adore Johnny, ou on déteste Hallyday (ce qui ne se dit pas).
En journalisme, la règle est simple : Jacques Chirac, neutralité oblige. Retirez une moitié de blase pour que la familiarité s’impose comme la lumière dans la pièce.
Enfin, pensons aux proches et aux descendants (sans parler des homonymes) pour qui « se faire un prénom » est une question de vie ou de mort.
Pour une Geraldine Chaplin ou un Alexandre Dumas fils (lequel dut tuer le père deux fois, le bougre), combien de Kevin van Beethoven, de Robert Einstein, de Chantal Gandhi et de Marcel Velazquez tombés dans l’oubli ?
Merci de votre attention.